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Bulgari, un succès à la romaine

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Le luxe, c’est bien connu, ne connaît pas la crise. Il en sort même gagnant, du moins chez Bulgari. Le joaillier vient de s’offrir deux nouvelles adresses à Paris – un hôtel et une boutique de 1 000 m² place Vendôme. Chronique d’un succès.

Treize fenêtres pour Bulgari, deux pour Cartier : place Vendôme, le joaillier italien bat le leader du secteur à plates coutures. Deux ans de travaux ont précédé l’ouverture de ce flagship-store de 1 000 m², le plus vaste de la marque. Les connaisseurs s’y sentiront come a casa : depuis les cabochons de cristal qui sertissent la porte d’entrée jusqu’aux colonnes en marbre de Carrare, le décor rappelle celui de la maison mère, à Rome.

Guidé par Peter Marino, l’architecte fétiche de LVMH, un aréopage d’artisans d’art a mis cet écrin sur les fonts baptismaux. Dès l’entrée, tapis et mosaïques fines voleraient presque la vedette aux vitrines où paradent trophées de pierres précieuses, montres et sacs.

À Shanghai, vue époustouflante sur les gratte‑ciel de Pudong depuis l’une des magnifiques chambres de l’hôtel Bulgari. www.bulgarihotels.com
À Shanghai, vue époustouflante sur les gratte‑ciel de Pudong depuis l’une des magnifiques chambres de l’hôtel Bulgari. www.bulgarihotels.com Tommy Picone

Sous un lustre spectaculaire signé Gio Ponti, l’escalier mène à des salons feutrés où se négocient les pièces les plus chères. Mais la partie se joue aussi ailleurs, place Vendôme, où le groupe LVMH, propriétaire de Bulgari et leader mondial de la joaillerie depuis le rachat de Tiffany, règne depuis ses bureaux décorés d’un gigantesque soleil sur les vitrines voisines de Dior, Chaumet et Fred.

Pour les aficionados de la marque Bulgari, l’échiquier compte aussi la première adresse hôtelière parisienne, située dans cet autre triangle d’or qui gravite autour de l’avenue George‑V.

Bulgari, essor et diversification

Comme toutes les belles histoires, celle de Bulgari se confond avec celle d’un héros fondateur. Sotirios Voulgaris, orfèvre grec, quitte son Épire natale à la fin du XIXe siècle, transite par Corfou et Naples avant de s’installer à Rome, où il ouvre plusieurs boutiques d’antiquités et d’orfèvrerie. En 1905, il inaugure l’actuel magasin amiral au 10, via Condotti, où afflue une clientèle venue des États-Unis ou de Grande-Bretagne.

Ses deux fils, Costantino et Giorgio, propulseront l’entreprise familiale sur la scène internationale. Dans la Rome de l’après-guerre, profitant de la création des studios de Cinecittà, la boutique voit défiler le gotha d’Hollywood. Elizabeth Taylor immortalise le bracelet Serpenti, lançant la carrière de ce motif à tête de serpent inspiré de l’Antiquité qui demeure iconique.

Dans les années 70, Bulgari s’installe à Monaco, puis à New York, multiplie ses points de vente – on en compte plus de 300 aujourd’hui dans le monde –, avant de se diversifier dans la création de parfums et d’accessoires. L’entrée en Bourse, en 1995, apporte la consécration.

Jean-Christophe Babin, président de Bulgari depuis 2013.
Jean-Christophe Babin, président de Bulgari depuis 2013. BULGARI

L’an 2000 constitue un autre tournant : Bulgari se lance, en Suisse, dans la fabrication de montres, et s’associe l’année suivante au groupe Marriott pour inaugurer à Milan une collection d’hôtels de luxe. Les affaires, prospères, étaient gérées en famille, dirigées depuis 1984 par l’arrière-petit-fils de Sotirios Voulgaris, Francesco Trapani. Croissance oblige, celui- ci passe les rênes en 2011 à LVMH, à présent propriétaire à 98 % de la marque.

Cette acquisition a permis de doubler le chiffre d’affaires de Bulgari en moins de dix ans, claironnait Bernard Arnault à l’occasion de l’annonce, en janvier 2020, des résultats qui dépassaient 2 milliards d’euros.

La crise du Covid a-t-elle freiné cette course vers le succès ?

Même si le temps des investissements semble au beau fixe place Vendôme, la vente de beaux bijoux a subi le contrecoup des confinements et l’arrêt des déplacements internationaux. Certains magasins ont fermé temporairement, reconnaît la direction de Bulgari.

Signe des temps, le business s’est réorganisé en ligne, comme l’explique le CEO du groupe, Jean-Christophe Babin : « Le développement de l’e-commerce que nous prévoyions d’effectuer en trois ans s’est fait en trois mois, par la force des choses. Nous avons monté 18 plates-formes techniques, recruté une cinquantaine de personnes à Dublin, aux États-Unis et bientôt au Mexique. Et nous avons pris contact par Whatsapp ou par téléphone avec nos clients, en appliquant aux grands volumes la stratégie du “one to one”, jusqu’alors réservée à la clientèle de haute joaillerie. »

Difficile de savoir si cette stratégie a été payante, et à combien s’élèvent les résultats pour 2020, le groupe choisissant de ne pas communiquer sur ce sujet sensible. La même discrétion règne au sujet de l’activité hôtelière : pendant la crise sanitaire, les hôtels du groupe ont été fermés quelques mois, dans le but avoué de conserver un personnel précieux et long à former.

Le bar de l’hôtel Bulgari de Milan, donnant sur un écrin de verdure. www.bulgarihotels.com
Le bar de l’hôtel Bulgari de Milan, donnant sur un écrin de verdure. www.bulgarihotels.com roberto-bonardi

Le premier à rouvrir a été Milan, en juin 2020. Comptant pour 10 à 15 % des revenus du groupe, les hôtels sont le fruit d’un partenariat réussi avec Marriott. S’appuyant sur l’expertise du leader mondial de l’hôtellerie, les hôtels Bulgari se sont imposés comme une collection d’hôtels de luxe pour esthètes et voyageurs fortunés – un sillage qu’avaient déjà emprunté avec succès certains couturiers italiens, comme Missoni, Armani et Ferragamo.

Mais ce petit business est avant tout un formidable vecteur commercial. Sept hôtels (ils seront douze en 2025) proposent aux membres de la tribu Bulgari une expérience globale, de la chambre aux emplettes. Sont visés un club ultrasélect de membres fortunés, de la finance ou de la mode, épris de beau, d’un certain classicisme et capables de dépenser sans sourciller 1 700 euros par nuit (prix de départ de la chambre la moins chère à Paris).

La valorisation foncière ? Elle n’est pas visée, tous les bâtiments qu’occupent Bulgari étant loués. Le programme reste centré sur l’émotion, un asset immatériel, mais aussi monétisable que les bijoux.

Dates clés 

• 1884 : ouverture à Rome de la première boutique Bulgari par Sotirios Voulgaris, un orfèvre d’origine grecque.
1966 : la ligne Monete, inspirée des empires antiques, fait fureur à Hollywood.
1980 : création de Bulgari Haute Horlogerie, basée à Neuchâtel.
1993 : lancement du premier parfum Bulgari, Eau parfumée au thé vert.
1997 : premières collections de foulards, accessoires en cuir et lunettes.
2004 : ouverture à Milan du premier hôtel Bulgari, suivi de Londres et Dubaï.
2011 : rachat par le groupe LVMH.
2021 : ouverture à Paris du flagship‑store Bulgari et de l’hôtel.
• 2022‑2025 : ouvertures hôtelières prévues à Rome, Moscou, Tokyo, puis Miami (2024), et un resort près de Los Angeles (2025).


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