Horlogerie
Reprise par LVMH en 1999, Zenith a réussi à solidement s’installer entre les deux autres marques horlogères du groupe de luxe : TAG Heuer la sportive et Hublot l’exubérante. Le bon compromis.
En horlogerie comme ailleurs, la valeur n’attend pas le nombre des années. Georges Favre-Jacot n’a que 22 ans lorsqu’il se lance dans la fabrication de montres. Nous sommes en 1865, au Locle, une petite ville suisse située à une poignée de kilomètres de La Chaux-de-Fonds, aujourd’hui capitale mondiale de l’horlogerie. Ce jeune Helvète nomme son atelier la Fabrique des Billodes, du nom du quartier où il est installé. Visionnaire, il va édifier l’une des maisons horlogères les plus modernes de la région en optant, dès ses débuts, pour une verticalisation de la production. Il prend en exemple la Waltham Watch Company américaine, entreprise horlogère qui regroupe sous un même toit tout le processus de fabrication d’une montre. La firme est donc l’une des premières maisons suisses à s’inscrire sur le modèle des manufactures que nous connaissons aujourd’hui.
En 1911, l’horloger passe la main à James Favre, son neveu, qui a l’idée du nom Zenith, à connotation astronomique. Une étoile est née. Fait rare, le siège et les locaux de l’enseigne se trouvent toujours au même endroit. Les bâtiments historiques sont encore en activité. A l’époque, le fondateur souhaite disposer d’un outil de production dernier cri. Il fait donc ériger des ateliers vastes et lumineux, parmi les premiers à être éclairés à l’électricité. Par la suite, chaque époque a vu s’ajouter une pierre à l’édifice global. « Le dernier bâtiment construit date des années 70. Il sera sous peu réaménagé de façon plus moderne », se félicite Julien Tornare, le nouveau CEO de Zenith. Le site se compose aujourd’hui d’un ensemble impressionnant de dix-huit édifices, reliés entre eux par des passerelles aériennes. Le complexe crée une sorte de dédale industriel classé monument historique en Suisse. A son apogée, dans les années 30, la manufacture du Locle a accueilli jusqu’à 1 000 collaborateurs. Ils sont 215 aujourd’hui.
Gros temps sur la manufacture
Jusqu’aux débuts des années 70, la mécanique Zenith fonctionne à plein régime. En 1969, l’enseigne marque encore des points, grâce à la sortie de son mouvement El Primero, premier chronographe suisse à remontage automatique. Cette mécanique, aussi précise que fiable et solide, fait un tabac et devient un véritable mythe horloger. Tout se dérègle avec le déferlement de la vague du quartz. En 1971, un groupe américain d’électronique homonyme, Zenith Radio Corporation, s’empare de la maison horlogère, restée jusque-là indépendante. Débute alors, au Locle, la production de montres à quartz. Quatre ans plus tard, la nouvelle direction décide tout bonnement de cesser la fabrication des mouvements mécaniques historiques.
Dates clés
• 1865 : à 22 ans, Georges Favre‑Jacot lance la fabrication de montres, au Locle.
• 1911 : son neveu, James Favre, prend les commandes. Il en profite pour rebaptiser l’entreprise Zenith.
• 1969 : lancement du mouvement El Primero.
• 1975 : Zenith opte pour la seule fabrication de montres à quartz.
• 1999 : rachat par le groupe LVMH. La manufacture rejoint TAG Heuer et Hublot.
• 2017 : Julien Tornare est nommé CEO.
Charles Vermot, chef d’atelier, ne l’entend pas de cette oreille et se rebelle… en toute discrétion. Il regroupe, pour les sauver, les plans, pièces et autres outils des calibres maison jugés obsolètes. Il les dissimule dans le grenier de l’un des bâtiments de la manufacture et ira jusqu’à condamner l’accès à cette vaste pièce sous les toits. Dans les années 80, une nouvelle direction prend les commandes. Elle exprime la volonté de relancer la fabrication des mouvements horlogers historiques. En 1984, l’employé visionnaire rend les outillages et les plans sauvegardés par ses soins. L’ensemble permet un redémarrage rapide de la production, notamment celle du chronographe El Primero. Zenith peut ainsi honorer une commande importante que lui passe Rolex, ce dernier souhaitant utiliser ce mouvement pour motoriser son chronographe Daytona Automatique.
Intégrée à la branche horlogère de LVMH
Après cette période quelque peu chaotique, la marque reprend des forces et intègre, en 1999, le pôle horloger du groupe LVMH. La marque s’installe entre TAG Heuer et Hublot, les autres enseignes de la branche. En 2017, elle est placée sous la direction de l’emblématique Jean-Claude Biver, génie du marketing horloger, qui compte déjà à son actif le sauvetage de Blancpain et la relance d’Omega et de Hublot. Des synergies s’engagent alors et se poursuivent encore aujourd’hui. Zenith travaille à retrouver son statut de manufacture horlogère historique. Sur le site sont à nouveau représentés l’ensemble des 80 métiers qui permettent de fabriquer une montre. Le campus comprend également une fonderie et un laminoir. Cela permet de réaliser sur place la quasi-intégralité des boîtiers et des cadrans. Les fondements de l’entreprise apparaissent à nouveau solides.
Retour en force du design
La manufacture a toujours soigné le design de ces produits. Signe de cet attrait pour le style, l’architecte Alphonse Laverrière sera son directeur artistique de 1917 à 1926 – on lui doit, notamment, la tour Bel-Air Métropole, à Lausanne. Zenith a repris le chemin du style. « Nous avons connu une période un peu ennuyeuse, reconnaît sincèrement Julien Tornare. Mais nous avons entamé un repositionnement design très intéressant avec un start-up spirit. » La marque a amorcé, en 2015, un rapprochement créatif avec le constructeur automobile britannique Range Rover : la gamme Defy Classic Range Rover s’inspire ainsi de cette so chic icône sur pneus. Un changement de méthode a par ailleurs été décidé : « Nous réfléchissons à nous engager auprès d’un ambassadeur comme le font de nombreuses manufactures », explique le CEO. Zenith semble à nouveau prête à rouler sur la route du succès.
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