Horlogerie
La chorégraphe israélienne Sharon Eyal clôt sa trilogie, cet automne, au théâtre national de Chaillot, avec The Brutal Journey of the Heart, présenté en 2021 au festival Montpellier Danse, après OCD Love et Love Chapter 2. Toujours aussi hypnotique, sensuel et envoûtant.
L’amour est un thème qui passionne Sharon Eyal. C’était déjà celui de sa trilogie commencée en 2016 avec OCD Love, et qui connaît, depuis, un succès retentissant. « Mes plus belles créations sont celles que j’ai faites après ma rencontre avec Gai Behar, mon complice et compagnon dans la vie, reconnaît-elle. Tout ce que j’ai fait avant ne compte pas. » Après OCD Love et Love Chapter 2, The Brutal Journey of the Heart paraît moins torturé.
Les mouvements sont plus fluides, comme le calme après la tempête, lentes ondulations des bras et des corps imitant les branches d’un arbre caressées par le vent. L’énergie est cependant toujours là, comme la musicalité des silhouettes, sèches et sensuelles à la fois, avec leur étrangeté, leur diversité, reflet de celle qui compose le monde. Les lumières sublimes d’Alon Cohen rasent les justaucorps chair imprimés de feuillages et de cœurs dessinés par Maria Grazia Chiuri, la directrice artistique des collections féminines de Dior, avec qui la chorégraphe a déjà travaillé deux fois.
Cela dit, les soubresauts du cœur s’apaisent-ils vraiment ? Ce « périple brutal du cœur » est dansé sur la musique techno-électro du fidèle Ori Lichtik, avec qui le duo collabore également depuis de nombreuses années. Ce dernier a animé une soirée dansante, ce 23 septembre, dans le grand foyer du théâtre national de Chaillot, face à la tour Eiffel illuminée.
Quelques mots sur le parcours de Sharon Eyal
Sharon Eyal a vu le jour à Jérusalem et a débuté en 1990 dans la Batsheva Dance Company, compagnie israélienne fondée par Martha Graham en 1964. Très vite, elle se tourne vers la chorégraphie et commence par créer quelques pièces pour la prestigieuse compagnie, dont elle assurera même la direction artistique en 2003 et 2004, et continuera de créer pour celle-ci après son mandat, jusqu’en 2012. Parallèlement débuteront de nombreuses collaborations avec la compagnie norvégienne Carte Blanche – Killer Pig, en 2009, Corps de Walk, en 2011 – et la Tanzcompagnie Oldenburg, en Allemagne – Plafona, en 2012.
En 2013, elle fonde, avec Gai Behar, créateur de musique live, la L-E-V Dance Company, et enchaîne les créations : Bedroom Folk, en 2015, et Salt Womb, en 2016, pour le Nederlands Dans Theater, Half Life, pour le Ballet royal de Suède, en 2017, Strong, en 2019, pour le Staatsoper de Berlin… Sharon Eyal a également chorégraphié, en 2018, le défilé haute couture de Maria Grazia Chiuri pour Dior. Cette dernière a dessiné les costumes de L’Après-midi d’un faune, que la chorégraphe a créé pour le ballet de l’Opéra national de Paris, en 2021.
Une aube nouvelle
Pour ce troisième chapitre, la chorégraphe s’est nourrie de ses passions : la littérature, le cinéma, les arts… Déjà, pour OCD Love, elle s’était inspirée d’un poème de Neil Hilborn intitulé… OCD (pour Obsessive Compulsive Disorder). Pour The Brutal Journey of the Heart, sa réflexion s’est faite à partir d’un texte de l’écrivaine américaine Hanya Yanagihara : « La vie se réorganise pour compenser votre perte, parfois à merveille. » Le deuil ne serait qu’un temps, et l’existence reprend son cours, malgré tout.
Si les deux premiers opus de la trilogie étaient sombres, la lumière d’une aube nouvelle semble planer sur le troisième. OCD Love et Love Chapter 2 évoquaient une fin de monde sans espérance et cultivaient les paradoxes, où le bruit côtoyait le silence ; le désespoir, la joie ; l’anxiété, la sérénité. « C’était comme un sombre caillou logé dans ma poitrine que j’avais à extérioriser, disait Sharon Eyal. C’était triste et joyeux, joyeux et triste… » Et c’est de la synthèse de ces deux constats que traite The Brutal Journey of the Heart, la conscience de notre finitude, de celle de l’amour également, cette addition de contraires qui affichent un électrocardiogramme plat. Sauf qu’ici cette finitude est fructueuse, car elle porte en elle les germes de la renaissance…
Agenda
- Jusqu’au 1er octobre : The Brutal Journey of the Heart, théâtre national de Chaillot, 1, place du Trocadéro, Paris 16e. Theatre-chaillot.fr
- 17 au 20 janvier 2023 : Bedroom Folk, Maison de la danse de Lyon, 8, avenue Jean-Mermoz , Lyon 4e. Maisondeladanse.com
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