The Good Business
Qu’elles soient installées dans l’archipel des Hébrides, à l’ouest de l’Ecosse, ou dans les Orcades, tout au Nord, les distilleries des îles produisent quelques-uns des malts les plus réputés. Un condensé de richesses aromatiques et de caractère marin.
En Écosse, peut-être encore plus qu’ailleurs, les légendes sont vivaces. L’une d’elles raconte que ce sont des moines irlandais du XIe siècle qui auraient apporté dans leurs bagages l’art de la distillation, la plus orientale des îles écossaises, Islay, se situant à quelques kilomètres seulement de l’Irlande. Il paraît même qu’on peut en apercevoir les côtes les jours de grand beau temps…
Plus raisonnablement, la distillation est apparue à Islay au XIIIe siècle, avec l’arrivée de la famille MacBeatha, avant de se répandre progressivement dans le reste de l’Écosse. La petite île est ainsi devenue le pivot de la distillation, et des écrits en font remonter l’origine au XVe siècle. Mais c’était alors un breuvage bien différent de celui qu’on connaît aujourd’hui.
Élaboré avec différentes céréales, adouci au miel et aromatisé aux herbes, il aurait également été fumé. Car c’est là l’une des distinctions de la plupart des whiskys d’Islay : l’usage de la tourbe, et un caractère marin, indissociable de la géographie et de l’implantation en bord de mer. « Avec ses huit distilleries [bientôt neuf, NDLR], Islay est certainement le paradis du malt », déclare Martine Nouet dans son premier guide des whiskys qui vient de paraître chez Hachette. Et « l’île de Jura, avec son unique distillerie, est incluse dans la “région” Islay, même si son caractère insulaire est plus discret ». Il faut dire qu’avec une seule route et un seul village, dont la distillerie est le cœur, l’île est aussi un paradis pour les amateurs de nature sauvage. Ici, seuls 200 habitants vivent à l’année avec quelque… 5 000 cerfs !
Voyage olfactif
Il serait cependant réducteur de ne parler que d’Islay et de Jura, alors que d’autres îles écossaises abritent également des distilleries réputées. Mull, Skye, Lewis et Arran, dans l’archipel des Hébrides, à l’ouest, et même les lointaines Orcades, tout au nord de l’Écosse, produisent des whiskys.
Au XVIIIe siècle, lors des Highland Clearances, l’expulsion des Écossais mit un terme à l’activité de la plupart des distilleries fermières – les 157 distillateurs clandestins arrêtés sur la seule île de Tiree furent, pour la plupart, déportés de force –, mais fut aussi à l’origine de sites de production plus importants, comme Talisker et Tobermory. Finalement, le rythme de la vie insulaire convient bien au whisky. Comme l’écrit Dave Broom dans son Atlas mondial du whisky : « Les whiskys produits sur les marges des côtes occidentales, bien que de nature généreuse, ont quelque chose de l’intransigeance qui caractérise leur environnement. Les whiskys des îles, dont les arômes semblent émaner des paysages qui les ont vus naître, ont en général résisté aux exigences du marché. Ils sont tels qu’en eux-mêmes. A prendre ou à laisser. »
Et, visiblement, les consommateurs apprécient leurs caractéristiques. « Les clients veulent se confronter à cette odeur si particulière. C’est déjà pour eux un voyage olfactif, note Virginie Morvan, responsable des achats chez le caviste Lavinia. Certains ferment les yeux, et les plus avertis tentent de situer leur provenance sur la carte. Ils recherchent les îles, car c’est un trait caractéristique de cette partie de l’Ecosse. » Une nouvelle forme de snobisme ? « Si ce n’était que cela, les grands malts, notamment ceux d’Islay, ne seraient pas aussi encensés, insiste Martine Nouet. Ils possèdent une palette aromatique peu commune et, surtout, véhiculent tout l’imaginaire de l’Ecosse. »