Culture
Cent-soixante clichés de Willy Ronis, le maître à penser de la photographie humaniste, seront mis en vente le 13 décembre prochain chez Artcurial. Stéphane Kovalsky, héritier et petit-fils du célèbre photographe, revient sur les coulisses de ces photos mythiques.
The Good Life : Vous avez hérité d’une part réservataire sur 6000 œuvres de Willy Ronis. Pourquoi avoir choisi de les mettre en vente ?
Stéphane Kovalsky : La dernière fois que les médias ont mentionné le travail de l’artiste, c’était à sa mort en 2009. J’ai eu envie de remettre ses œuvres sur le devant de la scène et de le faire redécouvrir. Les photos mises en vente sont tirées en plusieurs exemplaires, cela me permet d’en garder quelques-unes dans ma collection personnelle.
TGL : Willy Ronis avait le don de prendre sur le vif la beauté du quotidien. Une joie de vivre émane de ces clichés, sont-ils à l’image du photographe ?
S. K : Mon grand-père était un homme réservé et entier. On ne peut pas dire qu’il débordait de bonne humeur car il n’exprimait pas ses sentiments de manière spontanée, mais pouvait néanmoins pleurer en écoutant un morceau de musique. Perfectionniste de nature, il ne laissait jamais rien au hasard. Il avait le goût des choses bien faites et prenait son travail de photographe très au sérieux.
TGL : Un détail révélateur ?
S. K : Dès mon plus jeune âge, je me souviens que nous arpentions ensemble les rues de Paris, à la recherche de la bonne photo à prendre. Il me répétait souvent de prêter attention aux pieds des passants. Quand on regarde les personnages de ses photographies, on pourrait presque croire qu’ils sont en apesanteur. Leur pas est léger et naturel. C’était l’un de ses grands secrets : être suffisamment discret pour avoir l’occasion de capturer « la légèreté d’un instant ».
TGL : Parmi les photographies mises en vente, quelles-sont les plus emblématiques selon vous ?
S. K : J’ai découvert « Quai de la Mégisserie » assez tard. J’apprécie beaucoup cette photo, car l’on a envie d’être cet homme aux faux airs de Michel Simon, qui profite, assoupi, de la chaleur du soleil.
Willy Ronis a pris énormément de photos portraits en plongée afin de saisir différents événements ayant lieu au même instant. Sur « L’Île Brise-Pain sur la Marne depuis le pont de Créteil », on aperçoit un long chemin bordé de personnes s’exerçant à différentes activités. La photo a été prise au bon moment, car l’homme au premier plan se démarque de la végétation.
TGL : En citant « Avenue de Simon Bolivar », votre grand-père parlait d’une photo « pleine d’histoires » …
S. K : Je ne me lasserai jamais de la vue plongeante de cette photo, où chaque personne mène à bien son activité dans un joli contre-jour. On peut repérer un attelage qui n’avait déjà plus sa place dans les années 50, des femmes qui promènent leurs enfants dans des poussettes, un ouvrier qui répare les feux tricolores, et puis le petit cordonnier qui parle avec son client. Willy Ronis a découvert 50 ans plus tard un chat noir. On l’avait alors rebaptisé entre nous « Le chat Bolivar ».
Vente aux enchères Willy Ronis par Artcurial.
Le 13 décembre 2016 à 19 heures à l’Hôtel Marcel Dassault, 7 rond-point des Champs-Élysées, Paris.
Et encore...
En 2005, Willy Ronis commentait ses plus fameuses photos à l’Agence France-Presse :