Architecture
Nombreux sont les architectes français à rêver de construire à l'étranger, afin d'exporter leur savoir-faire et leur culture à l'international. Un objectif dur à atteindre, hormis pour les stars de la profession et quelques exceptions…
S’il est un domaine dans lequel les Français ont du mal à s’exporter, c’est bien l’architecture. Alors que l’Hexagone est une terre d’accueil pour les signatures internationales, l’inverse est loin d’être vrai. Hormis une poignée de praticiens, la très grande majorité ne bâtira jamais hors de nos frontières. Les architectes français ont pourtant du talent, mais réussir à percer à l’étranger demeure un objectif difficile à concrétiser.
Ce sont ainsi toujours les mêmes architectes français – Jean Nouvel, Christian de Portzamparc ou encore Jean-Michel Wilmotte – qui construisent, avec plus ou moins d’inspiration, des bâtiments à l’étranger. Lassés du système français technocratique, administrativement complexe, plombés par les recours incessants des associations et des riverains, les architectes sont parfois tentés de croire que l’herbe est plus verte ailleurs. Et aimeraient aller chercher la liberté là où ils imaginent qu’elle se trouve.
Sortir des habitudes régionales et nationales pour se confronter à d’autres cultures, à d’autres systèmes et gagner en visibilité : ils ont effectivement beaucoup à gagner à exporter leur savoir-faire. Las, au-delà du cercle très fermé de nos « starchitectes » françaises, peu nombreux sont ceux qui y parviennent.
Quand les aînés bénéficient de commandes directes, les plus jeunes tentent leur chance par le biais de concours ouverts à tous, parfois avec succès. Il semble davantage possible de voir confier des projets importants à des agences en devenir à l’étranger plutôt qu’en France.
L’AFEX aide à l’export des architectes français
Mais qu’attend-on au juste de nos Frenchies ? Moins le savoir-faire technique que la culture architecturale et urbaine. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’intervenir dans des métropoles créées de toutes pièces, dans les pays émergents qui construisent vite et où, malgré tout, existe un véritable désir d’architecture. Dans ces villes nouvelles en mal d’urbanité, importer la culture européenne est, sur le papier, un gage de qualité. Et ces pays prennent désormais en compte le développement durable, devenu un véritable enjeu pour eux.
Nos architectes peuvent également être sollicités pour créer des bâtiments emblématiques. C’est le cas de Jean Nouvel, par exemple, dont la carrière est traversée d’édifices iconiques ayant façonné sa réputation au niveau mondial.
Pour accompagner les professionnels dans leur soif d’export, il existe l’association Architectes français à l’export (AFEX), qui tente de promouvoir le savoir-faire des Français à l’extérieur. C’est avant tout un lieu d’échanges, de retours d’expériences, car construire ailleurs n’est jamais simple et nécessite d’être un minimum armé.
« Il convient de préciser que l’AFEX ne fait pas de prosélytisme : l’export comporte des risques, qu’il faut savoir évaluer. L’activité en France doit être confortée, les références doivent être solides, avant de se lancer sur les marchés internationaux. Il s’agit d’une démarche de long terme : il faut souvent attendre plusieurs années avant d’en recueillir les fruits », expliquait Madeleine Houbart, secrétaire générale de l’AFEX, dans le Livre blanc 2.0. Université permanente de l’architecture et du cadre de vie, présenté par le Conseil national de l’ordre à l’automne dernier.
Tous les deux ans, l’association organise son Grand Prix, qui récompense l’architecture française dans le monde. Le prochain sera remis le 20 mai 2021 lors de la Biennale d’architecture de Venise, ajournée d’un an en raison de la crise sanitaire.
Seulement 2 prix Pritzker
Mais l’AFEX ne peut pas non plus faire de miracles. Si les architectes Français construisent si peu à l’étranger, c’est aussi parce qu’ils sont peu présents sur la scène internationale lorsqu’on parle de pensée théorique. Qui peut aujourd’hui se targuer d’une réelle influence hors de nos frontières à part l’agence Lacaton & Vassal ? À peu près personne.
De même, la France souffre de ne pas avoir « la » grande école d’architecture capable de faire parler d’elle à l’international. Pour preuve, le dernier architecte à avoir reçu le prix Pritzker – le Graal dans la profession, véritable reconnaissance internationale – est Jean Nouvel, récompensé en 2008. Avant lui, seul Christian de Portzamparc avait été distingué, en 1994. Deux lauréats depuis 1979 : la France ne pèse pas bien lourd parmi les 48 récipiendaires du prix que l’on présente – abusivement – comme le Nobel de l’architecture…
Qui sera le prochain ? Mais ne dressons pas un tableau trop sombre. Un vent d’optimisme souffle ces dernières années en France. La nouvelle génération n’aura probablement que peu l’occasion de construire des bâtiments iconiques comme ses aînés et préfère exister autrement. Les nouveaux rationalistes français – Bruther, Éric Lapierre, NP2F… – font actuellement l’objet d’une attention particulière en Europe. Ces équipes, dont la renommée a dépassé le cadre de notre pays, préfèrent exporter la pensée plutôt qu’un grand geste. On l’espère, les commandes devraient suivre.
Lire aussi
Architecture : 10 emblèmes du rayonnement Français à l’étranger
Architecture : Dominique Desimpel, l’insatiable chasseur de pierre
Art et architecture : Oslo avec quelques heures de plus…
Architecture, Swarovski et chiffres clés : zoom sur Innsbruck, la « capitale des Alpes »
Architecture & horlogerie : Zoom sur 5 bâtiments emblématiques