The Good Business
Pour le nouveau président argentin, Mauricio Macri, l’exploitation de ce gigantesque gisement est une priorité. La série de nouveaux investissements étrangers annoncés en début d’année signe un nouvel épisode dans une histoire encore courte, mais déjà très mouvementée, qui met en évidence les forces et les faiblesses de ce pays.
Pollution et mobilisation Mapuche
La ville de Neuquén, capitale de la Patagonie, est alors présentée comme l’équivalent argentin de Houston aux Etats-Unis, et la ville agricole d’Añelo comme la nouvelle capitale du gaz de schiste. La ville double sa population entre 2010 et 2014. Le volontarisme d’YPF et de Chevron provoque toutefois une levée de boucliers de la part de certaines populations locales pourtant habituées à travailler – ou du moins à cohabiter – avec les acteurs du pétrole depuis des années dans la région. Mais l’extension de la prospection empiète sur des territoires protégés. La communauté indienne des Mapuche est ainsi au premier rang des opposants à l’exploitation. Un conflit qui se tend lorsque YPF et Chevron commencent à travailler sur la zone de Loma Campana, une zone spécifiquement revendiquée par la communauté des Indiens Mapuche de Campo Maripe. En 2013, le dirigeant de la Confédération mapuche de Neuquén, regroupant une soixantaine de communautés indiennes, lance l’occupation de ces champs d’hydrocarbures pour manifester contre l’utilisation de la fracturation hydraulique.
L’opposition se lève également lorsque l’activité pétrolière et gazière est tenue pour responsable de pollutions évidentes dans la région. « Les sociétés pétrolières n’expliquent pas où elles captent l’eau, dans quelle quantité, ni à quel prix. Ce que l’on sait, c’est que, près des zones d’exploitation, tu hésites avant de prendre ta douche… au pétrole », explique Grégory Lassalle. Les pétroliers commencent également à forer sur des sites fragiles. Comme celui d’Auca Mahuida, protégé notamment pour la conservation des oiseaux, où se développent pourtant onze concessions en 2012. Des écologistes, des syndicats, des Mapuche et des mouvements citoyens finissent ainsi par se coaliser et fondent, à Neuquén, en 2013, une « multisectorielle » : une action commune entre plusieurs organisations. Cette initiative ne réussit toutefois pas à inverser le sentiment globalement positif que représentait pour les Argentins cette manne. Si l’enthousiasme autour de Vaca Muerta redescend d’un coup en 2014, c’est surtout le résultat de la chute des prix du pétrole et du gaz sur les marchés mondiaux. Les médias argentins retournent leur veste et expliquent alors que « la “vache morte” est plus morte que la vache à lait ».
Vaca Muerta, priorité de Mauricio Macri
Début 2017, le gisement de Vaca Muerta connaît une nouvelle jeunesse, grâce à la remontée des prix du gaz à l’international.
Si l’exploitation du gaz de schiste en Argentine reste encore chère comparée à celle aux Etats-Unis, selon la banque Morgan Stanley, l’arrivée au pouvoir de Mauricio Macri a permis de rassurer les investisseurs. Le nouveau président continue le travail de soutien au gaz de schiste en accordant une subvention à l’exploitation du gaz en sortie de puits. Il négocie également de nouvelles conditions de travail avec les syndicats pour réduire le coût du travail. Il se rend enfin à Houston pour attirer en Argentine les compagnies pétrolières dont les équipements d’exploitation de gaz de schiste étaient inutilisés à cause du ralentissement du marché aux Etats-Unis.
Sur le plan politique, la mobilisation des populations locales s’est disloquée. « Aujourd’hui, les gens restent en faveur de l’exploitation du gaz de schiste, même s’ils savent que c’est polluant, car le pétrole crée du travail et draine beaucoup d’argent. S’il y avait un référendum à Neuquén aujourd’hui, une majorité se prononcerait en faveur de l’exploitation des gaz de schiste », explique Grégory Lassalle. Même parmi les communautés indiennes, certains, surtout les jeunes, ont été attirés par les perspectives de bien gagner leur vie. Les promesses ont eu raison des convictions… Au printemps dernier, dans la foulée de la confirmation de l‘investissement de Total sur le site de Vaca Muerta, le gouvernement confirme attendre un investissement de 8 à 9 milliards de dollars sur l’année pour le gisement. Vaca Muerta vient de retrouver une nouvelle jeunesse.