The Good Business
Propriétaire de ses espaces dans des quartiers peu habitués au coworking, Deskopolitan prend son temps pour se développer. Rencontre avec Alexis Rebiffé, co-fondateur de cet acteur à part d’un marché en plein essor.
La rue du Château d’Eau, dans le 10e arrondissement de Paris, ses cafés, ses épiceries, entre République et la Gare de l’Est, est au cœur du Village Saint-Martin, quartier bobo-familial. C’est aussi le dernier endroit où l’on pense tomber sur un espace de Coworking. C’est pourtant ici qu’en janvier 2017, Alexis Rebiffé et Paul Chevrillon ont ouvert le premier Deskopolitan.
Dans une ancienne manufacture qu’ils ont achetée en 2015 aidés par une levée de fonds de 35 millions, les deux co-fondateurs ont d’abord loué leurs bureaux à BETC puis, quelques semaines après l’ouverture, ont abrité le QG de campagne de Benoit Hamon au moment de l’élection présidentielle pendant trois mois. Depuis, les 1400 m² de l’espace vivent au rythme « normal » d’un espace de coworking.
Chateau d’Eau a servi de prototype avant l’ouverture, prévue en septembre, d’un second Deskopolitan, quatre fois plus grand, boulevard Voltaire, dans le 11e arrondissement. Une zone, encore une fois, oubliée par les acteurs majeurs du secteur, qui se concentrent sur La Défense et les 2e, 9e , 8e arrondissements de Paris.
« Concernant les quartiers, on regarde où il n’y a pas d’offre et où nos potentiels clients habitent, explique Alexis Rebiffé, co-fondateur de Deskopolitan. Ce sont des lieux de vie, avec des commerces, des logements, des services… Pour nos prochains espaces parisiens par exemple, on pense aux 12e et 13e arrondissements ». La start-up entend ainsi proposer à ses clients le luxe de rallier leur bureau à pieds ou en vélo depuis chez eux.
Encore faut-il trouver les bons immeubles. L’ancien de Saguez & Partners répond : « on ne choisit pas forcément de beaux édifices, mais il faut qu’ils aient une histoire. Ensuite, on s’entoure de bons architectes et on le transforme ». A Château d’Eau, Deskopolitan a convaincu MoreySmith, studio britannique spécialisé dans les espaces de travail – Primark lui doit notamment ses spectaculaires bureaux à Dublin – de prendre en main l’architecture intérieure des lieux pour leur premier chantier en France.
Apparemment une bonne expérience, puisque MoreySmith récidive à Voltaire, en travaux depuis 2 ans et demi, associés pour la « coque » à Franklin Azzi Architecture (Imprimerie Mame à Tours et Nouvelle Tour Montparnasse). Une belle équipe, preuve de l’ambition de Deskopolitan dont les investisseurs sont confiants, rassurés par le fait que la firme est propriétaire de ces deux lieux et que le premier « sera rentable dès l’année prochaine » selon Alexis Rebiffé.
De quoi établir des plans audacieux. « D’ici 2021, nous souhaitons ouvrir 10 nouveaux espaces, confie l’entrepreneur, à Paris et à l’étranger, dans des villes où les loyers sont chers et la demande forte, comme Londres, New York, Genève ou Luxembourg et d’autres qui n’ont pas encore les infrastructures suffisantes pour répondre aux besoins des jeunes entreprises, Lisbonne notamment, où l’on prospecte. » Pour cela, Alexis Rebiffé est prêt à louer plutôt qu’acheter… Le prix à payer pour se développer à un rythme suffisant et rester concurrentiel dans un secteur en plein développement.
Pour autant, Deskopolitan, dont le co-fondateur est fier de sa double casquette, « on ne fournit pas seulement des bureaux et des services à nos clients, on participe au renouveau des quartiers où l’on s’installe », ne compte pas se développer comme le ferait un géant américain. « C’est peut-être un raisonnement franco-français, mais on préfère prendre notre temps, on garde la tête froide, on ne se précipite pas pour acheter et on est attentifs à monter une équipe de qualité. Ce sont des activités chronophages mais indispensables pour croître sainement. » La force tranquille.
Deskopolitan : espace et services
Dans son espace de Château d’Eau, en un an, Deskopolitan a hébergé 120 sociétés et 500 membres. Sur trois étages, on y trouve un rez-de-chaussée pour les travailleurs « nomades », sans postes fixes, avec des casiers, un café, différentes assises, une boutique et une conciergerie. Sur la mezzanine, on peut même prendre rendez-vous avec un barbier. Au-dessus, répartis sur deux étages, des bureaux plus « classiques », en open-space ou fermés et des salles de réunion que l’on peut réserver directement à l’accueil – le contact semble être primordial pour les deux fondateurs. La grande verrière du dernier étage est spectaculaire.
« Le nombre de postes au mètre-carré est l’un de nos arguments les plus convaincants, comme les services qui permettent de se débarrasser de ses corvées pendant la semaine et profiter du weekend. » Et les événements ? Nombre d’espaces de coworking parisiens proposent pléthore d’activités qui semblent parfois servir l’image du lieu plus qu’être réellement utiles aux usagers. « Ici, nous n’organisons qu’un afterwork toutes les deux semaines, et un petit-déjeuner de temps en temps, à la demande de nos clients. Alexis Rebiffé poursuit, ce qui fonctionne, ce sont les conférences, les réunions informelles… ». Il n’exclut pas, cependant, dans le futur espace boulevard Voltaire de 6000 m², soit quatre fois plus grand que celui du 10e arrondissement, d’organiser plus d’événements, en fonction des requêtes de ses clients.
Il confie également que les afterworks, pour ceux qui le souhaitent, s’achèvent plutôt dans les bistrots voisins que dans les locaux de Deskopolitan. « Les loisirs, c’est à la maison, en famille ou avec des amis, pas au bureau », le jeune patron nage à contre-courant de la nouvelle tendance qui veut atténuer la frontière entre le travail et le foyer. Ce qui ne l’empêchera pas, dans son second espace à ouvrir en septembre, d’installer une « résidence hôtelière » pour permettre aux travailleurs nomades de passer la nuit sur place, et contrer ainsi la concurrence des hôtels qui proposent des espaces de coworking.
Entre l’hospitalité et la location de bureaux, Alexis Rebiffé en profite pour faire un autre parallèle, concernant l’avenir de son marché. « Les clients, lassés des Hilton et autres grandes chaînes, se sont tournés vers les boutique-hôtels, alternatifs, à taille humaine, sur-mesure… A l’avenir, on observera le même phénomène pour le coworking. » Une répartition naturelle des clients qui n’effraie pas Deskopolitan qui se glisse entre la praticité corporate de Spaces et la conception de jolis espaces façon Kwerk. Un entre-deux qui fait de la jeune firme un acteur à part sur le marché du coworking.
→ www.deskopolitan.com
Lire aussi
Morning Coworking, la bonne recette ?
Mama Works à Lyon : le coworking autrement !
Nextdoor : le coworking sauce Bouygues n’a peur de personne
Kwerk : le poids lourd du coworking s’offre un nouvel espace à Paris
Coworking : un 4e Spaces à Paris, rue Réaumur !
WeWork, la plateforme communautaire pour entrepreneurs qui cartonne