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Derrière certains objets se cachent des inventeurs passionnés, des designers ingénieux, des visionnaires, des petites révolutions technologiques ou industrielles. Nous avons choisi dix entreprises que nous côtoyons sans vraiment les connaître. Leurs produits sont de petits bouts de la France qui se baladent sur la planète. Coup de projecteur sur Laguiole, l'un de ces ambassadeurs discrets qui font partie de notre patrimoine.
C’est une histoire de montagne, de feu, d’acier et d’Aveyronnais têtus. Un objet à la lame longuement polie et fuselée comme un bateau. à Laguiole, on a commencé à fabriquer des couteaux en 1829. Le savoir‑faire s’est transmis de père en fils jusqu’à la Première Guerre mondiale, qui a mis les forges à terre. La première manufacture à redécoller fut la Forge de Laguiole.
Comme son nom l’indique, elle est la seule, parmi les 14 coutelleries locales, à forger ses lames à chaud avant d’assembler les fameux couteaux chevauchés par une abeille. Fondée en 1987 par quatre passionnés décidés à relancer cette tradition, parmi lesquels les frères Costes, elle est reprise en 2007 par deux associés, dont Thierry Moysset, resté, depuis, directeur et actionnaire.
Mais pour viser un développement d’envergure, notamment à l’export, choix est fait de chercher un fonds d’investissement. FLH Brands, une holding familiale suisse qui investit dans les produits haut de gamme, s’est lancée dans l’aventure en 2014, enclenchant une période intense de modernisation de la production et d’embauches.
Pas question d’industrialiser pour autant, la Forge préserve la tradition du couteau fait main, et son fil rouge reste la collaboration avec des artistes et des designers. « Le couteau Laguiole est une œuvre d’art fonctionnelle qui fait partie du patrimoine culturel historique des Français », estime le designer Ora-ïto, qui a dessiné pour la marque une lame racée se repliant dans un manche abstrait.
On peut lui préférer le modèle en ébène signé Andrée Putman, le dernier-né du street-artiste Seize ou celui siglé de Philippe Starck, qui a fait l’identité de l’entreprise dans les années 90. C’est le designer qui a d’ailleurs imaginé le bâtiment moderne surmonté d’une gigantesque lame. Difficile, lorsqu’on traverse cette petite ville de 1 200 habitants (pour aller déjeuner chez Bras, éventuellement), de rater cette impressionnante construction en aluminium.
Les couteaux sont montés à la main et vendus dans le monde entier. Ainsi, 60 % de la production part à l’export. Le meilleur client est l’Allemagne, suivie par les États-Unis, le Japon, le Canada. Les Chinois, quant à eux, sont friands du très haut de gamme sur mesure. Leur péché mignon : le manche en molaire de mammouth !