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De nombreuses entreprises, inconnues du grand public, croissent et prospèrent très loin des feux de la rampe ! La moitié des start-up devenues des licornes appartiennent à cette catégorie. À la grande satisfaction des investisseurs, qui se les arrachent littéralement.
Les start-up sont de plus en plus présentes dans notre quotidien, soit parce que nous utilisons toujours plus les services qu’elles proposent (BlaBlaCar, Veepee, ManoMano, Doctolib…), soit parce que l’information économique relate désormais quotidiennement leurs succès, leurs mégalevées de fonds ou leur rachat par quelque géant américain ou chinois. Pourtant, les noms de Mirakl, Shift Technology, Datadog, Virtuos, Dataiku ou Contentsquare ne vous disent sûrement rien. Rassurez-vous, vous n’avez rien loupé ! Pour la plupart devenues des licornes – c’est-à-dire des entreprises de moins de 10 ans valorisées plus d’un milliard de dollars ou d’euros à la suite d’importantes levées de fonds –, elles ne vous vendront jamais rien et ne s’adresseront jamais à vous directement. Ce sont des « entreprises invisibles », tout au moins pour le grand public.
Business to business
Les start-up que l’on appelle ainsi sont généralement des entreprises dites de B2B (business to business). Contrairement aux sociétés de B2C (business to consumer), les B2B ne s’adressent pas aux particuliers, mais elles vendent directement aux entreprises des solutions logicielles hébergées dans le cloud, des services en ligne professionnels, des réseaux de télécommunications, des plates-formes de traitement de données, d’intelligence artificielle, etc.
Ce sont les « chevilles ouvrières » du monde toujours plus numérisé qui est le nôtre tant dans notre environnement professionnel que dans nos vies privées. « C’est un peu comme dans l’aviation : tout le monde connaît Air France ou Airbus, mais personne ne connaît le fabricant du moteur, qui représente pourtant un tiers du prix de l’avion », illustre Benoist Grossmann, coprésident de la communauté France Digitale et CEO d’Eurazeo Investment Manager.
Vous ne les connaissez pas, mais sans elles, Uber ne saurait pas vous géolocaliser et vous facturer votre course directement sur votre compte en banque ; Decathlon ou Darty ne pourraient pas vous proposer le produit qui répond le mieux à votre demande et vous le faire parvenir au bon endroit dans les meilleurs délais. Sans ces start-up, vous ne pourriez pas payer vos achats en plusieurs fois, jouer en ligne même dans les transports en commun ou profiter n’importe où de votre abonnement de streaming musical ou vidéo.
Sans elles, partager des documents de travail en ligne avec vos collègues, gérer vos notes de frais, votre mutuelle santé ou télétravailler ne serait pas aussi facile. Ce sont elles encore qui identifient et acheminent les messages et les publicités les plus pertinents pour vous. Enfin, elles sécurisent vos transactions, traquent les cyberattaques et les tentatives de fraude, et protègent vos données d’une intrusion dans votre univers numérique.
Près de la moitié des licornes françaises appartiennent à cet univers du B2B.
À la fin de 2021, elles étaient 12 sur les 25 start-up à avoir officiellement franchi le cap du milliard de valorisation (Dataiku, Qonto, Mirakl, Contentsquare, Algolia, Alan, Doctolib, OVH, Owkin, Ivalua, Aircall et Shift Technology). Certaines d’entre elles sont connues du grand public bien qu’elles ne vendent rien aux particuliers, comme par exemple Doctolib ou Alan.
Les clients de Doctolib sont les cabinets médicaux, ceux d’Alan sont les entreprises qui souscrivent une assurance santé pour leurs salariés. « En France, il y a peu de succès B2C, contrairement aux États-Unis où la vague des réseaux sociaux et les communautés qu’ils ont créées ont porté la croissance de ces sociétés, alors qu’il y a de très belles réussites en B2B, explique Arthur Porré, cofondateur d’Avolta Partners. Les modèles B2C, dans les jeux, les réseaux sociaux, etc., bénéficient d’une croissance exponentielle par propagation liée à l’effet des réseaux. C’est beaucoup plus difficile de reproduire ce modèle dans le B2B, car les processus de vente de solutions logicielles à des grands comptes sont beaucoup plus longs et nécessitent des effectifs commerciaux importants », poursuit-il.
Une partie de ces sociétés commercialise des applications logicielles professionnelles en mode SaaS, c’est-à-dire hébergées sur des serveurs dans des data-centers – le cloud – et accessibles en ligne à des utilisateurs abonnés. Ces applications gèrent différentes fonctions pour les entreprises : les ressources humaines, la production, la gestion des clients, des fournisseurs, des commandes et des approvisionnements, la comptabilité, etc. Citons Algolia (moteur de recherche), Shift (détection de fraude à l’assurance) ou Ivalua (solution de gestion des achats).
L’autre partie est active dans l’infrastructure, autrement dit dans les architectures informatiques et réseaux qui constituent le cloud ou dans les applications très techniques : hébergement et analyse de données, cybersécurité, plates-formes de commerce en ligne, comme OVH (hébergement, cloud) ou Mirakl.
SaaS, un modèle rémunérateur
Ces sociétés sont peut-être invisibles pour le grand public, mais certainement pas pour les investisseurs, qui n’hésitent pas à y investir largement et se livrent à une concurrence acharnée pour accéder à leur capital. Pour plusieurs raisons.
« Contrairement aux sociétés B2C, où beaucoup est gratuit, celles du B2B sont très rationnelles, on y parle d’abord de technologie. Et les Français sont très bons quand ils est question d’ingénierie, de technologie. Ils sont bons quand il s’agit de faire Airbus, moins pour faire un EasyJet ! » résume Xavier Lazarus, cofondateur de la société de capital-risque Elaia Partners.
Un autre aspect attire les investisseurs, celui du modèle SaaS, qui devient le modèle universel de distribution du logiciel. « Au lieu de vendre des licences, puis de la maintenance logicielle, modèle qui rapporte beaucoup d’argent au début, puis moins au fil du temps, le modèle d’abonnement SaaS est plus rémunérateur à long terme. Il est donc très bien valorisé, car il est stable », précise Arthur Porré.
Enfin, les sociétés B2B contribuent à la croissance des start-up ainsi qu’à la transformation numérique de toutes les entreprises, quels que soient leur secteur d’activité, leur taille ou leur modèle économique. Ainsi, lorsque Accor ou Darty veulent héberger des revendeurs indépendants sur leurs sites de vente en ligne, c’est avec la plateforme de Mirakl qu’ils le font.
Quant à leur avenir, ces licornes françaises invisibles ont plusieurs options.
Certaines seront rachetées – probablement à prix d’or – par l’une des grandes plates-formes qui se renforcent par acquisitions, telles SAP en Europe, Salesforce, Adobe ou ServiceNow aux États-Unis, « sans oublier les GAFAM, toujours très consolidateurs de briques technologiques, comme la filiale cloud d’Amazon, AWS, qui est un véritable géant technologique B2B, ajoute Xavier Lazarus. De nouvelles pistes s’ouvrent pour ces sociétés. D’une part, de très gros investisseurs de type private equity voient qu’il est désormais possible de construire de grandes sociétés mondiales en assemblant des services. D’autre part, les entreprises B2B peuvent être introduites en Bourse et conserver ainsi leur indépendance durablement pour devenir à leur tour un Salesforce, un Adobe ou un SAP sur le long terme. »
La plus grande levée de fonds jamais réalisée par une startup française : bravo à toutes les équipes de @Mirakl qui font rayonner la French Tech !
Ce seront à la clé 400 emplois créés en France sur 3 ans, dont 300 ingénieurs à Paris et à Bordeaux. https://t.co/1bwE2CLtxo
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) September 22, 2020
De son point de vue d’investisseur, Benoist Grossmann voit peu de différence entre les entreprises B2B et B2C – « un bon investissement, c’est d’abord une bonne équipe de management et un bon modèle » –, mais concède toutefois que les start-up B2C bénéficient d’un avantage lorsqu’elles sont introduites en Bourse : « Elles sont connues du grand public, leur cours de Bourse est donc plus suivi et les particuliers achètent des actions ; leur introduction est un peu plus facile que celle d’une société B2C », conclut-il.
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