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Flagship store Louis Vuitton des Champs-Elysées, Paris
Avec ses 1 800 m2, le flagship store des Champs-Élysées est le plus grand magasin Louis Vuitton du monde.
melanie

The Good Business

Rencontre avec Michael Burke, président de Louis Vuitton

The Good Business

Né il y a 163 ans, le malletier de luxe français fusionne toujours étroitement ses créations avec notre monde en pleine accélération. Souvent en avance sur son époque, la marque sait aussi arrêter le temps quand il le faut. C’est le secret de sa survie, selon Michael Burke, président de Louis Vuitton depuis quatre ans. Rencontre et décryptage d’un subtil exercice d’équilibriste.

The Good Life : Comment la maison Louis Vuitton (@louisvuitton) fait‑elle pour rester en phase avec son époque ?
Michael Burke : Il faut garder un équilibre, se remettre en cause, chercher l’excellence, qui peut, parfois, freiner l’innovation. On ne peut avoir l’un sans l’autre et on se réinvente dans le passé. A certains moments, on y voit une contradiction, mais c’est l’expression de notre existence et, en réalité, il n’y a aucune dichotomie, sauf si on ne pense qu’à court terme. A mon sens, il faut rester au contact de ce qui se passe à chaque instant, garder une forme d’humilité qui permet d’oser une dynamique contemporaine. Avec cette approche, la réinvention est obligatoire pour affronter la concurrence du XXIe siècle. C’est à ce prix, parce que notre domaine ne s’est pas limité à la malle de voyage, parce que Louis Vuitton regardait déjà au-delà dès les années 1870, que nous sommes une maison de luxe et un malletier parmi les rares encore existants – au XIXe siècle, il y en avait près de 200.

TGL : Ne craignez‑vous pas que la marque devienne obsolète à l’ère de la high‑tech ?
M. B. : Figurez-vous que je pense qu’Apple peut être considéré comme un concurrent… qualitatif. Il a intégré sa distribution, l’excellence, le design. Nous regardons de près son travail : Apple est très rapide, et pour rester dans ce tempo, qui a beaucoup accéléré, nous ­intégrons cette notion sans remettre en cause notre âme, bien sûr. La différence repose sur la pérennité du produit. Apple a conscience que le problème est l’obsolescence, alors que chez nous, un bagage sera toujours un héritage, mais on partage les mêmes valeurs sur le service extrême, la beauté de l’objet. Nos boutiques sont d’ailleurs très souvent dans le même périmètre.

Après avoir occupé différents postes au sein du groupe LVMH, Michael Burke a été nommé à la tête de la maison Louis Vuitton en 2012.
Après avoir occupé différents postes au sein du groupe LVMH, Michael Burke a été nommé à la tête de la maison Louis Vuitton en 2012. DR

TGL : Les gens sont de plus en plus mobiles. Comment s’adapter ?
M. B. : Il y a 160 ans, une personne pouvait se déplacer avec 30 malles qui partaient à destination avant elle ! Tout s’est accéléré et s’est miniaturisé également. C’est un mouvement sociologique profond à accompagner. Si aujourd’hui on voyage moins avec des malles, beaucoup de gens en rêvent. Ainsi, lors de notre dernier défilé, un petit objet exceptionnel a été dévoilé : l’Eye-Trunk. Nicolas Ghesquière (@nicolasghesquiere) a créé cet accessoire malletier en modèle réduit afin de protéger l’i‑Phone. C’est tout à fait dans l’esprit Louis Vuitton, pile dans la lignée de ses premières malles imperméables ou à clé inviolables. On perpétue cette modernité dans le voyage d’aujourd’hui, où chacun peut presque se déplacer uniquement avec son téléphone.

TGL : Marc Newson a créé la malle Louis Vuitton du XXIe siècle. Comment cette collaboration avec cette star du design s’est‑elle passée ?
M. B. : Marc Newson est vraiment un génie [absolument ! NDLR]. Nous nous sommes assis autour d’une table et avons discuté de la manière dont on vit, de nos besoins, en faisant une liste himalayenne de « je-n’aime-pas » ! Il s’agit de chercher des solutions à des frustrations. Ensuite, on a élaboré un objet radicalement nouveau, basé sur la légèreté. Le bagage Horizon est un clin d’œil aux malles carrées, angulaires, peu propices à se transformer en malles modernes. Selon nos critères, une coque est assez laide, mais idéale pour résister aux chocs. On tenait, bien sûr, à un objet design, et ces coques allaient forcément nous créer un problème, aussi avons-nous réfléchi à des formes organiques qui puissent s’empiler. Pour répondre aux critères d’un bagage-cabine, la solution est passée par le matériau et par le poids. Nos discussions ont également révélé que la canne centrale des valises empêche d’emballer correctement le linge. Marc Newson a donc décidé de la sortir de la malle, ce qui a finalement nécessité deux ans de recherche.

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