The Good Business
Le constructeur britannique David Brown Automotive tente de faire revivre le mythe des GT anglaises des années 60, en mixant nostalgie – pour la ligne – et avant-garde – pour la technologie. Visite à Silverstone dans cette manufacture à produire du rêve à quatre roues.
En Angleterre, quand on parle d’automobile, c’est sérieux, il y a des villes dont le nom résonne plus que d’autres : Oxford, Coventry, Silverstone… Cette dernière abrite en effet l’un des circuits de courses automobiles les plus célèbres. Construit à la fin de la Seconde Guerre mondiale sur le site d’une ancienne base aérienne de la Royal Air Force, il devient très médiatique dès lors qu’il accueille, en 1950, la manche inaugurale du tout nouveau championnat du monde de formule 1.
Depuis 1987, le Grand Prix de Grande-Bretagne y est organisé sans discontinuité, attirant à la mi-juillet pas moins de 300 000 passionnés. Hors période de course, Silverstone est un village plutôt paisible de quelque 2 000 habitants, situé entre Londres et Birmingham, à 40 minutes de l’aéroport de Londres-Luton.
David Brown Automotive, une jeune manufacture
Plusieurs entreprises du secteur automobile spécialisées sur des marchés de niche ont décidé de s’y installer, dont David Brown Automotive, qui se trouve juste en face de l’entrée du circuit. De l’extérieur, aucune signalisation particulière ne distingue cette jeune manufacture, si ce n’est son logo, un Union Jack « ailé », flanqué sur la façade.
Le petit parc industriel est en fait assez homogène dans son architecture, comme en témoigne le bâtiment voisin de Silverstone Sports Engineering Hub, aux lignes identiques. Un peu plus loin, on note la présence de la marque Lotus.
De manière assez discrète, donc, David Brown Automotive occupe un local industriel de 1 700 m2 qui accueille à la fois les ateliers de fabrication et les services marketing et commerciaux. « Nous avons quitté Coventry en mai 2017, car nous avions besoin de davantage d’espace et ne parvenions pas à trouver, dans cette commune déjà très occupée par l’industrie automobile, de local adapté, qui plus est aussi bien placé et facile d’accès que celui-ci », explique Michelle Gay, directrice marketing de la marque.
David Brown, passionné d’automobile
Tout commence en 2013, quand David Brown décide de concevoir sa propre voiture, selon ses propres critères : une Grand Tourer qui revendique un certain héritage automobile britannique. En Angleterre, un agrément – l’Individual Vehicle Approval (IVA) – permet en effet de modifier et donc de recarrosser un modèle existant afin de réaliser pour ainsi dire une nouvelle auto.
« David Brown est passionné d’automobile, et ce de longue date, poursuit Michelle Gay. Il a notamment participé à de nombreuses courses. Et c’est lors d’un rallye en voiture ancienne qu’il a pris la mesure d’un paradoxe : alors que l’avancée technologique a été fulgurante, les voitures ont, dans le même temps, perdu en charme du point de vue du design, pour ne pas dire du style. »
Alors pourquoi ne pas chercher à combiner cette sympathique nostalgie du passé, celui des belles mécaniques des années 60, à une technologie actuelle en termes de performances mécaniques, mais aussi de confort et d’agrément de conduite. David Brown fait ainsi plancher Alan Mobberley – le patron du design de Land Rover entre 1986 et 2005 – sur une voiture d’exception.
Présentation de la Speedback GT en 2014
En mai 2014, la Speedback GT est révélée au public au salon Top Marques, à Monaco. Car, entre-temps, David Brown a vu les choses en grand, et a décidé de lancer sa propre marque automobile. Au premier coup d’œil, la voiture ressemble à une ancienne, avec sa ligne qui évoque incontestablement les Aston Martin DB5 et DB6. Ou encore sa face avant qui rappelle celle de la DB4 Zagato.
Mais on pourrait aussi y voir de faux airs de Maserati A6 avec ses ailes avant bombées ou bien encore de Ferrari 250 GT (modèle 1957-1958), qui disposaient d’ailes arrière très allongées et très droites, ainsi que des optiques de phare avant carénées.
Autre détail, les phares arrière, répartis en deux trios d’optiques agencées de manière verticale, là encore très similaire à ceux de modèles cités plus haut. Et puis, il y a des détails très subtils, comme cette banquette de pique-nique qui se déploie depuis le coffre – ouvert – suffisamment vaste pour y loger clubs de golf ou fusils de chasse, pour le plus grand plaisir des gentlemen drivers.
Côté mécanique, le modèle s’appuie sur le châssis aluminium et la motorisation d’une Jaguar XKR, à savoir un V8 à compresseur qui assure à l’ensemble une sportivité plus que suffisante. Car on parle ici de 510 ch servis par une boîte Tiptronic ZF à 6 rapports.
Une trentaine de personnes dédiées à la fabrication
David Brown Automotive fait ainsi revivre une certaine logique qui était assez caractéristique de l’industrie automobile anglaise et qui donna lieu à de sublimes spécimens, souvent présentés au mythique festival de Goodwood. A savoir un châssis roulant développé par une entreprise spécialisée sur lequel venaient se greffer une carrosserie et des aménagements intérieurs conçus par des carrossiers – les fameux coachbuilders, qui pouvaient exécuter un grand nombre de finitions sur mesure, et réinterpréter ainsi une auto.
Pour se rendre compte de ce savoir-faire, le plus simple est de quitter la salle de réunion et de pousser la porte de l’espace de production. Cinquante personnes sont présentes sur le site, dont une bonne trentaine dédiée à la fabrication.
Sur une vaste mezzanine qui surplombe les postes de montage, un atelier de sellerie a été installé avec tables à découpe et machines à coudre. Quelques assises sont prêtes à être gainées, tandis qu’un large échantillon de peaux en provenance de chez Yarwood – le must en matière de cuir de sellerie – est rangé sur des étagères.
Jusqu’à 26 couches de peinture
On remarque la présence d’imprimantes 3D sur des établis. « Pour certaines pièces bien spécifiques qui nécessitent des formes complexes, mais peu d’efforts mécaniques, nous utilisons cette technologie. Le nombre de références à produire est tellement faible qu’il est impensable de lancer une grande série », précise Michelle Gay.
Pour autant, le constructeur fait appel à plusieurs sous-traitants très spécialisés, basés dans la région. A commencer par la mise en forme de la carrosserie, entièrement en aluminium, dont chaque panneau est façonné à la main puis fini à l’aide d’une roue anglaise (english wheel), qui permet d’obtenir des arrondis parfaits.
Ils sont ensuite soudés sur la plate-forme motorisée en provenance de chez Jaguar, et réajustés manuellement si besoin. Il en va de même pour la peinture qui est réalisée par un véritable artiste en la matière. « Certaines teintes nécessitent pas moins de 26 couches et 8 semaines de travail pour garantir une profondeur idéale au coloris. »
8000 heures de travail
En revanche, tout l’assemblage des composants venant se greffer sur la carrosserie et à l’intérieur du véhicule ainsi que l’intégralité du faisceau électrique sont entièrement réalisés ici. Au total, 8 000 heures de travail manuel sont nécessaires pour fabriquer une Speedback GT, jusqu’au logo de la marque dont chaque exemplaire est émaillé par un artisan orfèvre.
D’où ce prix hors norme qui correspond à un processus d’élaboration qui l’est tout autant pour un véhicule volontairement limité à 100 exemplaires. Depuis 2018, une évolution du modèle, baptisée Silverstone Edition, est cette fois-ci disponible à… 10 exemplaires !
Le moteur a été poussé à 601 ch, tandis que la suspension et les trains roulants ont été modifiés pour permettre d’abattre le 0-à-100 km/h en 4,3 s. Sur le plan esthétique, la belle est pourvue de détails stylistiques qui allient sportivité et élégance, à l’image de ce coloris Black Night pour la carrosserie, du cuir naturel fauve pour les assises, ou encore de l’absence de pare-chocs.
Des Mini « remastérisées » par David Brown Automotive
Tandis que David Brown nous a rejoints pour la visite de l’atelier, on remarque les autres véhicules aux côtés des Speedback en cours de montage. Des modèles qui sont parfaitement identifiables, puisqu’il s’agit de Mini d’origine – celles d’avant 2000 – que la manufacture se charge de « remastériser » intégralement, là encore pour les mettre au goût du jour sur le plan technologique.
« J’ai un faible pour cette voiture, car c’est la première que j’ai conduite, celle de ma mère. Et puis, mon père m’a souvent dit que c’était la meilleure voiture par son design, mais malheureusement la moins bien fabriquée » explique le patron.
Chaque voiture – généralement une Mini 1 275 cm3 MPI – fait ainsi l’objet de pas moins de 1 000 heures de restauration complète pour non seulement corriger les défauts mais en faire une voiture moderne. Le moteur est ainsi totalement démonté, nettoyé et modifié pour porter la puissance à 84 ch (contre 63 ch). Une toute nouvelle coque est pour ainsi dire fabriquée à partir de panneaux d’acier parfaitement traités et sur laquelle est appliqué un process de peinture quasi équivalent à celui de la Speedback GT.
Quatre variantes de Mini
Evidemment, le choix des coloris, comme celui de la finition de la sellerie, est laissé au client, tout comme celui entre une boîte de vitesses manuelle et automatique. Au total, ce sont quatre variantes de Mini, dont trois éditions limitées – parmi lesquelles la très exclusive Oselli Edition (1 420 cm3 et 100 ch), réalisée avec le préparateur éponyme, limitées à 60 voitures pour un prix avoisinant les 100 000 livres (contre 75 000 livres pour « l’entrée de gamme »).
« Je ne cherche pas à faire des bêtes de collection. Mon but est avant tout de proposer des voitures que l’on peut conduire au quotidien, sans le souci de tomber en panne, et, plus encore, avec des performances qui n’ont rien à envier à des autos actuelles », précise David Brown.
Et même aux tarifs annoncés, l’offre du constructeur n’a pas l’air d’effrayer les amateurs, si l’on en juge par la dizaine de modèles en préparation dans l’atelier. D’autant que l’astuce de la série limitée est un bon moyen d’attiser la convoitise des passionnés, qui cherchent à se démarquer.
Une nouvelle preuve que l’époque n’en finit pas de flirter avec le revival, ce phénomène rassurant qui nous rappelle les bons côtés du passé. Et si, en plus, votre nouvelle GT ou votre Mini remaniée est largement plus fiable que celle d’antan…
www.davidbrownautomotive.com
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