The Good Business
Les clients, amateurs ou non, ont souvent besoin qu’on leur raconte une belle histoire. Celle du Lion compte déjà 120 bougies et le virage annoncé en promet beaucoup d’autres. Retour sur une véritable saga, avec ses hauts, ses bas et, surtout, ses coups de génie !
Le Mondial de l’automobile et du cycle de Paris a fêté ses 120 ans cette année. Lors de sa première édition, en 1898, « Peugeot Motocycles présentait son premier véhicule 2-roues motorisé : la toute première moto qui ait jamais existé ! », signalait cet automne Costantino Sambuy, président de Peugeot Motocycles.
Conçue entre Valentigney et Mandeure, près de Montbéliard (Doubs), cette machine a permis à la marque au lion d’écrire les premières pages de l’histoire de la moto. Peugeot n’a cessé, par la suite, d’y tracer son sillon. Avant la Grande Guerre, la firme développe de nombreux modèles performants et fiables, avec des solutions innovantes : moteur placé au centre du cadre, à arbre à cames en tête, bicylindre…
L’après-guerre ouvre une nouvelle page. Peugeot marque les esprits avec le premier cyclo-moto, le CM1, décliné en deux versions, une pour les hommes et une pour les femmes. Entre temps, la firme brille sur tous les terrains. En compétition, elle remporte successivement le Grand-Prix de Lyon, le Grand-Prix de France, le Grand-Prix d’Espagne et le Grand-Prix des Nations à Monza, en 1923.
Sur les marchés, elle dévoile le mythique HP et la série P100, jusqu’à la P108. L’entre-deux-guerres est une époque bénie pour Peugeot. En 1930, elle affiche des ventes record : 18 602 unités écoulées et une progression cumulée de 85 % sur les quatre années précédentes. En 1931, la marque présente au Salon de la moto et du cycle, les tout premiers « vélomoteurs » qui préfigurent alors les futures motos de petite cylindrée. Cette décennie est aussi auréolée des exploits du constructeur tricolore. Toujours en 1931, Antoine Peugeot gravit le sentier alpin qui mène à l’hôtel du Montenvers (1 913 m), au pied de la mer de Glace, au guidon d’une P110.
La même année, Miss Foley remporte le Tour de France à moto, une épreuve longue et difficile qui met en lumière la robustesse de sa P107. Tout comme la détermination de cette jeune femme de 26 ans qui s’adjuge, dans la foulée, l’édition 1932. En 1934, Peugeot triomphe au Bol d’Or avec une P515 pilotée par Camille Narcy. Le Lion s’offrira une seconde victoire en 1952. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, Peugeot sera le premier constructeur français de motos.
Dates clés
• 1810 : création de Peugeot Frères.
• 1825 : construction du siège social sur le site de Valentigney-Mandeure.
• 1898 : création de Peugeot Motocyles et présentation de la première moto.
• 1930 : fusion avec Automoto, spécialiste de motos et de cycles.
• 2010 : changement de raison sociale en Peugeot Scooters.
• 2014 : Mahindra (Inde) acquiert 51 % des parts de Peugeot Scooters à PSA.
• 2018 : la marque reprend son nom d’origine, Peugeot Motocycles.
• 2020 : commercialisation de nouvelles motos.
L’innovation pour moteur
A la libération, Peugeot propose une nouvelle gamme de vélomoteurs de petite cylindrée (P54 et P55), économiques et également déclinés en triporteurs, pour répondre à la pénurie que connaît la France. En 1951, elle inaugure la bicyclette à moteur Bima, rivale directe du VeloSolex, mais plus puissante et plus silencieuse.
Ce modèle concurrence aussi la Mobylette de Motobécane, sortie en 1949. Toujours à la pointe de l’innovation, Peugeot intègre dans sa gamme son premier scooter, le S55, dès 1953. Carrosserie en tôle, coffre à bagages à l’avant, le S55 reprend la ligne de l’illustre 203, qui incarne la renaissance automobile du Lion. La marque cible la gent féminine en mettant en exergue la praticité de l’engin.
Ce S55 débute une longue série, qui perdure encore aujourd’hui. A partir des années 60, Peugeot limite sa production aux petites cylindrées, de 50 à 125 cm3. Scooters, motos et vélomoteurs se succèdent jusqu’au lancement de la célèbre gamme 100, conçue pour contrer le succès de la Bleue (la série AV8x de Motobécane).
D’abord la 101, en 1968. Puis, la cultissime 103, en 1970, que toute une génération a essoré, de premiers tours de roue en séances de mécanique mémorables. Peu coûteuse, objet de désir des lycéens, la 103 s’offre un record en 1974 avec 550 000 exemplaires vendus. Elle franchit les décennies sous diverses déclinaisons jusqu’à l’arrêt de sa fabrication, en mai 2017 : son moteur 2-temps ne pouvait plus se conformer à la norme Euro 4.
Les années 80 signent l’avènement du scooter. Notamment le SC, qui prend vite le pas sur les mobylettes. Plus maniable, plus pratique avec son coffre, et plus protecteur avec son tablier, il devient un best-seller. En 1990, les ventes de scooters s’envolent. Toujours précurseur, Peugeot conçoit un scooter électrique, en 1996, équipé de batterie au nickel‑cadmium. Mais le marché n’est pas prêt. Le constructeur ne s’entête pas et continue à développer ses modèles thermiques : suspension monobras, freinage ABS, moteur suralimenté, machine à moins de 1 000 euros…
Pour afficher haut et fort son expertise dans le domaine, la firme devient Peugeot Scooters en 2010. Cinq ans plus tard, la maison mère, PSA, vend 51 % des parts de Peugeot Scooters à Mahindra, afin de mieux se placer sur les marchés asiatiques, notamment indien.
Modèles phares
• 1901 : Motobicyclette 150, première moto de série.
• 1903 : 2HP, première moto à moteur placé au centre du cadre.
• 1910 : MB, moto à moteur bicylindre en V à 45° de 330 cm3.
• 1922 : CM1, cyclo-moto de 110 cm3.
• 1927 : gamme P101 à P110.
• 1945 : P54, moto économique de 100 cm3.
• 1951 : Bima, bicyclette à moteur.
• 1953 : S55, premier scooter.
• 1957 : BB2L, cyclomoteur ancêtre du 103.
• 1970 : 103, cyclo culte de la marque.
• 1980 : TXE, moto trail de 80 cm3.
• 1983 : SC/SX/ST, scooter mythique.
• 1996 : Scoot’Elec, scooter avec batterie Ni-Cad.
• 2003 : Jetforce, premier scooter à moteur compressé.
• 2013 : Metropolis, scooter 3-roues.
• 2014 : Django, hommage moderne au S55.
• 2018 : concept P2X, motos de 125 et 300 cm3.
Peugeot, un acteur clé de la mobilité urbaine
Depuis ses débuts, la force de la firme française repose sur son offre et sur ses innovations. Aujourd’hui, le néorétro Django fait honneur à son passé en réincarnant le S55 ; le 3-roues Metropolis entame sa deuxième génération ; et le 2.0 « e-powered by GenZe », premier scooter connecté au monde, signe son retour à l’électrique…
Pourtant, le constructeur est en difficulté depuis plus d’une décennie. Pour inverser la tendance, son nouveau président, arrivé à l’été 2017, a élaboré un plan audacieux : « L’innovation doit rester la clé de voûte de l’entreprise, et notre ambition est de relancer notre force commerciale et industrielle, explique Costantino Sambuy. La mobilité urbaine est en pleine transformation et offre des opportunités extraordinaires avec la mutation des centres urbains et la transformation numérique. »
Et Peugeot compte bien les saisir. Avec son savoir-faire et sa notoriété, hors de question de renoncer à ses acquis. Peugeot Scooters n’est plus et reprend son nom historique, Peugeot Motocycles. La nouvelle entité renoue avec son histoire en relançant une gamme de motos, après un demi- siècle consacré aux cyclomoteurs et aux scooters.
« Il ne s’agit pas de venir concurrencer les spécialistes des grosses cylindrées japonais, américains ou européens. Notre ambition est de nous positionner comme un acteur clé de la mobilité urbaine », précise Costantino Sambuy. Le projet P2X, dévoilé au Mondial de Paris en octobre dernier, comporte un roadster de 125 cm3 au style néorétro et un café-racer de 300 cm3, plus typé sport.
Des motos de moyenne cylindrée qui préfigurent une offre élargie pour la ville. Et non une course à la performance qui fut pourtant l’essence du glorieux passé de Peugeot Motocycles.