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La rédaction de The Good Life a posé quelques questions à Thomas Sammut, coach mental de Léon Marchand. Rien que ça.
Préparateur mental du nageur star des J.O., de clubs de Ligue 1 et coach en entreprise, Thomas Sammut fait du bien-être le moteur de la performance. Et, a priori, ça marche.
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Thomas Sammut nous dit tout sur la préparation mentale des plus grands champions
The Good Life : Vous dites souvent : « Être heureux, c’est un choix. » Mais comment fait-on, justement, pour décréter le bonheur, le bien-être ?
Thomas Sammut : En faisant la paix avec les choses que l’on ne peut pas atteindre, en acceptant les baisses de régime, en arrêtant de croire que le bonheur est synonyme de félicité, de réussite ou de perfection permanente. Notre société dualiste est gouvernée par les extrêmes. Le bien versus le mal, l’innocent versus le coupable, le bonheur versus le malheur. Et au milieu, rien ? Ce n’est pas comme ça que la vie fonctionne ! Être heureux, c’est être capable de se dire que même dans les moments difficiles, on est en phase avec soi-même.

The Good Life : Votre méthode de préparation mentale privilégie le chemin menant au résultat plutôt que le résultat avant tout. Expliquez-nous…
Thomas Sammut : Je suis parti d’un constat : nous sommes 95 % à mésestimer notre potentiel face à un défi ou à un objectif, notamment à cause de l’éducation et de la culture à la française, basées sur la peur de l’échec, le jugement extérieur et surtout l’obligation de résultat. On ne nous identifie qu’à travers ce dernier.
À l’école, seules les notes comptent. Durant les études supérieures, il faut les meilleurs résultats pour prétendre intégrer une grande entreprise, qui elle-même promeut les individus d’après des chiffres. Insidieusement, partout, notre valeur équivaut à un résultat, jamais au parcours qui y mène, pourtant bien plus riche et plus révélateur de qui nous sommes. Et alors, dans le sport, je n’en parle même pas…
The Good Life : Le sport, justement, est régi par la binarité : réussir ou échouer. Il marche à la pression, à coups d’électrochocs et de « stress positif », non ?
Thomas Sammut : Ces moteurs peuvent fonctionner, mais seulement à court terme, et surtout, à quel prix ? Il y a cinq ans, Léon Marchand voulait abandonner la natation parce qu’il ne supportait plus ce cadre-là. Lors de notre premier coup de fil, il m’a tout de suite demandé : « C’est donc ça le haut niveau ? La pression permanente ? » Il a ensuite choisi un autre chemin, celui privilégiant son bien-être personnel pour être performant, et non l’inverse.

C’est le premier grand principe de ma méthode : éradiquer ces mauvais leviers et les remplacer par une émotion, une énergie ou une dynamique libératrice, qui va nous soutenir. Le deuxième principe, c’est de se débarrasser des injonctions contraires à sa nature, qui nous emmènent sur un chemin stéréotypé et nous éloignent de ce qui fonctionne vraiment, c’est-à-dire se fier à son propre mode d’emploi.
The Good Life : Par quoi un novice doit-il commencer pour trouver ce mode d’emploi ?
Thomas Sammut : Il doit d’abord se convaincre d’être unique, que sa force est dans sa différence, avoir le courage de sortir d’un courant commun et réfléchir par lui-même. Et il doit s’écouter. Un exemple : le nageur Camille Lacourt. On lui a longtemps dit « sois sérieux », « concentre-toi », sans résultat à la hauteur de son potentiel. Ce n’est qu’à partir du moment où il a coupé avec ces impératifs et a puisé dans sa nature insouciante et créative qu’il est devenu champion du monde.
The Good Life : On parle d’un champion, là ! Mais sommes-nous tous aptes à être mentalement performants et à tracer notre propre chemin ?
Thomas Sammut : Oui. Si l’on n’y arrive pas, c’est que notre conditionnement n’est pas le bon. Nous avons tous un mode d’emploi propre qu’il s’agit d’abord de décrypter. « Qu’est-ce que j’aime et qu’est_ce qui me motive vraiment ? Qui ai-je envie d’être ? » Il faut ensuite arrêter de se penser au travers de nos prétendus manques. Le fait de tracer son propre chemin en s’appuyant sur ce que l’on sait faire doit être le plus fort. Il faut être capable de passer outre le résultat.

Pour Léon Marchand, nous avons d’abord écrit sa propre histoire pour que celle-ci devienne plus importante qu’une médaille d’or. C’est pour cela qu’il paraissait si lucide et si serein dans l’euphorie de ses Jeux. Son modèle est génial, car on peut s’identifier à lui. C’est quelqu’un d’ordinaire qui fait des choses extraordinaires. Mentalement, on peut tous faire du Léon Marchand !
The Good Life : Parmi les conseils listés dans votre livre Les 25 règles d’or de la préparation mentale, paru chez Solar, quels sont les plus essentiels ?
Thomas Sammut : Réussir à dépasser nos peurs les plus communes, découvrir la magie de nos émotions, être en alerte quant à celles-ci, se fier à ce qui est agréable. C’est le premier point de repère : le ressenti, les émotions, la sensibilité, ce qui va à l’inverse du vieux fantasme du sportif guerrier, de la machine froide coupée de ce qu’elle ressent. De nombreux sports fonctionnent sur ce modèle, ce qui est une aberration totale.

The Good Life : Le bien-être de tout sportif passe aussi par sa santé et le bon fonctionnement de son corps. Comment parvenir à trouver de la motivation lorsque, l’âge avançant ou à cause d’une blessure, on ne peut plus en tirer le maximum et on est confronté à ses limites physiques ?
Thomas Sammut : Quand vient le « déclin » physique, sans parler de deuil, même si cela s’en approche, il n’y a pas d’autre choix que l’acceptation. Et aussi l’adaptation. Un coureur à pied qui ne peut plus battre son meilleur chrono sur un marathon peut toujours descendre sur du semi-marathon et continuer d’être performant. Il peut aussi trouver d’autres motivations, dans d’autres pratiques, comme le trail, en profitant de l’aventure, du paysage. Il s’épanouira en empruntant un chemin différent.
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