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The Small Group : précurseurs de la résidence de chefs en France

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Les résidences culinaires ont le vent en poupe, si bien que les restaurateurs en programment toujours un peu plus chaque année sur le territoire. Retour sur un trio qui a été le fer de lance de cette tendance de fond, incarné par Laura Vidal, Julia Milton et Harry Cummins, les trois piliers de The Small Group, précurseur dans les années 2010 et actuel incubateur de jeunes talents.

« Ce que vous demandez n’a aucun sens », assène un restaurateur parisien à Laura Vidal et Harry Cummins, qui lui proposent de prendre les commandes des fourneaux de son établissement le temps d’un soir. Nous sommes en décembre 2012 et le couple arrive bille en tête avec un concept : cuisiner dans un restaurant qui ne leur appartient pas. Tous deux travaillent la semaine chez Frenchie (un restaurant à Paris, ndlr), l’une à la sommellerie, l’autre côté assiette. Ils ont de l’énergie à revendre, même lorsqu’ils sont en congés le week-end. Ce qui les anime déjà : chercher l’événement, organiser la rencontre et improviser le temps d’un repas. Ils inventent le principe des résidences de chefs et posent les bases de The Small Group.


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Les prémices des résidences de chefs

Après avoir essuyé un premier refus, ils se tournent, la fleur au fusil, vers le restaurant Verjus, qui leur ouvre ses portes. Ce soir de dimanche hivernal, Harry snacke des noix de Saint-Jacques, les accompagne de litchi et de radis noir, tandis que Laura travaille la carte des vins, à commencer par un sake Tatenokawa, petite maison de renom au Japon. À chaque assiette son accord.

La première soirée du Paris Popup a donc lieu — et on n’appelle ça ni « quatre mains » ni une « soirée privatisée ». L’idée de bousculer les restaurants à coup de happenings finit par séduire les chefs qui leur accordent leur confiance : Simone Tondo au Roseval puis Giovanni Passerini, Le Perchoir et Le Richet. À chaque passage, les clients doivent prendre leur billet en avance comme s’ils allaient assister à un spectacle.

Laura Vidal.
Laura Vidal. Mickaël A. Bandassak.

« Vous pourriez refaire les soirées que vous organisez à Paris, mais ici, à New York ? »

Une année après avoir organisé ces soirées Paris Popup dans les quatre coins de la capitale, Laura Vidal et Harry Cummins partent pour un tour du monde qui les emmène à Montréal, à San Francisco, à Kyoto. Les nouvelles vont vite et on leur demande à chaque escale : « Vous pourriez refaire vos soirées parisiennes mais ici, à New York ? » Et ils le font. Paris Popup voyage et essaime ses menus éphémères jusqu’à Fès. La soirée marocaine est restée dans les annales : « On était au fin fond d’une médina, se rappelle Julia Milton, troisième tête pensante du trio. Je voyais Laura aller faire les courses pour acheter du vin et cacher les bouteilles, car nous étions dans un pays où l’achat et la consommation d’alcool n’étaient pas aussi simples qu’en France ou aux États-Unis. C’était du mauvais vin en plus, mais qu’à cela ne tienne, Laura s’est mise en tête d’en faire du vermouth pour que les invités puissent avoir une boisson de bon goût durant le repas. »

Julia, qui a œuvré auparavant pour la société hôtelière Experimental Group, est tout à fait consciente à ce moment des défauts d’organisation. Tous les trois décident de laisser de côté la frénésie des popup pour ouvrir leur propre restaurant à Barcelone, comme une envie commune de s’installer pour de bon et d’arrêter la course aux dîners fugaces. Alors que les camions de déménagement sont chargés à bloc et roulent tranquillement vers l’Espagne, un appel arlésien vient changer tous les plans. Au bout du fil : « Vous pourriez refaire les soirées que vous organisez dans le monde entier, mais cette fois-ci à Arles et pendant trois mois ? »

Harry Cumings à la Mercerie.
Harry Cumings à la Mercerie. adrien-bautista

L’auberge arlésienne

À l’hôtel Nord-Pinus à Arles, le trio entame un nouveau chapitre : « On a ramené la clique de chefs espagnols et la bande de cuisiniers québécois. On logeait tous ensemble dans une grande maison. On s’est occupé de tout, de la vaisselle jusqu’à la blanchisserie », plaisante à moitié Laura Vidal. L’hôtel encaissait, et toute l’équipe recevait une partie du bénéfice de chaque soir. À la fin des trois mois, ils disposent d’une somme assez consistante pour effectuer un apport et finalement acheter leur premier restaurant : le Chardon.

L’installation en Espagne n’est plus d’actualité. Le groupe jongle désormais entre leurs soirées popup qui continuent partout dans le monde et leur nouvel établissement arlésien. Enfin l’occasion de se poser ? C’est mal connaître le trio qui ne tient jamais en place.

Le Chardon devient une scène de résidences : les chefs tournent tous les deux mois, trois mois, voire une semaine. En un mot, toujours au même endroit, mais toujours différent. « On a commencé à proposer des formats de résidences en France alors qu’il n’y avait pratiquement pas de chefs qui se disaient nomades à l’époque, constate rétrospectivement Julia Milton. Si le concept était connu à Londres, à New York ou à San Francisco, il l’était beaucoup moins dans l’Hexagone. » Du reste, ils n’ont pas de mal à trouver des cuisiniers prêts à poser leurs valises le temps de quelques mois seulement. Le milieu des chefs itinérants est petit, et tous se passent le mot.

Julia Milton, Laura et Harry.
Julia Milton, Laura et Harry. Louise Skadhauge

Noailles, nouveau terrain de jeu de The Small Group

Les affaires vont bon train à Arles — et autour du monde. Entre-temps, le trio a revu et corrigé ses fondations : Harry Cummins est toujours le créatif culinaire de la bande, en vadrouille dans les résidences. Laura Vidal délaisse petit à petit le service et la sommellerie pour mieux accompagner les chefs programmés au Chardon. Julia Milton se charge quant à elle de la partie financière et administrative.

Les chefs et les artisans du goût qui les entourent leur glissent l’idée de s’installer à Marseille, plus précisément dans le quartier de Noailles en pleine effervescence. À cette même période, Harry Cummins confie de plus en plus son envie d’avoir un restaurant à lui. Tous les trois visitent un local sur le cours Saint-Louis et signent aussitôt. Quatre mois de travaux suffiront pour ouvrir la Mercerie en 2018, une adresse où seul Harry restera aux manettes.

« Après, tout s’est enchaîné très rapidement », explique Julia. Une nouvelle adresse rejoint vite la liste de la société, qui s’appelle désormais The Small Group. En juin 2021, le Livingstone ouvre ses portes en accueillant Valentin Raffali : « Il était venu à la Mercerie, se rappelle Laura Vidal. Il travaillait à l’InterContinental Marseille avec Lionel Levy, mais il voulait nous rejoindre le plus vite possible. Il a fait une résidence à Arles où l’on a pu goûter sa propre cuisine, on a été bluffés. »

Valentin Raffali devant Livinston.
Valentin Raffali devant Livinston. adrien-bautista

En toute confiance, il se voit confier la clé de la nouvelle adresse du Cours Julien. L’année d’après, c’est une boulangerie que The Small Group inaugure. Pétrin Couchette regroupe la fine fleur de la néo-boulangerie, aussi bien côté pains et sandwichs avec Baptiste Sangam (ex-Pain Salvator) et Lizzie Parle (ex-Ten Belles) que côté café avec le barista Anthony Argy.

Quel avenir pour The Small Group ?

Quelle est la prochaine adresse en vue ? Laura et Julia bottent en touche mais n’excluent pas l’idée d’un nouvel établissement : « Actuellement, nous aimerions aller plus loin dans le côté événementiel. On propose déjà des repas où l’on réduit au maximum le gaspillage alimentaire, qui est l’un des problèmes majeurs quand il s’agit d’organiser des buffets pour des entreprises privées. » The Small Group compte déjà des clients tels que Chanel, Porsche ou Jacquemus. Dernier événement en date : le Dîner des Agrumes de la Villa Médicis. L’Académie de France à Rome fait elle aussi appel à eux pour sa nouvelle résidence culinaire depuis 2022. Laura Vidal s’entretient chaque année avec les chefs qui se portent candidats puis les présente à l’équipe de la Villa.

Des résidences de chefs éphémères montées à l’improviste à celles plus consolidées des années arlésiennes, le trio de The Small Group n’a de cesse de jouer les têtes chercheuses.

Un sandwich chez Pétrin Couchette.
Un sandwich chez Pétrin Couchette. adrien-bautista

Livingston
5 Rue Crudère, 13006 Marseille

Pétrin Couchette
7 Cr Saint-Louis, 13001 Marseille


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