Fashion
The Good Look
Hier équipement pour braver le froid en montagne, ce blouson droit, douillet et confortable est devenu un indispensable du dressing au sortir des confinements successifs de 2020.
Impossible que le succès de la veste polaire Retro-X de Patagonia vous ait échappé : on la voit absolument partout ! En tissu moutonneux comme les peluches de notre enfance, une poche en toile contrastée cousue sur la poitrine, l’étiquette avec, en toutes lettres, le nom de la marque américaine plaquée sur le dessus comme un sceau d’authentification… ce vêtement cumule les détails extérieurs de style pour se faire remarquer. Et devenir un produit phare, un phénomène de mode en ville.
À lire aussi : Millet est de retour sur le marché de l’alpinisme
Bien sûr, Patagonia, qui ne jure que par les activités de plein air, s’en défend. La firme californienne refuse même de répondre à toute interview sur le sujet, considérant que devenir tendance sur le macadam est contraire à ses valeurs.
Et puis elle ajoute que son modèle star n’est pas sa dernière nouveauté – la Retro X a été lancée en 1993 –, qu’il existe une multitude d’autres versions dans des tissus moins épais ou plus techniques, avec ou sans manches et, last but not least, que ce modèle-là est composé de polyester recyclé à hauteur de seulement 85 %, alors que l’entreprise s’est engagée à ce que tous ses produits utilisent 100 % de matériaux recyclés d’ici à l’année prochaine.
Des clients qui en parlent le mieux
« La veste de Patagonia est la polaire par excellence, observe Aymeric de Rorthays, copropriétaire des magasins Au Vieux Campeur, qui ont été les premiers revendeurs de la marque américaine sur le sol français, au début des années 90. Elle a commencé à devenir à la mode en 2018. Puis pléthore de marques de mode et d’outdoor ont édité des modèles très ressemblants. »
Les Américains considèrent aujourd’hui ce type de blouson droit zippé comme « la » pièce emblématique de la tendance « gorpcore », courant vestimentaire détournant les tenues de haute montagne à la ville, dont les quatre premières lettres de l’appellation sont l’acronyme de « good old raisins and peanuts » (de bons vieux raisins secs et cacahuètes), en-cas préféré des randonneurs outre- Atlantique.
« Cette poussée de la veste polaire est également liée à la vulgarisation du streetwear à la fin des années 2010, ajoute Frédéric Granger, le directeur des achats du magasin Citadium, à Paris. À l’époque, c’est la mode des total looks en molleton et, tout à coup, survient le Covid et ses confinements à répétition. On ne s’habille plus pour sortir, s’aérer l’esprit et se dégourdir les jambes pendant quelques minutes. Le port des tenues dedans/dehors se multiplie, et cette veste polaire s’avère adaptée à un port à l’intérieur comme à l’extérieur de chez soi. »
Un produit basique devenu trendy
Pierre-Henri Mattout, qui a dessiné la ligne outdoor de Victorinox pour le marché américain, au début des années 2010, se souvient qu’il n’en proposait pas dans ses collections, car elle était alors considérée comme « une couche intermédiaire, un produit basique » que les randonneurs achetaient à bas prix.
« Plus récemment, lorsque le style rando a commencé à être réinterprété par de jeunes créateurs et que Patagonia a remis en lumière ses modèles historiques, plusieurs fabricants de matières techniques ont mis au point des tissus polaires beaucoup plus haut de gamme. Si bien qu’on a vu des réinterprétations de cette veste jusque dans les collections des griffes de luxe. » Nous sommes alors à la sortie des confinements. Tout le monde veut renouer avec la nature, aspire à vivre au grand air. La tendance gorpcore est à son acmé.
« Avant, la veste polaire était portée par les randonneurs et une clientèle mature, reprend Frédéric Granger. Tout à coup, c’est devenu un produit transgénérationnel, à la mode, et toutes les marques, depuis les enseignes de fast fashion jusqu’aux griffes de luxe, se sont mises à en proposer dans leurs collections, dans des gammes de prix très variées. Puis, forcément, la tendance est passée. L’offre s’est alors recentrée sur des modèles présentant une véritable technicité. »
Il poursuit : « Cependant, les ventes ne sont pas retombées pas, car ce produit a intégré le vestiaire de tout-un-chacun. En fait, il s’est produit le même phénomène qu’avec les baskets. Avant, certaines personnes n’en portaient jamais. Puis elles ont découvert leur confort sous la pression de la tendance et y ont pris goût, et, aujourd’hui, elles les considèrent comme de véritables chaussures. Eh bien, la veste polaire, c’est exactement la même chose. C’est un vêtement douillet, confortable, multi-usage… Alors pourquoi faudrait-il s’en passer ? » Un doudou, en somme.
À lire aussi : La nouvelle collection écolo-stylée de Patagonia, en matériaux recyclés