The Good Life : Qu’est-ce qui pousse un champion de la déco, couronné de succès, à s’aventurer dans la mode et le luxe ?
Xavier Marie : Lorsque j’ai quitté Maisons du Monde, j’étais riche, encore jeune, et totalement libre de toute entrave, de toute responsabilité. Aucun projet, si ce n’est celui de prendre une année sabbatique. Mais au bout de quelques semaines, je m’ennuyais ferme. Une puissante envie d’entreprendre me tenaillait à nouveau. Mais que faire ? Mon unique compétence, c’est de développer des entreprises. J’en avais terminé avec la déco et je voulais savoir si j’étais capable de repartir de zéro. Et là, je suis tombé sur Bonton. La petite boîte et son concept de lifestyle pour l’enfant m’ont séduit. Les fondateurs aussi. Alors je l’ai rachetée.
TGL : Ce virage mode est le fruit du hasard ?
X. M. : Je ne connaissais rien à la mode pour enfant. Mais j’étais convaincu du potentiel de la griffe. Bonton a tout de suite progressé. D’où mon envie d’investir dans le prêt- à-porter haut de gamme.
TGL : No Name, Free Lance, Paule Ka, trois marques rachetées en 2017. Puis, l’année suivante, Bompard. Une vraie fringale…
X. M. : Ces marques françaises ont trois points communs : un positionnement haut de gamme, un besoin de transformation, un projet de développement à l’international. Mais à chaque société sa problématique, 1 sa vision, et donc son développement. Ne rien connaître à la mode me permet de poser sur elle un regard neuf. J’observe, j’avance prudemment, je définis une stratégie qui s’affinera au fil des ans.
TGL : Et qu’avez-vous constaté en découvrant cette planète mode ?
X. M. : Ces dernières années, la mode s’est restructurée, avec, d’un côté, de grands groupes de luxe, et de l’autre, un luxe plus accessible proposé par Sandro, Maje, The Kooples, Bash… C’est un univers dont je dois apprendre les codes, pour faire émerger, dans la suroffre mondiale, des marques de chaussures – No Name, Free Lance –, et aussi Bompard. L’exercice le plus difficile de ma vie d’entrepreneur.
TGL : Avez-vous l’intention de rééditer, dans la mode, cette tornade novatrice que fut Maisons du Monde ?
X. M. : Avec Maisons du Monde, j’ai bâti un modèle économique différent, un concept de « fast déco ». Mais le cas MDM n’est pas transposable à des marques comme Free Lance et No Name qui ont une clientèle fidèle, et qu’on ne peut dynamiser et internationaliser que par une mue subtile.
TGL : Comment avez-vous abordé Paule Ka, en pleine déroute lorsque vous l’avez reprise ?
X. M. : Paule Ka était au fond du gouffre à la suite d’un changement de style auquel les clientes n’avaient pas adhéré, mais elle pouvait renaître en retrouvant son ADN. J’ai rencontré le fondateur Serge Cajfinger, un homme formidable qui est revenu diriger la création en attendant la nomination d’un directeur artistique. A l’issue de la première collection, le chiffre a bondi de 30 %. Et je viens de recruter Maxime Simoëns (ancien de chez Azzaro) comme directeur artistique. Notre ambition est d’attirer de plus jeunes fans tout en gardant notre clientèle historique.
TGL : Qu’en est-il de Bompard ? Son image de cachemire de luxe peut‑elle évoluer ?
X. M. : Bompard est un cas à part. C’est une marque florissante, et je n’ai donc en aucun cas « sauvé » Bompard. Mais cette pépite française du cachemire arrive au bout de son modèle. L’enjeu de ce rachat, c’est de parier sur l’internationalisation de cette enseigne majoritairement française, et de la faire évoluer de marque 100 % intemporelle en griffe de mode. Mon ambition est d’en faire la plus belle marque de maille du monde. Il faut placer le curseur très haut.