The Good Business
En conciliant l'usage de machines à un procédé artisanal, les matières premières bio à une bonne dose d'originalité, la brasserie Deck & Donohue a percé un marché confidentiel. Rencontre avec son cofondateur, Thomas Deck.
Thomas Deck se lie avec Mike Donohue sur un campus universitaire de Washington DC. Leur amitié se scelle autour de la promesse qu’un jour, ils fonderont leur propre brasserie. Douze ans plus tard, en 2014, ils embouteillent leur première bière. C’est le départ de l’aventure de la brasserie Deck & Donohue.
Une croissance exponentielle les guide de Montreuil à Bonneuil-sur-Marne, pousse leur rendement à 4500 hectolitres annuels et le nombre de leurs points de vente à 350 (incluant Monoprix, le restaurant Le Saint-Sebastien, la boulangerie Ten Belles…). Le tout sans perdre de vue l’aspect artisanal d’une production qui respecte un engagement fermement bio et éco-responsable — l’usine est alimentée en énergie renouvelable.
A l’heure de la ruée vers la craft beer, Deck & Donohue revendique un artisanat de modernité. Brassées à l’aide d’installations automatiques, les bières de la firme franco-américaine sont élaborées selon un procédé empreint de traditions et mécanisé qui lui assure une régularité, une stabilité et une qualité systématique.
En quête de goût et de sens, la brasserie devient en 2020 la première du genre à adopter le cadre juridique d’Entreprise à Mission. Un label qui vise à inclure des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux en parallèle de l’aspect lucratif des firmes qui y souscrivent. A son niveau, Deck & Donohue milite pour les filières locales, une approche plus humaine et éthique du métier et, surtout, pour un plaisir responsable. Pas banal pour une marque de bières !
4 questions à Thomas Deck, cofondateur de Deck & Donohue :
The Good Life : Comment s’organise la production au sein d’une brasserie artisanale moderne ?
Thomas Deck : Une équipe de 4 brasseurs brasse nos bières 2 jours par semaine et conditionne la bière en fûts ou en bouteilles 2 jours par semaine. Le 5e jour est consacré à l’entretien, la maintenance, et la préparation de nouveaux projets. Sur le terrain, nos 2 livreurs sillonnent l’Île-de-France tous les jours pour approvisionner nos clients en bières fraîchement brassées. Nos 2 commerciaux visitent nos clients pour s’assurer de leur satisfaction, leur présenter nos nouveautés… Faire de la bière prend entre 3 et 5 semaines. Il faut donc une bonne organisation pour les approvisionnements, le planning, le suivi : nous avons une équipe dédiée pour ces sujets.
TGL : Comment imaginez-vous les assemblages de vos bières ?
T.D. : Le point de départ est toujours de faire des bières qui nous plaisent. On veut brasser des bières qu’on a envie de boire, plutôt que de chercher à répondre à une demande. Ça me semble fondamental dans une démarche artisanale. J’expérimente des recettes depuis 2005 (dans ma cuisine et ma salle de bains) et depuis 2013 à la brasserie. Au début on tâtonne beaucoup, et avec l’expérience on arrive plus rapidement à obtenir le résultat souhaité. Faire de la bière, c’est vraiment comme faire de la cuisine : on choisit un mélange d’ingrédients, on les cuit à différentes températures et différentes durées, puis on laisse la fermentation faire son travail. Un exemple : on a brassé l’an dernier une Berliner Weisse, bière blanche hybride mêlant fermentation alcoolique et fermentation lactique pour une belle acidité rafraichissante. On est parti de lait d’une ferme locale pour faire notre yaourt et créer une sorte de bière au lait la plus naturelle et locale possible. Cela a nécessité plusieurs semaines de tests et un brassin de 36 h contre 8 h habituellement. Mais le résultat en valait la peine !
TGL : D’où viennent vos matières premières ?
T.D. : Nous avons à cœur d’avoir les approvisionnements les plus bio et locaux possibles. Nos malts sont 100% bio et français. Concernant les houblons, 90% de notre houblon est bio et européen. D’ici 2023, 100% de notre houblon sera bio et 70% français. Nous avons signé des contrats avec des agriculteurs français en nous engageant sur des achats jusqu’à 2027 pour les encourager à faire la transition vers le bio.
TGL : Vous inaugurez un service de personnalisation d’étiquettes. Pourquoi ?
T.D. : Nous avions donné le nom d’une amie à l’une de nos bières pour la remercier de tout le cœur qu’elle a mis pour soutenir la brasserie à ses débuts. La « Clem’s » a finalement trouvé un public de Clément, Clémence et Clémentine qui se retrouvaient dans cette bière. On s’est donc dit qu’on pourrait étendre la démarche pour proposer à chacun de personnaliser l’étiquette de cette bière : notre bière d’été. Il s’agit d’une opération éphémère et en petites quantités, car le chantier est lourd logistiquement pour une petite équipe comme la nôtre, mais cela fait plaisir de pouvoir imaginer des amateurs buvant leur bière cet été.