The Good Business
Ils ont misé sur un savoir-faire d’exception qu’ils font briller en France comme à l’étranger. Pour eux, la crise du Covid-19 n’entamera pas l’ascension de leur artisanat bleu, blanc, rouge de haut vol. Rencontre avec trois dirigeants de trois PME emblématiques d’un made in France conquérant.
Après Luc Foin, cofondateur de Deejo, le deuxième épisode de cette série consacrée aux entrepreneurs de l’artisanat de luxe en France met en avant Aymeric Duthoit, Président de Duvivier Canapés.
The Good Life : Dans cette tempête que nous traversons, de quelle manière pouvez-vous redynamiser votre business ?
Aymeric Duthoit : Nous réinvestissons dans le B to C, en nous adressant directement à nos clients, et tout particulièrement sur le marché domestique français. Une application numérique permet de simuler le produit en 3D et de le projeter en réalité augmentée dans le propre intérieur du client ; une visite virtuelle de notre showroom parisien est désormais disponible sur notre site Internet. Par ailleurs, et c’est une première pour la marque, nous avons fait de la pub à la télévision. Et le retour sur investissement est là : notre réseau de distribution France est au même niveau d’activité que l’an dernier, à la même date. Sur ce front, nous avons quasiment effacé l’effet Covid-19.
TGL : Et vous amortissez un peu la chute de l’export, un relais de croissance majeur de l’entreprise…
A. D. : Aujourd’hui, cette conquête étrangère est grippée, on ne voyage plus, nos contacts n’ont plus la même dynamique. L’international représentait 35 à 40 % de notre chiffre d’affaires en 2019, notamment grâce à deux grands projets en Corée du Sud et à Taïwan. Il risque de retomber à 10-15 % en 2020. Le B to B – dont l’hôtellerie et le contract (business dirigé vers les entreprises) –, qui est un autre pôle de développement majeur, est lui aussi en stand by.
TGL : Votre image est-elle aussi valorisée en France qu’à l’étranger ?
A. D. : Notre cible est le très haut de gamme, que l’on pourrait qualifier d’accessible. Et même si, historiquement, notre image d’éditeur de luxe est plus puissante à l’étranger, les choses sont en train de changer. Notre définition du luxe : le chic décontracté. Nos designers, qui font souffler un vent de modernité sur la marque –je pense au canapé Elsa ou au fauteuil Emile–, respectent cette définition et ses exigences. Nous ne raisonnons pas en prix, mais en coût d’usage. Nos canapés sont garantis dix ans, leur longévité est d’une, voire de deux générations.
TGL : L’économie durable semble beaucoup vous inspirer…
A. D. : Tant mieux si cela se sait ! Nos artisans utilisent des produits issus du recyclage, des bois de hêtre massifs non reconstitués et travaillés sans colle. Nous avons également lancé une gamme de textiles recyclés issus de l’industrie de la mode. Nous utilisons un procédé innovant qui consiste à retirer les fils de ces étoffes et à les classer par type de couleur, pour éviter l’usage de colorants. Tout cela à partir d’énergie solaire et en consommant très peu d’eau. Une avancée dont nous sommes fiers.
TGL : Le Mittelstand allemand –ces PME bavaroises haut de gamme qui font rimer ancrage régional avec impact mondial– vous semble-t-il déclinable en France ?
A. D. : En tout cas, cela nous concerne directement. Nombre d’entreprises françaises revendiquent une appartenance régionale dans un marché mondialisé. Et puis, il y a cette volonté du client qui vit à l’autre bout de la planète d’accéder à des produits d’exception. Alors oui, on peut être régional et mondial.
TGL : Mais c’est quand même plus facile, pour un artisan bottier italien, de revendiquer sa région des Marches, ou la vallée de Joux pour un horloger suisse…
A. D. : On essaie de faire connaître le terroir de notre fabrication 100 % française. Nous communiquons sur nos sites de production, à Lussac-les-Châteaux pour l’ébénisterie, et Usson-du-Poitou pour la sellerie, tous deux situés au sud de Poitiers. Nous mettons aussi en lumière la tannerie Rémy Carriat, réputée pour la profondeur et le toucher unique de ses cuirs, et située dans le sud-ouest de la France, à Espelette.
TGL : L’artisanat français peut-il devenir une valeur montante ?
A. D. : Face aux profonds changements de société, le mode économique artisanal offre une excellente réponse. Les produits hyperindustrialisés n’ont pas un avenir rose. Faire de belles choses de ses mains, c’est gratifiant par rapport au fait d’être un numéro dans un grand groupe. En France, on a poussé nos jeunes à s’orienter vers des métiers uniquement intellectuels. Un rééquilibrage est en cours, et je suis optimiste pour l’avenir. L’artisanat privilégie la qualité et fait primer l’humain sur la machine. Il nous démarque du consumérisme.
Canapés Duvivier
• 68 employés.
• Aymeric Duthoit est aux commandes de cette entreprise du patrimoine vivant (EPV) qu’il a rachetée en 2016.
• Ambition : faire connaître la démarche en faveur du développement durable de l’entreprise, qui recycle les bois issus de l’industrie nautique.
• Stratégie : additionner et développer les savoir-faire, notamment celui de la maroquinerie, en constante évolution. De même, un nouvel atelier de menuiserie, implanté à deux pas de la sellerie, devrait ouvrir ses portes dès 2022. Montant de l’investissement : 1,5 M €.
Valeurs montantes de l’artisanat de luxe en France 1/3 : Luc Foin, cofondateur de Deejo
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