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New York : une journée à Red Hook
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Voyage

New York : une journée à Red Hook

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Situé au nord-ouest de la partie méridionale de Brooklyn, Red Hook, fondé au XVIIe siècle, est l’un des quartiers les plus vieux de New York. Après un passé portuaire et industriel aussi glorieux que fulgurant au début du XXe siècle, il décline jusqu’à être surnommé la « capitale du crack » dans les années 90. Aujourd’hui, à l’ère de la gentrification toute‑puissante, il renaît de ses cendres grâce à la magie immobilière. Récit d’une journée à Red Hook.

Le trajet pour se rendre à Red Hook s’apparente déjà à une aventure. Le quartier ne se laisse pas atteindre facilement. Une première forme de résistance qui peut agacer le voyageur contemporain. Le seul moyen de transport est la ligne de bus B61. Il a l’avantage de desservir tous les croisements importants de Red Hook. Prendre le bus impose une temporalité infiniment plus lente à laquelle, finalement, on s’habitue.

Penser à descendre à l’arrêt Van Brunt/Sullivan Street. Tout est désert en cette heure matinale. Et le soleil est déjà éblouissant. Le bus était-il une machine à remonter le temps ? Ou un portail vers une dimension parallèle ? Il est conseillé de commencer par la boulangerie Baked. Il s’agit du seul endroit un peu animé à cette heure-là. Cette dernière est reconnaissable à sa porte orange aux vitres hublot. La serveuse est tout à fait apathique. Mais peu importe, car la vitrine, elle, regorge d’alléchantes douceurs.

Au bord de l’eau, le quartier de Red Hook bénéficie aujourd’hui d’une véritable renaissance. Les promoteurs immobiliers ont pris la suite des artistes et des petits entrepreneurs.
Au bord de l’eau, le quartier de Red Hook bénéficie aujourd’hui d’une véritable renaissance. Les promoteurs immobiliers ont pris la suite des artistes et des petits entrepreneurs. Young-Ah Kim

De plus en plus enclavé

Le ventre plein et après avoir observé la faune locale, il est temps de partir en exploration. Premièrement, remonter Van Brunt Street, l’artère principale, pour arriver au port et aux friches industrielles. Le quartier est encore bien endormi. Mais, çà et là, entre les blocs d’entrepôts et les petits immeubles d’habitation, on relève la présence d’activité humaine. Des gens mettent leurs muscles à rude épreuve sur des rameurs devant un centre de crossfit.

Une imposante concession Tesla tout en verre se trouve non loin d’un rassemblement de food-trucks. Autour d’eux, on s’affaire à charger des sacs de pains et de saucisses surgelées. On discerne également les abords du port industriel. Construit au XIXe siècle, il devient l’un des ports de fret les plus actifs au monde au début du XXe siècle. Néanmoins, l’arrivée des conteneurs signe le début de la fin pour le port, progressivement déplacé dans les eaux plus profondes du New ­Jersey.

Les immeubles de brique rouge sont typiques de Brooklyn.
Les immeubles de brique rouge sont typiques de Brooklyn. Ina Chong

Alors que le reste de Brooklyn se développe – avec l’ouverture de l’autoroute de ­Gowanus en 1946 et celle du tunnel Brooklyn Battery en 1950 –, aucune sortie d’autoroute ou station de métro n’est prévue pour Red Hook. Ainsi, le quartier s’enclave de plus en plus. Durant les ­années 90, il est ravagé par les trafics de drogue et la violence, et devient l’un des pires endroits de la ville. Enfin, le coup fatal est porté en 2012 par l’ouragan Sandy.

La renaissance de Red Hook

Aujourd’hui, en redescendant Van Brunt Street en direction du bord de l’eau, les commerces se densifient et rappellent que Brooklyn s’est réinventé en paradis bohème et branché : une galerie d’art, une boutique de vêtements de travail vintage et hors de prix, une librairie à la vitrine féministe, une boutique de meubles design… Une brocante s’organise dans les rues et de la musique sort de Record Shop, boutique de vinyles accueillant un salon de coiffure dans son arrière-­boutique et un studio d’enregistrement dans son sous-sol.

De part et d’autre de la rue, tout le monde se salue et discute tranquillement. L’ambiance est étonnamment chaleureuse et familiale. Ils sont musiciens, chefs, artistes, coiffeurs ou artisans à leurs heures perdues, et tous ont été attirés à Red Hook pour sa douceur de vivre, son sens de la communauté et son côté coupé du monde.

Témoin du succès du quartier, le restaurant Brooklyn Crab ne désemplit pas.
Témoin du succès du quartier, le restaurant Brooklyn Crab ne désemplit pas. Young-Ah Kim

La grande terrasse ouverte du restaurant Brooklyn Crab est comble. En effet, les New-Yorkais ont profité de cette belle journée pour venir en famille jouir du charme pittoresque de Red Hook. Un regain de popularité dont témoignent les projets qui fleurissent discrètement, mais sûrement. Dans les rues centrales, des immeubles flambant neufs alternent avec des bâtiments décrépits. Les promoteurs immobiliers ont pris la suite des artistes et des petits entrepreneurs qui ont ouvert la voie. Les cyniques clameront que la gentrification de Red Hook a déjà été scellée avec l’installation de l’immense Fairway Market en 2006 ou encore celle du magasin Ikea inauguré en 2008.

Loin de Manhattan et de sa vie trépidante, Red Hook jouit d’une atmosphère familiale.
Loin de Manhattan et de sa vie trépidante, Red Hook jouit d’une atmosphère familiale. Young-Ah Kim

Développement raisonné

Aujourd’hui, le quartier compte environ 10 000 habitants et abrite également le plus grand projet de logements sociaux de Brooklyn, les Red Hook Houses. Jusqu’ici, le développement du quartier s’est fait de manière bien plus raisonnée qu’ailleurs, et une atmosphère vivante et authentique s’y est créée. Dans le ferry qui rentre à Manhattan dans la nuit, le contraste est saisissant entre la skyline de gratte-ciel toujours illuminés, symbole de la ville qui ne dort jamais, et les contours sombres, à peine discernables, de Red Hook.


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