Culture
Turin a choisi l’art contemporain pour afficher ses différences. Du 3 au 5 novembre la Veille Dame italienne accueillera Artissima, la plus grande foire italienne dédiée à l'art contemporain. Visite arty de la ville italienne la plus effervescente du moment.
Même la fondation Sandretto Re Rebaudengo, dont le bâtiment tout en longueur date de 1995, est située, elle aussi, sur un ancien site industriel : « Le bâtiment d’origine a été détruit au profit d’une nouvelle architecture signée par Claudio Silvestrin, mais sur cet emplacement, on produisait les jantes des voitures », raconte Patrizia Sandretto, qui est à la tête de l’une des plus belles collections d’art contemporain d’Italie.
Loin de s’appuyer sur les œuvres de Cindy Sherman, d’Andreas Gursky ou de Wolfgang qu’elle a réunies en vingt-cinq ans, Patrizia Sandretto, entourée de toute une équipe, a mis en place des programmes foisonnants. Ils comprennent des expositions de niveau muséal, mais surtout un volet ambitieux d’aide aux artistes et de formation des professionnels de l’art. « Depuis onze ans, nous invitons chaque année des jeunes commissaires du monde entier. Ils restent quatre mois à la fondation, puis ils vont à la rencontre des artistes en Italie. Forts de ce qu’ils ont découvert, ils réalisent une exposition à la fondation. Depuis cinq ans, compte tenu du manque de formation au métier de commissaire d’exposition dans les écoles d’art italiennes, nous avons également créé le programme Campo, qui forme de huit à dix commissaires italiens par an. » On retrouve ce même engagement, ce même activisme dans les autres institutions de Turin – GAM, Castello di Rivoli, fondation Merz, PAV… –, qui sont toutes pourvues d’ambitieux départements pédagogiques et qui mènent toutes de multiples actions en direction des publics les plus défavorisés. Comme si la ville, ignorant les effets de mode, de snobisme et de spéculation qui sont associés désormais au monde de l’art contemporain, continuait de vivre une sorte d’utopie postsoixante-huitarde de partage et de cohésion.
« Il n’y a pas de compétition entre les différentes structures, explique Carolyn Christov-Bakargiev. Nous portons la même ambition de rendre l’art contemporain accessible au plus grand nombre. D’ailleurs, cet automne, au moment d’Artissima [la foire la plus importante d’Italie, NDLR], une grande exposition multisite va mettre en écho tous les trésors de la ville : des œuvres d’art contemporain seront dispersées dans les musées de Turin, y compris les plus anciens, qui ont accepté de jouer le jeu. » Novembre est traditionnellement le mois où Turin vibre à l’unisson de la création contemporaine. Tandis qu’Artissima attire tous les collectionneurs du monde, la ville lance Luci d’artista, une manifestation qui réinvente les rues et les places en les éclairant avec des néons et des installations lumineuses signées Daniel Buren, Jeppe Hein ou encore Jenny Holzer. « Artissima est une foire particulière puisqu’elle appartient à la ville, même si son fonctionnement est privé, analyse sa directrice, Ilaria Bonacossa. Cette structure nous permet de concevoir une foire un peu plus expérimentale, et de ne pas seulement nous axer sur la problématique du gain. »
La section « Present Future » – une vingtaine d’artistes émergents sélectionnés par plusieurs commissaires d’exposition dans une vingtaine de galeries – a fait la réputation d’Artissima, qui aimante nombre de commissaires et de conservateurs en quête de nouveaux talents. « Turin est une ville qui a un esprit olympique, et pas seulement dans le domaine du sport ! [Turin a accueilli les jeux Olympiques d’hiver en 2006, NDLR], s’exclame le galeriste Franco Noero. C’est un vrai laboratoire d’idées. C’est un tremplin pour beaucoup d’artistes, car les espaces à louer ne sont pas chers et les institutions muséales sont ouvertes et bienveillantes. Du point de vue de l’innovation, c’est la ville italienne la plus effervescente du moment.»
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