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The Good Playlist : I Am Human, le nouvel album de Tony Tixier
The Good Playlist : I Am Human, le nouvel album de Tony Tixier
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Culture

The Good Playlist : I Am Human, le nouvel album de Tony Tixier

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Intuitive et sensible, la musique de ce jeune pianiste et compositeur de jazz originaire de Montreuil fait le tour du monde. Pendant le confinement, cet artiste hybride a enregistré un album dépouillé et intimiste.

Dans l’intimité du salon de son appartement à Montmartre, pendant le confinement, Tony Tixier n’a pas chômé. Même sans l’aide de ses partenaires habituels, Yamaha Music, Art Vista Studios et David Freiss, il a pris le temps de créer I Am Human, son nouvel album, trois ans après Life of Sensitive Creatures. 

Une galette numérique composée de six titres pensée comme « une réflexion sur l’universel, nos émotions, ce qui nous constitue, sur l’être humain », selon le compositeur-pianiste-jazzman parisien. Au programme, des classiques, comme Someone to watch over me, mais aussi des compositions originales, dont Humain, un hymne plein d’espoir, de poésie et de légèreté.

On aime beaucoup aussi la revisite de You Know I Care, standard de Joe Henderson, sur lequel Tony Tixier est accompagné par le saxophoniste Adrien Daoud. D’autres invités, Scott Tixier (violon), Hermon Mehari (trompette) et Ben Leifer (basse) ont également collaboré à l’enregistrement de I Am Human. 

A l’occasion de la sortie de ce nouvel album, retour sur notre rencontre (à distance) avec le pianiste pendant le confinement, en avril dernier, quand Tony Tixier avait concocté pour nous une playlist jazzy.

Tony Tixier pour The Good Life :

« Ce que nous jouons, c’est la vie », une phrase chère à Louis Armstrong qui va comme un gant à Tony Tixier. Lui, qui a grandi avec un piano dans les mains. À six mois, sa mère le prenait sur ses genoux lorsqu’elle jouait des polonaises de Chopin. La musique n’était pas un choix, elle fait partie de lui, tout comme il n’a pas choisi les boucles de ses cheveux. Avec une mère danseuse et un père metteur en scène, Tony Tixier et son frère jumeaux Scott baignent dans un milieu artistique et commencent leurs études au conservatoire de Montreuil à quatre ans à peine.

Tony Tixier à six mois, sur les genoux de sa mère danseuse.
Tony Tixier à six mois, sur les genoux de sa mère danseuse.

Dix ans plus tard, les voici diplômés avec une médaille d’or. Si à 14 ans Tony a presque voulu arrêter la musique, son professeur de classique lui insuffle l’idée de se tourner vers le jazz, en attendant de pouvoir donner des cours. C’est chose faite, et à 18 ans Tony Tixier devient le plus jeune professeur de piano classique au conservatoire d’Andrésy et à l’académie de musique de Louveciennes. 

Puis, en suivant les traces de son frère violoniste, lui aussi s’envole aux États-Unis pour une bonne douzaine d’années, New York d’abord, Los Angeles ensuite. Alors que les tournées s’enchaînent aux quatre coins du monde, il fait quelques apparitions à la télévision (chez Jimmy Fallon, ou dans l’émission America’s Got Talent), avec la chance d’avoir son son frère – fidèle collaborateur de Stevie Wonder – toujours dans le circuit.

À 34 ans, c’est depuis Paris que Tony Tixier continue de composer et interpréter ses mélodies intimes et romantiques, parfois un peu folles, souvent improvisées. Il accepte de partager avec TGL son parcours atypique, après sa séance de méditation quotidienne, un matin ensoleillé de l’une de ces longues journées de confinement.

L’occasion de nous parler de sa musique teintée d’histoire et de romantisme le temps d’une conversation téléphonique, en attendant le concert live qu’il jouera jeudi 9 avril à 18h00 sur notre compte Instagram

6 questions à …

The Good Life : Musicien ou artiste ?

Tony Tixier : J’ai du mal à affirmer que je suis musicien. J’ai grandi dans une famille d’artistes où nous avions chacun une forme d’expression différente. Nous sommes tous artistes, l’Homme a la chance de pouvoir créer. Je m’en suis rendu compte lors de mes voyages : alors que je rencontre un pizzaiolo à Naples, par exemple. Quand il me parle de sa dévotion et de toute la poésie qu’il met dans ses pizzas, je me sens plus proche de lui que de l’un de mes collègues musiciens. Eux, ils ont des capacités, c’est sûr, mais ils ne dégagent pas autant de magie.

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The Good Life : Comment définiriez-vous votre musique ?

Tony Tixier : C’est difficile de mettre des mots sur son activité. C’était plus simple de répondre à cette question quand, plus jeune, j’avais moins d’humilité et j’étais plus fou… enfin, la folie, c’est bien aussi ! J’ai une formation classique, j’adore Schumann, Bach et les compositeurs romantiques du XXe siècle. Puis, j’ai appris à improviser en écoutant les disques des grands maîtres du jazz, comme Keith Jarrett. À New York j’ai eu la chance de jouer dans des formations avec des monstres sacrés. On ne m’appelait pas pour mon jazz à l’américaine mais parce que j’avais une couleur plus européenne. J’ai toujours développé mes idées sans prétention, avec les moyens que j’avais, surtout avec mes oreilles. Ma musique est hybride, ce qui ne veut pas dire qu’elle touche à tout, mais que mon travail est propre. Et, en plus du jazz, on y retrouve toutes les couleurs classiques et romantiques. Pour moi la musique est un medium, mais ce n’est pas le seul. J’aime l’art en général, la peinture, la photo…

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TGL : Justement, la photographie est une autre pratique artistique que vous avez hérité de votre milieu familial…

T.T. : C’est vrai. En plus de peindre, mon père aime photographier, c’est une passion que mon grand-père lui avait transmis. Quand il est décédé j’ai récupéré ses vieux appareils, j’ai commencé à regarder dans l’objectif et à me prendre pour mon papi, j’étais jeune. C’était une sorte de recherche personnelle. Je me souviens que j’allais à la AFP pour rencontrer des photographes reporters, je les accompagnais quand ils prenaient des personnalités en portrait, parfois j’étais leur assistant. C’est comme quand on fait de la cuisine, à chaque recette on assimile un nouveau geste ! J’ai acheté des appareils, et, peu à peu, j’ai appris a maitriser le noir et blanc. J’ai une préférence pour cette technique car je suis daltonien. C’est pareil en musique, quand il y a un musicien que j’estime beaucoup, je me rends chez lui – parfois sans être invité – en espérant pouvoir le rencontrer. Le contact humain est important pour apprendre, et nous avons la chance de vivre dans une époque où beaucoup d’artistes contemporains sont encore vivants. Une fois, à Los Angeles, j’ai toqué à la porte de Herbie Hancock, et tout à coup je me suis retrouvé dans son salon. Un souvenir inoubliable !

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TGL : L’été dernier, vous avez quitté Los Angeles, ville dans laquelle – après New York – vous avez vécu pendant plusieurs années, pour vous installer à nouveau en France, cette-fois-ci à Montmartre. En quoi les États-Unis ont-ils influencé votre travail ?

T.T. : Tout nous influence, même une conversation comme celle que nous avons en ce moment. En grandissant en France j’avais acquis certains repères que j’ai du abandonner une fois arrivé aux US en tant qu’expat. C’est un pays totalement différent de l’Europe. À l’école, on nous apprend le rêve Américain, c’est vrai, là bas tout est possible mais seulement pour ceux qui ont de la chance. Il faut se battre, affronter la dureté de la vie, rentrer en bus de nuit après un concert. Mais, il faut l’avouer, c’est là que la culture du jazz est née. C’est la musique classique afro-américaine dont on retrouve les roots à Chicago, à New York, à la Nouvelle Orleans, qui aujourd’hui est devenue un langage universel et démocratisé. En France nous n’avons pas une telle tradition musicale, exception faite de la chanson française, Brassens, Léo Ferré, ces poètes qui mettent leurs textes en musique. Dans le monde entier, quand on veut apprendre l’impro, ce sont les américains que l’on écoute, du Miles Davis, du Thelonious Monk… Aux États-Unis j’ai eu la chance de connaître tout cet univers et de rejoindre un frère qui, après avoir beaucoup galéré et travaillé, il avait réussi à faire son trou. J’ai aussi voulu rencontrer les bonnes personnes.

Life of Sensitive Creatures, le dernier opus de Tony Tixier, est sorti en décembre 2017.
Life of Sensitive Creatures, le dernier opus de Tony Tixier, est sorti en décembre 2017.

TGL : Votre dernier album, Life of Sensitive Creatures, enregistré en trio, est sorti en décembre 2017. À quand le prochain ?

T.T. : Je travaille en permanence sur plusieurs projets, comme la plupart des artistes. Actuellement, trois albums sont prêts. Dans Moon Paradoxe je joue du piano avec une orchestre de cinq cordes, et dans un autre je chante au piano, les deux s’éloignent du jazz. Il s’agit de projets plutôt classiques. Le prochain opus jazz sera un trio, la suite de Life of Sensitive Creatures. Les problème en ce moment reste la réalisation, car les producteurs travaillent à la fois sur beaucoup de projets intéressants et ils ne peuvent se consacrer à chaque artiste que tous les deux ou les trois ans. Il faut être patients… 

L’album Life of Sensitive Creatures, Tony Tixier

TGL : Un artiste que vous avez pris le temps de (re)découvrir pendant le confinement ?

T.T. : Je sors d’une retraite méditative de dix jours en complète isolation (sans portable, ni d’ordinateur, pas de bouquins, pas de piano) suite à laquelle je me suis préparé un joli programme. J’ai décidé de réétudier des gros pianistes : Hank Jones, Erroll Garner… Je mets leurs disques phare et je les retranscris. C’est quelque chose que j’avais déjà fait dans le passé, mais, avec un cerveau adulte, aujourd’hui je m’arrête plus sur l’essentiel. Avant j’étais impressionné par des phrases ou des notes qui allaient vite, en ces jours j’écoute les couleurs, les profondeurs des accords, je me plonge dans les détails.

La playlist de Tony Tixier pour TGL : 

 


Suivez The Good Life sur Spotify pour retrouver cette playlist, et les autres : @thegoodlifemagazine


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