The Good Business
Comme le roseau de la fable, il plie mais ne rompt pas. Pourtant bien secoué par les bourrasques du Covid-19 et du Brexit, Soho House, le club hôtelier le plus tendance de la planète poursuit sa conquête du monde et se lance au cœur du 9e arrondissement de Paris.
« Je suis très impatient de voir naître les nouvelles expériences offertes à nos membres avec l’ouverture de Soho House à Paris, Rome et Brighton, et via nos nouveaux studios de retail Soho Home de Londres et Manhattan. » Après les turbulences qui avaient gelé ses activités hôtelières pendant l’épidémie de Covid, Nick Jones, le fondateur de Soho House, peut voir l’avenir avec sérénité : son chiffre d’affaires a fait un bond de 118 % par rapport à la même période en 2020, avec 124 millions de dollars au deuxième trimestre 2021. Et les demandes d’affiliation explosent, affirme-t-il : « La liste d’attente pour devenir membre atteint actuellement des records. Et le taux de rétention est aussi resté très élevé, de l’ordre de 92 %. Cela doit naturellement nous conduire à accepter de nouveaux entrants avec précaution, pour laisser la priorité à nos membres existants. »
Le modèle créé par l’entrepreneur londonien correspond à celui d’un cercle privé, avec des frais d’adhésion assez abordables (3 400 dollars par an pour avoir accès aux clubs aux États-Unis), mais un recrutement sélectif. Membership Collective Group, la maison mère de Soho House, pourrait pourtant être tentée de distribuer largement des tickets d’entrée : en effet, les recettes des cotisations annuelles caracolent à 45 millions de dollars fin 2021, soit presque autant que les revenus générés par les Houses (46 millions).
Et ces chiffres sont restés à peu près stables durant l’annus horribilis de 2020, contrairement à ceux des restaurants et hôtels du groupe qui se sont effondrés. Pour qui ignorerait encore ce qu’est Soho House, voici un bref historique.
En 1995, l’Anglais Nick Jones ouvre quelques chambres au-dessus de son restaurant de Soho, à Londres. La déco y instaure les codes d’un nouveau style shabby chic, largement copié par la suite. Le succès est immense.
Trois ans plus tard, c’est la variante countryside qui ouvre, dans le Somerset : Babington House offre à sa clientèle londonienne l’évasion bucolique et un entre-soi festif plébiscité par les stars des médias et du show business. S’ensuit une trajectoire qui propulse Soho House aux États-Unis, en Europe, puis en Asie, ajoutant des satellites au fur et à mesure – restaurants italiens, boîtes de nuit, boutiques de déco, plate-forme de conseils, espaces de coworking… La recette du succès ?
Une manière de dépoussiérer le concept de club anglais, d’ouvrir le cercle à une communauté mondiale de créatifs jeunes tels que les photographes, les gens de la mode et autres start-uppers. Nick Jones a aussi un sens inné du buzz – plusieurs stars, dont Kim Kardashian, se sont vu refuser l’accès, par crainte des paparazzis. Le restaurateur anglais a aussi le flair du véritable self-made man. Il a quitté l’école à 17 ans, mais sait voir grand. En 2012, il cède 60 % de son capital au milliardaire californien Ronald Burkle. Acculé par les effets de la crise sanitaire, Nick Jones vend 1 % supplémentaire des actions, pour réinjecter 20 millions de dollars dans l’entreprise en difficulté.
Autre stratégie payante : en juin 2021, l’introduction à la Bourse de New York permet d’engranger 402 millions de dollars, de quoi équilibrer les comptes et financer la croissance. Valorisé autour de 2,6 milliards de dollars, le groupe devrait ouvrir au moins trois nouveaux établissements dans le monde en 2022.
Soho House et l’épineux problème du recrutement
La trésorerie reposant essentiellement sur les cotisations des membres, le groupe a aussi su diversifier son offre. Au statut de membre ultra sélectif s’est récemment ajouté celui de Soho Friend, plus informel mais offrant des avantages similaires ; moyennant une cotisation mensuelle de 15 euros par mois, ceux-ci peuvent accéder aux Houses s’ils y ont réservé une chambre, bénéficier de réductions dans les restaurants, les produits Cowshed, Soho Home… Cumulé aux adhésions proposées par ses autres marques, le groupe a ainsi engrangé 8 000 cotisations supplémentaires.
Pour bichonner sa clientèle, Soho House vient aussi de retravailler son application, explique Min Shrimpton, directrice de la communication de Soho House : « La SH.app permet désormais aux membres de réserver une chambre, un cours de gym, de connaître l’agenda des événements ou d’enregistrer leurs invités et de régler leurs dépenses. Nous y avons ajouté un service baptisé House Connect, qui permet aux 110 000 membres actuels de prendre contact pour des rendez-vous ou des partenariats. »
Reste à régler l’épineux problème du recrutement, que le Brexit a aggravé. Le groupe entend y remédier en attirant des profils « différents », en dehors du monde de l’hôtellerie et de la restauration. Nick Jones vient aussi de lancer un ambitieux programme d’apprentissage.
Ouvert aux jeunes sans prérequis académiques, Soho Apprenticeship offre une formation sur le terrain rémunérée et qualifiante aux métiers du secteur, avec embauche à la clé. Le programme a pour l’instant démarré dans les Houses du Royaume-Uni, et devrait s’étendre aux États-Unis en 2022. Une stratégie qui devrait faciliter les ouvertures prochaines de Brighton et Manchester.
Dates et chiffres
• 1995 : dans le quartier de Soho, à Londres, Nick Jones ouvre une House au-dessus de son restaurant.
• 1998 : ouverture de Babington House, dans le Somerset, et création de la marque Cowshed.
• 2002 : ouverture d’Electric House, à Notting Hill.
• 2003 : ouverture de Soho House New York.
• 2004 : lancement à Mayfair du 1er restaurant italien Cecconi’s.
• 2006-2007 : à Londres, ouverture des Soho Houses de Chiswick et Shoreditch.
• 2010 : Soho House Berlin, Los Angeles et Miami.
• 2014 : après Toronto, ouverture à Chicago.
• 2015 : création de Soho Works, espaces de coworking (9 sites dans le monde en 2021).
• 2016 : création de Soho Home, vente de mobilier et d’accessoires de décoration.
• 2019 : ouvertures en Asie, à Bombay et Hong Kong.
• 2020 : après Soho Warehouse, son 3e club à Los Angeles, la marque s’installe à Mykonos.
• 2021 : ouverture à Paris, Rome et Tel‑Aviv. Introduction à la Bourse de New York.
• 2022 : ouverture à Brighton, Manchester, Nashville et Hollywood.
• 27 Houses dans 10 pays en 2021.
• 642 M $ de chiffre d’affaires en 2019.
• 110 000 membres dans le monde en 2021.
• 5 000 œuvres d’art exposées dans les Soho Houses du monde.
• 63 700 personnes encore sur liste d’attente pour devenir membre en 2021.
• Plus de 5 000 salariés en 2021.
• 1 000 licenciements en 2020 en raison du Covid.
• 2 200 €, c’est la cotisation annuelle pour devenir membre de Soho House Paris.
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