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Yao Lu.
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The Good Business

Yao Lu, Mister cocktail

The Good Business

A l’Union Trading Company, point de gilets noirs, de chemises blanches, de cravates, de nœuds papillons ou de bretelles. En fait, rien de ce qui fait la panoplie habituelle des barmans qui officient dans la plupart des bons bars à cocktails de Shanghai. Né à Dallas de parents chinois, Yao Lu a choisi d’ouvrir, en 2014, ce bar à l’occidentale, axé sur un service informel et relax. Sans se prendre au sérieux, il réalise très sérieusement ses mélanges alcoolisés.

Avec son large sourire, son débit rapide mâtiné d’une pointe d’accent du sud des Etats-Unis, Yao Lu (@yaozzer) apporte à Shanghai un vent de fraîcheur à un secteur influencé par le style japonais. Des lieux à l’ambiance feutrée, où la communication entre le barman et le client est souvent limitée, et où l’élaboration du cocktail suit un protocole millimétré et rigide : la fabrication et la taille des glaçons, la préparation des verres, le timing, la gestuelle, tout est d’une précision quasi robotique. Lui a grandi à Dallas et a commencé sa carrière de barman à Houston, alors qu’il était étudiant. Il rencontre, à l’Anvil Bar & Refuge, celui qui deviendra son mentor et décide, après quatre ans passés derrière le comptoir, de partir à Shanghai, ville d’origine de sa famille où il a vécu de 10 à 14 ans. « J’ai toujours suivi ce qui se passait ici. Et comme cela s’est produit il y a dix ou quinze ans aux Etats-Unis, les gens ont commencé à se questionner sur ce qu’ils mangeaient au restaurant, d’où cela provenait et comment c’était préparé. Et, naturellement, ils ont aussi voulu savoir ce qu’ils buvaient. Je me suis dit que quelque chose de cool était en train de se passer, et j’ai décidé de venir. »

On est en 2011. Yao Lu trouve une place chez The Alchemist, un gastro-bar ouvert par Kelley Lee, reine du segment Food & Beverage à Shanghai. C’est alors l’un des rares bars de style occidental. « Kelley m’a aidé à comprendre comment fonctionne Shanghai, comment y faire du business. Ça m’a ouvert les yeux et les portes. Tout cela était relativement nouveau, mais nous avions tous le même but : montrer quelque chose de différent et élever le niveau. Il y a un réel esprit de communauté parmi nous, on se refile les adresses, on se soutient. » Néanmoins, les affaires tournent vite à Shanghai et, deux ans après son ouverture, The Alchemist ferme. Yao Lu travaille alors comme consultant et, à force d’aider les autres à ouvrir leur bar, vient inévitablement le moment où il désire avoir le sien. Il trouve le parfait partenaire : le chef new-yorkais Austin Hu, passé par les cuisines du Gramercy Tavern et qui avait ouvert à Shanghai le restaurant Madison. Ils s’installent dans le quartier de l’ancienne concession française, dans un coin un peu bohème, où se mêlent les étudiants de l’université de musique voisine, des résidents de la classe moyenne et des expatriés. L’Union Trading Company (@uniontradingco) veut être avant tout un bar de quartier, sans chichis, sans déco, où l’on est accueilli avec un hug, où l’on parle fort, où l’on s’amuse et où l’on plaisante avec le staff. Pourtant, sa réputation dépasse aujourd’hui largement les frontières du quartier, et même de la ville. On y vient pour l’ambiance, mais avant tout pour la carte des cocktails : le Witchy Woman (Campari, rhum, orgeat, orange et citron vert), le Dead Man’s Gun (scotch, miel, vermouth et Bénédictine) vieilli en fût, et une belle section de saisonniers qui jouent avec les fruits et herbes du moment, kumquat, citronnelle, basilic… Et si cela ne vous suffit pas, la carte compte aussi une centaine de classiques.

Reflet d’un changement culturel
« Les goûts des Chinois ? Ils aiment être épatés par des éléments de surprise et un peu de mise en scène. Les Occidentaux sont plus audacieux dans leurs choix, ils iront vers des goûts plus puissants, de l’amertume, des notes herbacées. Il y a toujours, dans notre carte, deux ou trois drinks qui plairont au plus grand nombre, et d’autres moins consensuels, plus acides ou fumés. Du côté des spiritueux, il est rare qu’on utilise des produits typiquement chinois comme le Baijiu [une eau-de-vie de céréales, NDLR], qui est difficile, avec un goût très persistant. En revanche, il m’arrive d’utiliser du Huangjiu [un vin de riz, NDLR], qui peut se substituer à un cherry, dans un cobbler, par exemple. » En 2014, lorsque Yao Lu a ouvert son bar, quinze autres sont apparus en même temps. Le secteur du cocktail explose et, même s’il se renouvelle rapidement, il est le reflet d’un changement culturel autant du côté des clients que des barmans. « Les gens ont plus de moyens, beaucoup ont voyagé et sont éduqués. La présence de la cuisine et des boissons sur les médias sociaux y est aussi pour quelque chose. Quant à mon staff, il est constitué pour la plupart de Chinois. Je dois comprendre leurs motivations, pourquoi ils sont ici. Beaucoup sont très ambitieux et ont l’esprit d’entrepreneuriat. Ils veulent tous ouvrir ou diriger un bar, devenir des personnalités de cette industrie. Je les forme comme j’ai été formé, pas seulement comme de simples barmans, mais aussi comme des managers. Le jour où ils ouvriront leur propre bar, ils sauront quoi faire. »

Union Trading Company
64 Fenyang Lu (entrée sur Fuxing Zhong Lu).

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