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Coincée entre le parc Montsouris et le boulevard périphérique, la Cité internationale universitaire et ses 34 hectares de verdure abritent tout un lot d’architectures joyaux. Maisons du Brésil, de l’Inde ou du Mexique... Ces résidences étudiantes forment un campus unique au monde dont le succès n’est pas près de s’émousser.
Quoi de plus galvaudée que l’expression « citoyens du monde » ? Pourtant, on la croirait inventée pour ces 5 000 à 6 000 jeunes gens polyglottes, originaires de partout – ici un thésard tunisien, là une postdoctorante danoise, là un plasticien japonais en herbe –, qui célèbrent Thanksgiving ou la prise de la Bastille avec le même entrain et qui peuplent studieusement la Cité U de Paris. Une bulle de 34 hectares d’utopies, nichée dans le sud du 14e arrondissement, où toutes les grandes nations ont érigé qui leur « maison », qui leur « fondation », qui leur « collège », afin de loger leurs ressortissants désireux d’étudier dans la Ville lumière. La Cité universitaire est un campus coquet et disparate, où l’on croisera, pour les plus folkloriques, une drôle de pagode géante (la maison du Japon) ou une barre d’immeubles décorée à la khmère (la maison du Cambodge), mais encore, pour les plus visionnaires, une perle signée Le Corbusier (la Fondation suisse) ou une tour radicale de Claude Parent (l’ex-maison de l’Iran, devenue fondation Avicenne).
Une mini-planète de 40 résidences édifiées entre 1921 et aujourd’hui – la Maison de L’Ile-de-France, la dernière a avoir été construite, a été inaugurée le 19 septembre 2017 – où règnent le savoir et l’échange et qui s’envisage comme un plaidoyer pour la paix. Car cette belle idée d’une Cité universitaire a germé sur les ruines de l’Europe, dans l’entre-deux-guerres. A l’heure des plaies qui se pansent et de la Société des Nations, quel plus beau symbole que ces étudiants de tous les pays qui vivraient et phosphoreraient côte à côte ? D’autant qu’à Paris la pénurie de logements étudiants est criante, tonne André Honnorat, ministre de l’Instruction de l’époque à qui la Cité tenait à cœur, et que les milliers de mètres carrés nécessaires à une telle entreprise sont là, sur cette enceinte de Thiers qui court depuis le e siècle autour de la capitale et que beaucoup voudrait voir à terre. Alors une loi plus tard, votée en 1921, voici lancée la Cité U, poumon de verdure et d’optimisme, prête à remplacer les bastions de la vieille forteresse et à faire de Paris, à nouveau, l’épicentre de l’intelligentsia mondiale.
Cité U : une capacité d’accueil en croissance
La première résidence de la Cité universitaire à voir le jour, pourtant, n’a rien de très international. C’est le mécène Emile Deutsch de la Meurthe, patron alsacien des pétroles Jupiter (futur Shell), qui l’appelle de ses vœux et la finance, partant en croisade contre l’insalubrité des logements étudiants de l’époque. Et si la plupart des bâtiments érigés ensuite se rattachent à des nations précises, on notera çà et là des établissements aux contours moins lisibles, à l’image de la maison des industries agricoles et alimentaires ou de celle des élèves ingénieurs arts et métiers, conférant à la Cité universitaire un petit côté Exposition universelle, un méli-mélo de pavillons porte-drapeaux et d’entités inclassables. Après une période laquelle aucune nouvelle bâtisse ne sort de terre, la Cité universitaire retrouve aujourd’hui une nouvelle vigueur, ripolinant à tout-va ses façades et accueillant bientôt une fondation de la Chine, une maison de la Corée du Sud et un nouveau pavillon tunisien complétant l’existant devenu trop étroit.
La capacité d’accueil de la Cité U, ainsi, devrait s’accroître de 30 % d’ici à 2020. N’allons pas croire qu’habiter ici soit chose aisée, ni que les chambres relèvent du « bon plan » – les loyers avoisinent, à surface égale, ceux de Paris intra-muros. La Cité, fidèle à sa vocation de communauté mondiale des élites, vise exclusivement les bac +4 et plus. Il faudra ensuite, pour séduire la commission d’admission, afficher un cursus impeccable, tandis que les boursiers, critère louable, ont plus de chances d’être admis que les enfants de bonne famille. Une fois dans le saint des saints, les candidats sont répartis dans les maisons correspondant à leur nationalité, même si chaque résidence se doit d’accueillir au moins 30 % d’étudiants d’autres pays. Un ressortissant suisse pourrait très bien emménager dans la maison de la Norvège – et peut-être qu’on le lui souhaite, car la Fondation suisse, de toute beauté, souffrait lors de notre passage d’un vilain dégât des eaux, tandis que ses chambres, orientées plein sud, surchauffent au moindre rayon. Ce micromonde, globalisé avant l’heure, assure encore joliment sa mission : brasser toutes les cultures en bonne intelligence.
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