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Vins et spiritueux
Témoins de près de deux mille ans de tradition, mais souvent délaissés au fond d’un placard, les portos redeviennent tendance, notamment par le biais de la mixologie. Un retour en grâce mérité pour ces vins de la vallée portugaise du Douro.
A une petite heure en voiture de Porto, on passe un dernier col et la magie opère. A perte de vue, le fleuve étire ses méandres entre des hectares de vignes, accrochées aux pentes escarpées des montagnes qui le bordent. Ce paysage, entièrement façonné par l’homme depuis des siècles, loin d’être uniforme, ne peut que séduire les amoureux des vignobles. C’est d’ailleurs ce travail unique, dont les premières traces remontent à près de deux mille ans, que l’Unesco a récompensé en classant les vignobles du Haut-Douro au patrimoine mondial de l’humanité en 2001. Ce sont les Romains qui, les premiers, ont commencé à façonner les rives du Douro, dès le milieu du XIIe siècle, bien avant que les vins ne jouissent d’une notoriété pour leur excellence. Il faudra cependant attendre la deuxième moitié du XVIIe siècle pour qu’aient lieu les premières expéditions de « vins de Porto ».
Emprise britannique
Grâce à un traité commercial signé entre le Royaume-Uni et le Portugal en 1654, de nombreux marchands anglais et écossais s’installent dans le pays, où ils bénéficient de droits de douane préférentiels. Le blocus imposé par Colbert va favoriser la naissance du porto tel qu’on le connaît aujourd’hui et accélérer la construction de Vila Nova de Gaia, face à la petite ville de Porto. Compte tenu des difficultés pour acheminer par voie terrestre les vins de Porto du Haut-Douro à son embouchure, c’est par voie fluviale que les barriques arrivent.
Un trajet périlleux au milieu de bateaux manœuvrant sur des eaux parfois bouillonnantes. Les marchands s’installent alors à Porto et créent, face à la ville, une autre cité, entièrement dédiée aux portos : Vila Nova de Gaia. Aujourd’hui encore, de grandes maisons témoignent de cette emprise britannique, avec des noms tels que Taylor’s, Graham’s, Dow’s, Warre’s… De nos jours, les producteurs de porto, grandes maisons comme petits propriétaires, s’attachent à préserver les traditions culturales et de vinification. Et ce, malgré la baisse constante de la consommation de porto qui a marqué la fin du XXe siècle. Longtemps réputés « vins de grands-mères », servis trop chauds, ils ont été relégués au fond du placard avant de faire un retour sur les tables, portés par la mixologie.
Porto : une palette étonnamment large
Il s’en vend aujourd’hui plus de 103 millions de bouteilles par an, essentiellement en France, premier marché à l’export, et au Portugal, où la consommation intérieure a rebondi grâce au tourisme. Pour autant, le prix moyen de vente en France de 3,66 euros la bouteille (en 2016) n’est pas un témoignage en faveur de l’excellence de ces vins. Il est parfois difficile de décrypter une telle diversité de l’offre. Certes, en grande surface, sont commercialisés des produits à bas prix, aux côtés, parfois, de portos plus âgés. Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’il existe quatre grandes catégories de porto – tawny, ruby, blanc et rosé – qui se déclinent à leur tour en différents segments. Seul point commun : tous sont des vins mutés, c’est-à-dire que la fermentation a été stoppée par adjonction d’alcool vinicole. « Les portos rosés sont jeunes, fruités, très simples, avec des arômes de fraise marqués. Ils s’utilisent surtout en cocktails ou servis en piscine, décrypte Julien dos Santos, qui a créé Portologia, la première boutique entièrement dédiée aux portos à Paris. Ensuite, je dirais qu’il y a la catégorie des oxydatifs, qui regroupe les portos blancs et tawny, et celle des réducteurs, avec le ruby. »
Là encore, ces grandes catégories ne doivent pas masquer la complexité des différents segments, essentiellement liés à la durée du vieillissement. Pour les portos tawny, s’il y a une indication d’âge (10, 20, 30 ans…), c’est qu’ils sont le fruit d’un assemblage de vins de plusieurs années, dont le plus jeune a l’âge indiqué. Vieillis en fûts de bois, ils offrent des arômes concentrés et complexes. Pour les portos blancs, il existe cinq classifications, du plus sucré au plus sec. Quant au ruby, il est réalisé à partir d’une sélection des meilleures cuvées produites chaque année. En plus de ces grandes catégories, une autre spécification s’attache à la notion de millésime. Qu’il s’agisse du « vintage » élaboré à partir du raisin d’une seule vendange, du vintage single quinta (une seule cuvée d’un seul vignoble), du LBV, ou late bottled vintage (un porto ruby issu d’une même cuvée exceptionnelle), ou encore du colheita (ou tawny millésimé), issu d’une seule et même cuvée et vieilli en fûts de bois entre 7 et 100 ans, la palette est ainsi bien plus large que ce qu’un néophyte peut imaginer…
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