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Vue aérienne de l’observatoire de Paranal, avec ses dix télescopes et sa salle de contrôle.
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Very Large Telescope : pour voir au plus loin

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Du haut du mont Paranal, à 2 635 mètres d’altitude, le plus grand observatoire du monde domine l’immensité minérale de l’Atacama, au Chili, le désert le plus aride du monde. Loin de tout. Chaque nuit, grâce à une couverture nuageuse presque inexistante, ses immenses télescopes tentent de résoudre les mystères de l’univers et de son histoire.

Le long d’une route déserte, sous un soleil aveuglant et un ciel parfaitement bleu, au milieu d’immenses dunes rocailleuses aux tons rouge et gris dignes de la planète Mars, une barrière indique l’entrée du Very Large Telescope (VLT), le plus grand observatoire du monde appartenant à une seule organisation, l’European Southern Observatory (ESO), l’observatoire austral européen. Sur le sommet sabré de la montagne qui domine scintillent de petits immeubles argentés complètement hermétiques, les télescopes de 8,2 m de diamètre du VLT, parmi les plus grands du monde. C’est sur le mont Paranal, à 1 200 km au nord de la capitale Santiago et à 100 km de la première ville, Taltal, qu’une centaine de personnes travaillent nuit et jour, sans pause ni relâche, pour que les immenses yeux des télescopes puissent scruter l’univers. « L’astronomie sert à essayer de comprendre dans quel monde nous vivons, explique l’astronome Julien Girard. Le ciel est comme une bibliothèque. Il y a des objets à différents stades d’évolution et, donc, observer ces objets, c’est un peu comme prendre des livres sur différentes périodes historiques. Nous tentons de reconstituer le fil de l’histoire, façon puzzle. » Une étude qu’ils mènent dès le coucher du soleil jusqu’aux premières lueurs du jour, tous les jours de l’année. « Ici, il n’y a ni jour férié ni dimanche », sourit ce spécialiste des planètes situées en dehors de notre système solaire, les « exoplanètes ».

Les télescopes de l’ESO s’enorgueillissent de la découverte de nombreuses exoplanètes, de la plus petite à celle de masse la plus infime.
Les télescopes de l’ESO s’enorgueillissent de la découverte de nombreuses exoplanètes, de la plus petite à celle de masse la plus infime. Iztok Boncina

Les télescopes ne sont fermés la nuit qu’en cas de catastrophe naturelle, de pluie, de gros vent, ou de panne technique importante. Le taux de disponibilité du VLT est l’un des plus élevés du monde. « Nous ne pouvons nous permettre de perdre même une minute d’obscurité, reprend le responsable de la salle de contrôle de 36 ans. Tous les six mois, les astronomes du monde entier font des demandes de temps d’observation. Nous recevons en moyenne 2 000 demandes, ce qui correspond à cinq fois plus de temps que ce dont nous disposons. » Pas le droit à l’erreur, donc, d’autant qu’ici, le temps, c’est littéralement de l’argent. « Chaque seconde qui passe est un euro dépensé par un contribuable d’un pays membre, souligne-t-il. Ça donne une idée de l’obligation de résultat qui prévaut ici. »

En chiffres

  • L’observatoire de Paranal compte quatre télescopes de 8,2 m de diamètre, un autre de 4 m, un de 2,5 m et quatre petits d’1,8 m. Les instruments installés sur les plus gros télescopes sont au nombre de 17.
  • L’ESO est formé de 14 Etats membres (par ordre de contribution) : Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pays-Bas, Suisse, Suède, Belgique, Autriche, Danemark, Finlande, Portugal, République tchèque. Le Chili en est l’hôte. Le Brésil et la Pologne sont en cours d’intégration.
  • L’utilisation de l’observatoire de Paranal coûte environ 200 000 € la nuit.
  • L’ESO est l’observatoire terrestre le plus productif du monde : à partir de ses données, 864 articles ont été publiés dans des revues spécialisées en 2014. 65 % d’entre eux l’ont été à partir de données réalisées à Paranal.

Quantum of Solace

C’est pourquoi une quarantaine d’ingénieurs travaillent constamment sur le site, un biper à portée de main 24 heures sur 24. Leur mission ? Faire en sorte, dans l’isolement total où se trouve l’observatoire, de réparer dix prototypes uniques au monde et à la pointe de la technologie durant le jour, afin qu’ils puissent fonctionner la nuit, coûte que coûte. « Notre défi est double, explique le chef des ingénieurs Maxime Boccas. Il s’agit à la fois de faire face aux problèmes d’obsolescence et de vieillissement d’instruments qui ont parfois une quinzaine d’années et à la fois de s’adapter aux nouveaux instruments qui viennent d’arriver. » Le dernier installé, Sphere, prend en photo les exoplanètes… Une modernisation indispensable pour rester compétitif face aux Gran Telescopio Canarias, Large Binocular Telescope ou les jumeaux Gemini. « Personne ne vit ici, explique Laura Ventura, chargée de communication de l’ESO. Les conditions sont bien trop extrêmes. » Les ingénieurs travaillent en 8/6 : 8 jours de travail à Paranal, 6 jours de repos chez eux. Quant aux astronomes, cela dépend de leur niveau de responsabilité. « Je suis en poste à l’ESO depuis six ans, souligne Julien, et j’ai déjà passé deux ans à Paranal. Un tiers de mon temps… C’est un gros sacrifice familial, mais mon travail est passionnant. » Au pied du mont Paranal, à 2 400 mètres d’altitude environ, un bâtiment a été construit dans une dépression naturelle, invisible depuis la route, c’est l’hôtel du VLT. Son architecture a remporté plusieurs prix, attirant même les caméras de James Bond pour le tournage de Quantum of Solace. Passé la porte, une rampe d’accès descend en tournant autour d’un jardin tropical et finit par une piscine. Salle de musique, billard, Baby-Foot, casino, tout est fait pour que les travailleurs du site puissent se reposer et profiter de leur temps libre. À l’extérieur, un immense hangar abrite la salle multisport, qui comprend court de tennis, mur d’escalade, sac de frappe pour la boxe… « Il est déconseillé d’aller se promener autour du site, car il est très facile de se perdre, nous explique Laura. Il n’y a donc vraiment rien à faire ici. Tous ces loisirs sont conçus pour ménager la santé mentale des gens. » Et Julien de rebondir : « Ici, c’est un peu comme vivre sur une plate-forme pétrolière ou dans un sous-marin. La vie sociale est limitée, et nous travaillons entre dix et vingt heures par jour. » La passion n’est pas toujours une sinécure. Le seul véritable moment d’échange avec les collègues commence quand les télescopes s’ouvrent, dans le claquement des fenêtres et le bruit des battants de la porte qui glissent silencieusement sur leurs rails, pour pointer vers un ciel incroyablement étoilé. Un ciel qu’on ne voit ainsi nulle part ailleurs.
À quelques mètres de là, sous la plate-forme où sont construits les télescopes, se trouve la salle de contrôle où une dizaine d’astronomes manœuvrent les monstres. Ils ont les yeux rivés ni sur des lunettes, ni sur le ciel, mais sur de multiples écrans d’ordinateur. « Dès que s’ouvrent les télescopes, plus personne n’a le droit d’être sur la plate-forme ou à l’intérieur des ­télescopes. Tout se fait depuis cette salle », souligne Laura, qui chuchote main­tenant, de peur de gêner. Ce soir, comme presque tous les soirs de l’année, de nouvelles découvertes auront peut-être lieu.

Un géant à l’horizon

Depuis Paranal, on voit une autre montagne au sommet aplani, le mont Armazones. C’est là, à 20 km, que l’ESO commencera l’année prochaine la construction du plus grand télescope du monde, l’E-ELT (European Extremely Large Telescope). Il sera plus grand que l’Arc de triomphe, son miroir mesurera 39 mètres de diamètre, presque la moitié d’un terrain de football. Objectif ? Etudier les planètes de type Terre, les premiers objets de l’Univers, les trous noirs supermassifs, la matière noire… Et faire sûrement des découvertes dont on n’a pas idée… Inauguration à l’horizon 2024.

4 questions à Christophe Dumas

Astronome et chef des opérations de l’observatoire Paranal.

The Good Life : Qu’est-ce qui fait de Paranal l’un des meilleurs sites d’observation du monde ?
Christophe Dumas : Le mont Paranal est situé dans le désert d’Atacama, où il y a très peu de précipitations et beaucoup de nuits claires. On peut donc observer presque 100 % des nuits. Et il n’est qu’à 10-15 km de la côte, ce qui permet d’avoir une stabilité de l’atmosphère. A cet endroit, l’océan est, en effet, à température constante grâce à un courant froid venu du pôle Sud. Les nuages stagnent le long de la côte, et n’entrent pas dans les terres. Et nous sommes loin de toute activité humaine, il n’y a donc pas de pollution lumineuse.
TGL : Pourquoi est-ce important ?
C. D. : C’est important pour avoir les images les plus nettes possible. On observe des objets dont la lumière est généralement extrêmement faible, des objets situés très loin dans l’espace ou des objets plus proches de nous, mais très peu lumineux. On a donc besoin d’une obscurité totale et surtout de l’atmosphère terrestre la meilleure possible. Car l’atmosphère déforme les images du ciel du fait de ses turbulences. Et on ne peut malheureusement pas encore envoyer de télescope de 8 mètres dans l’espace…
TGL : Quelle a été la découverte la plus importante réalisée grâce au VLT ?
C. D. : La confirmation de l’existence d’un trou noir massif au centre de notre propre galaxie et la mesure de sa masse !
TGL : Chercher des extraterrestres, est-ce encore de la science-fiction ?
C. D. : Je dirais que oui, mais rechercher des planètes qui pourraient être propices au développement d’une vie extraterrestre n’est déjà plus de la science-fiction. On veut essayer de comprendre quels sont
les conditions et les phénomènes favorables au développement de la vie, qu’elle soit similaire à celle qu’on connaît ou différente.

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