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Cet Alsacien de 65 ans parfaitement bilingue en italien dirige depuis un an l’opéra le plus prestigieux de la péninsule. Il fait face à la fermeture prolongée des salles de spectacle et à l’effondrement du tourisme international. Dominique Meyer profite de cette période d’incertitude pour régénérer la direction de la Scala et poursuivre sa programmation « haute couture ».
Si Dominique Meyer évoluait sur une partition, ce serait un adagio. Cette indication musicale comprise entre le lento (lent) et l’andante (en marchant). Elle convient aussi bien à sa silhouette gracile qu’à sa voix douce qui résonne dans les couloirs de la Scala. Cet Alsacien de 65 ans dirige depuis plus d’un an la célèbre institution lyrique de Milan.
Les conditions de son arrivée avaient de quoi lui faire perdre sa placide assurance. Son prédécesseur a prématurément abandonné son poste, l’obligeant à assurer en même temps la direction de l’opéra milanais et celle de l’opéra de Vienne, qu’il quitte après une décennie.
Sa prise officielle de fonction mi-2020 coïncide avec l’obligation de fermer la Scala pour cause de pandémie de Covid-19. La Lombardie et sa capitale Milan en sont l’épicentre en Italie. « C’est comme entrer dans l’œil du cyclone, se souvient-il. Tout autour règne le chaos, mais le centre du cyclone est épargné. Nous avons très bien travaillé. J’ai l’habitude de rester calme face aux événements. »
Une habitude qui lui vient d’une riche carrière professionnelle commencée, après des études d’économie, dans les cabinets ministériels, dont celui de Pierre Bérégovoy, alors Premier ministre, auprès duquel il fait partie de l’équipe qui gère les jeux Olympiques d’hiver d’Albertville, en 1992. Une expérience administrative et de négociateur qui lui sera utile dans ses fonctions ultérieures.
Car ce n’est ni la politique ni le sport qui le font vibrer. Dominique Meyer « brûle pour l’opéra » et fait ses débuts de directeur d’opéra à Lausanne, de 1994 à 1999. Directeur du Théâtre des Champs-Elysées de 1999 à 2010, il prend dans la foulée la tête de l’opéra de Vienne. Onze ans d’un succès qui laisse sans voix, avec un taux de remplissage supérieur à 99 % et des revenus de billetterie passés de 28 millions à 37,8 millions d’euros en 2018.
On lui prédisait le poste de directeur de l’Opéra de Paris. C’est finalement celui de surintendant de la Scala qu’il occupe avec fierté et joie. « L’accueil a été très chaleureux, explique le Français. Je me sentais chez moi en ayant fréquenté assidûment la salle depuis 1980. Je découvrais maintenant les coulisses et je me suis plongé dans les comptes et les règlements pour comprendre cette magnifique machine culturelle qu’est la Scala. » Les rouages de cette institution au budget de près de 130 millions d’euros sont composés de presque 1 000 salariés, dont 135 musiciens de l’orchestre, 105 chanteurs du chœur, 80 danseurs ou encore 150 artisans.
Rénovation technologique et écologique
« J’ai demandé en arrivant que personne ne se plaigne, rappelle celui qui sait faire preuve d’autorité tout en étant connu pour ses très bonnes relations avec les syndicats. On se plaint trop alors que des gens souffrent à cause du Covid. On a continué à diffuser nos spectacles à la télévision ou sur Internet avec un grand succès. Mais je me suis dit que ce moment de fermeture au public était idéal pour réformer la Scala. »
Deux grands chantiers ont ainsi été lancés. Le premier, technologique, inclut un dispositif de streaming autonome, de sous-titrage via tablette en huit langues, de numérisation des partitions, ainsi qu’un système informatique intégré pour la gestion du théâtre et la communication en interne.
« Le deuxième grand chantier est écologique. En arrivant, j’ai été surpris d’apprendre que la Scala consomme chaque année 10 tonnes de papier. Un programme d’économie d’énergie et de traitement des déchets a été mis en place. J’écoute la génération des 28-40-ans qui sont sensibles à ces thèmes. Ils ont besoin d’être écoutés et j’ai besoin de leur énergie. » Il n’en a pas manqué pour réaliser l’exploit d’équilibrer les comptes 2020 du théâtre qui tire une part non négligeable de ses revenus de la billetterie (plus de 35 millions d’euros).
Dominique Meyer, un expatrié bien intégré
La situation reste néanmoins précaire sachant qu’habituellement un tiers des spectateurs sont des étrangers. « Face au Covid, je m’en remets aux deux P : patience et prudence, préconise Dominique Meyer. Si j’ai appris à découvrir un théâtre que je connais pourtant très bien, il en est de même pour Milan. Je m’y rendais très souvent pour des raisons professionnelles ou par simple amour de la musique. J’ai arpenté tous ses musées et je sais où sont accrochées toutes les toiles de la pinacothèque Brera. Mais je me suis plongé avec plaisir dans Milan, une ville secrète à la beauté cachée qui ne s’offre pas facilement derrière ses façades austères. »
Ce n’est pas le cas de la riche programmation de la Scala. « À Vienne, je dirigeais une machine de guerre, avec 50 opéras et 300 spectacles par an contre une quinzaine ici. La programmation est plutôt de la haute couture ici. Je considère comme primordial le respect des lieux et je veux insister sur la programmation d’œuvres tirées du répertoire baroque italien. D’ailleurs, je lutte contre l’abus d’anglicismes auprès du personnel, ce qui fait rire. »
N’avait-on pas lancé à Dominique Meyer, à peine nommé directeur de la Scala, « finalement vous êtes un Italien qui parle bien le français ! » Un expatrié bien intégré…
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