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Ancien photographe, passionné de surf, entrepreneur atypique prônant une approche collaborative de la création, Adam Brown aime élargir ses horizons, 2025 - TGL
Ancien photographe, passionné de surf, entrepreneur atypique prônant une approche collaborative de la création, Adam Brown aime élargir ses horizons, 2025 - TGL
Eleonora Boscarelli

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Adam Brown (Orlebar Brown) : le parcours atypique d’un entrepreneur visionnaire

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Ancien photographe, passionné de surf, entrepreneur atypique prônant une approche collaborative de la création, le cofondateur d’Orlebar Brown, la plus prestigieuse des marques de maillots de bain pour homme, aime élargir ses horizons.

Rendez-vous a été pris pour déjeuner dans un restaurant portugais. Adam Brown se régale d’un peu d’huile d’olive sur du pain chaud. « C’est déjà une manière d’être en voyage et de se rapprocher de la mer, vous ne trouvez pas ? » s’amuse le cofondateur d’Orlebar Brown, tout de marine vêtu.


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Le grand bain

Ce passionné de surf qui parcourt le monde à la recherche des belles vagues et a établi son domicile près de celle de St Agnes, dans les Cornouailles, ne peut demeurer longtemps loin de l’élément liquide. Conseil d’ami, si vous ne voulez pas le fâcher, évitez de lui parler de ski. « Je déteste le froid ! » tranche-t-il, catégorique.

Une simple intuition peut devenir une puissante vision entrepreneuriale, comme en témoigne le parcours d’Adam Brown, dont la célèbre marque de maillots de bain appartient désormais au groupe Chanel.
Une simple intuition peut devenir une puissante vision entrepreneuriale, comme en témoigne le parcours d’Adam Brown, dont la célèbre marque de maillots de bain appartient désormais au groupe Chanel. Eleonora Boscarelli

Un chaud soleil de printemps caresse les ruelles du centre de Londres. Le siège de la marque de maillots de bain pour homme n’est qu’à deux pas. Pour autant, la griffe à la renommée internationale ne se revendique pas « british », même si elle habille James Bond, David Cameron ou Paul McCartney.

« J’ai un passeport britannique, mais je ne suis probablement pas l’Anglais classique du monde de la mode que l’on pourrait imaginer. Mes horizons ont toujours été plus vastes et plus ouverts. Je suis né en Asie, j’ai eu la chance de beaucoup voyager. L’idée même de ma marque est née à l’étranger », précise Adam Brown.

De la piscine au restaurant

Flashback : été 2005. Adam Brown séjourne au Rajasthan, dans un hôtel chic. Un maître d’hôtel contrariant ne le laisse pas passer de la piscine au restaurant en maillot de bain et le prie vertement de remonter dans sa chambre pour se changer s’il souhaite déjeuner. « Plutôt que d’avoir un short de bain, j’ai ressenti le besoin d’avoir un short avec lequel je puisse me baigner. C’est un petit événement insignifiant qui s’est produit dans ma vie, qui a pourtant tout changé », se souvient-il.

Portrait d’Adam Brown.
Portrait d’Adam Brown. Eleonora Boscarelli

« À l’époque, je m’ennuyais un peu. J’étais devenu photographe, mais je n’avais pas vraiment rencontré le succès. Je crois bien que je n’étais pas très doué. J’avais travaillé auparavant dans le secteur du bénévolat, dans des prisons et dans des organisations caritatives pour enfants. J’avais 40 ans et j’étais plutôt fauché. L’idée m’est venue très vite. Dès mon retour en Angleterre, j’ai jeté les bases de ce qui allait devenir nos produits. »

Son idée ? Un maillot de bain pour homme empreint du style tailleur et confectionné dans des matières nobles. « Notre short de bain original était basé sur le modèle traditionnel d’un pantalon d’homme. J’ai examiné de près la construction des pantalons de costume et je l’ai appliquée aux shorts de bain, que j’ai pourvus de fermetures latérales et de pinces à l’arrière, pour l’ajustement. J’ai utilisé un tissu en polyamide adapté à la natation ou à la plage, mais suffisamment élégant pour se promener en ville ou aller déjeuner. Tout le monde, quels que soient sa morphologie, sa taille ou son âge, est mieux dans un vêtement taillé à sa mesure », explique Adam Brown, qui aura probablement pris conseil en matière d’art du tailleur auprès de son beau-frère de l’époque, le journaliste et historien Nick Foulkes, spécialiste du sujet.

Maillot, polo, chemise, pantalon ou veste : chaque modèle bénéficie d’un patronage individuel.
Maillot, polo, chemise, pantalon ou veste : chaque modèle bénéficie d’un patronage individuel. Eleonora Boscarelli

Sophistiqués dans leur conception, les maillots de bain imaginés par Adam Brown ne comptent pas moins de 60 éléments différents dans leur patronage et réclament une fabrication attentive, avec plus d’une vingtaine d’opérations manuelles. Si le concept, pertinent, fera des vagues dans le milieu des vêtements de plage, dominé jusque-là par les concepteurs d’équipements sportifs et par les fabricants de fibres techniques synthétiques, les débuts sont plutôt lents et difficiles.

Même s’il est épaulé par son associée Julia Simpson-Orlebar, Adam Brown doit tout faire tout seul, de la gestion de la production initiale à la mise sous pli et l’expédition des commandes, dans un petit local de stockage exigu de l’ouest de Londres. Son ambition est alors de réussir à vendre 1000 pièces. « Le tout premier maillot ? Je m’en souviens parfaitement. J’étais installé au Starbucks de Kensington High Street pour travailler. Je l’ai vendu en ligne. C’était un Dane bleu ciel, taille 36 », se rappelle avec précision Adam Brown, en détaillant les cadres accrochés en pêle-mêle à l’entrée de ses bureaux.

Orlebar Brown propose désormais un vestiaire complet pour être chic en toute occasion dans un environnement balnéaire.
Orlebar Brown propose désormais un vestiaire complet pour être chic en toute occasion dans un environnement balnéaire. Eleonora Boscarelli

Au centre de l’accrochage : la première facture et la clé du fameux local d’où tout est parti. Un cabinet de curiosités mural où se côtoient les souvenirs des tout premiers prototypes, les campagnes de publicité marquantes et les modèles phares, comme ces shorts de bain imprimés aux motifs des affiches des vieux films de James Bond, Sean Connery pourchassant les vilains en combinaison de plongée, ou ceux reproduisant les clichés les plus célèbres du photographe Slim Aarons.

« Je ne suis pas vraiment capable d’expliquer pourquoi, mais celui avec la photo du départ du Grand Prix de Monaco est notre best-seller », confie Adam Brown avec un sourire, alors qu’il s’apprête à inaugurer une nouvelle boutique dans la Principauté.

Au cœur de la ruche

Le vaste espace de travail, agrémenté de palmiers et de fauteuils au design des années 1950, qui ne dépareraient pas dans un lounge de palace Art déco de Miami Beach, est une ruche dans laquelle s’activent plus d’une cinquantaine de collaborateurs, pour la plupart assez jeunes. Le studio de design et de création occupe la plus grande partie de l’étage. Un grand mur est constellé d’images d’inspiration punaisées et de dessins pour des prototypes.

Présent au cœur des équipes, Adam Brown défend une approche collaborative.
Présent au cœur des équipes, Adam Brown défend une approche collaborative. Eleonora Boscarelli

Des échantillons de tissus et de broderies par dizaines témoignent que la marque ne s’interdit aucun secteur de recherche ou d’exploration. Ici des tissus-éponges, là des brocarts, par ici du seersucker, des lins pastel. Rayures et motifs, classiques, ethniques ou exotiques sont les bienvenus. Sur un portant, des coloris plus audacieux attirent l’œil. Les matières aussi. Techniques et performantes. Il s’agit des nouvelles pièces de la collaboration avec Lamborghini.

C’est cette ouverture d’esprit qui permet à la marque, de saison en saison, de réinterpréter son short Bulldog. « Cette polyvalence et cette capacité d’évolution contribuent à son caractère intemporel », selon Adam Brown.

Les boucles métalliques des tiretes de serrage latérales sont devenues la signature de style des maillots de bain Orlebar Brown.
Les boucles métalliques des tiretes de serrage latérales sont devenues la signature de style des maillots de bain Orlebar Brown. Eleonora Boscarelli

La marque vient d’ailleurs de lancer un nouveau short de bain révolutionnaire, en soie, ultraléger et au séchage rapide. Ses gammes de produits ne se résument pas aux maillots, mais déclinent tout l’éventail de la garde-robe idéale en voyage, avec des chaussures imperméables aussi confortables et pratiques qu’élégantes, qui renouvellent le style du mocassin de bateau, des chemises et des polos, mais aussi des pantalons.

Une nouvelle collection de blazers pouvant s’appairer aux Chino introduit aussi la griffe dans l’univers du costume. « Je suis avant tout partisan de la flexibilité et de la versatilité. Je vais souvent à la rencontre de nos clients dans nos boutiques et je suis très intéressé par leurs attentes dans ce registre », insiste Adam Brown. « Mon obsession est que nous soyons les meilleurs dans notre catégorie. »

Portrait d’Adam Brown.
Portrait d’Adam Brown. Eleonora Boscarelli

Une vaste salle de réunion vitrée, avec un grand plan de travail, est l’épicentre des décisions et des choix. Chercher une pièce feutrée et isolée avec un grand bureau de directeur est une erreur. Le poste de travail d’Adam Brown est fondu dans l’ensemble. Une petite table avec un ordinateur et un fauteuil sur roulettes, comme tout le monde, dans l’open space. Il ne faut pas compter sur lui pour jouer au grand patron.

« Chacun apporte sa contribution, mais ce n’est pas moi qui conçois les produits: nous avons une équipe de designers en charge de créer la collection. Je chapeaute l’ensemble plus que je ne crée », souligne l’entrepreneur, qui n’avait pas hésité à déclarer dans une interview : « J’étais le preneur d’images qui n’était pas photographe, qui est devenu fabricant de vêtements sans être designer, qui est devenu entrepreneur sans être homme d’affaires, qui a fondé une marque et l’a vendue à Chanel. »

Construits selon les enseignements des tailleurs de Savile Row, les maillots de bain Orlebar Brown sont composés de plus de 60 éléments.
Construits selon les enseignements des tailleurs de Savile Row, les maillots de bain Orlebar Brown sont composés de plus de 60 éléments. Eleonora Boscarelli

Si le montant de la transaction est resté confidentiel – on parle de 50 millions de livres -, la prise de position du groupe de luxe, en 2018, n’est pas surprenante, puisque Chanel détenait déjà depuis 1996 la marque de maillots de bain pour femme Eres et a pu ainsi judicieusement compléter son portefeuille.

L’essence aquatique

Marché de niche et produit saisonnier ? « Certes, mais les gens voyagent. C’est toujours l’été quelque part sur la planète », assure Adam Brown en prônant toujours une vision internationale pour sa marque. À ses yeux, sa griffe est avant tout une certaine idée du voyage.

En prise avec la modernité, Adam Brown a très tôt pris le parti de lancer son entreprise vers la neutralité carbone.
En prise avec la modernité, Adam Brown a très tôt pris le parti de lancer son entreprise vers la neutralité carbone. Eleonora Boscarelli

« Orlebar Brown représente une destination de vacances, certainement autour de l’eau, qu’il s’agisse d’une piscine, de la mer, d’un lac ou de tout autre type d’élément aquatique. Ce n’est pas une expérience solitaire, c’est une expérience sociale. Le soleil, la lumière fabuleuse, la présence d’amis et le plaisir sont des aspects essentiels. Nous ne sommes pas une marque urbaine, nous existons le long des côtes. Il y a de la musique, de la bonne nourriture et une énergie vivante associée à notre marque. »

En prise avec la modernité, Adam Brown a très tôt pris le parti de lancer son entreprise vers la neutralité carbone. « Nous sourçons et fabriquons la majorité de nos pièces au Portugal, ce qui augmente leur qualité et réduit l’impact de notre chaîne logistique. Par ailleurs, nous utilisons davantage de matériaux organiques, recyclés ou à base de plantes, comme nos shorts de bain Orlebar Brown Classics qui sont réalisés en plastique recyclé. Notre ligne de lunettes de soleil est en acétate biocirculaire et métal recyclé. Enfin, sur notre site, il est possible de voir le carbone émis par chacun de nos produits, ainsi que nos moyens de rééquilibrer les choses. Entre autres à travers les projets de Blue Carbon, qui restaurent la mangrove et les forêts de varech en Indonésie et Californie », explique l’entrepreneur.

Aujourd’hui, la marque compte plus de 40 boutiques et est présente dans plus de 250 points de vente à travers le monde.
Aujourd’hui, la marque compte plus de 40 boutiques et est présente dans plus de 250 points de vente à travers le monde. Eleonora Boscarelli

Il ne cache pas avoir en tête d’autres développements possibles, notamment dans le domaine de l’hôtellerie en bord de mer, avec une dimension écologique. Une autre piste pourrait être de se rapprocher du secteur de l’horlogerie. Amateur de belles montres sportives, une Panerai de sa collection à son poignet le jour de notre conversation, ce dandy qui se défend de l’être mais soigne son style ne masque pas son intérêt pour la question.

En 2020, il avait commencé une relation fructueuse avec IWC Schaffhausen, concrétisée par la montre Portugieser Yacht Club Chronographe Edition « Orlebar Brown ». Christoph Grainger-Herr, président de la manufacture horlogère suisse, se souvient de cette collaboration en termes élogieux : « Orlebar Brown réinvente la tenue de loisirs, qui devient à la fois sportive et élégante, et prouve ainsi que les hommes peuvent également être à leur avantage dans des tenues décontractées. L’entreprise, l’une des plus innovantes de son secteur, n’a de cesse de définir des standards élevés en matière de confort, de qualité et de fonctionnalité. » Des règles de conduite qui ne peuvent que mener loin.


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