Culture
Des chefs-d'œuvre de Gershwin, Franck Debussy, Ysaÿe et Bach nous sont proposés dans des interprétations nobles et émouvantes, rassemblées dans cette playlist classique d'hiver.
Melting-pot. Comment une certaine musique américaine trouve ses racines dans un héritage européen et y mêle des idiomes purement populaires propres à sa jeune culture, telle est la démonstration de ce disque. Du très original Charles Ives – compositeur atypique ayant abandonné la musique pour faire fortune dans les assurances au début du XXe siècle ! – au grand Leonard Bernstein, dont est jouée ici la Sonate pour clarinette et piano, première œuvre qu’il a publiée, on pourra écouter les œuvres d’icônes américaines. George Gershwin, Aaron Copland, Andre Previn sont ainsi également de la fête. Et quelle fête lorsqu’elle est donnée par le clarinettiste Patrick Messina et le pianiste Fabrizio Chiovetta, lesquels sont aussi à l’aise dans un répertoire classique ou romantique que dans des œuvres souvent méconnues. Songs, musique américaine pour clarinette et piano, Patrick Messina et Fabrizio Chiovetta (Aparté).
Virtuose. Il reste accolé aux compositions de César Franck une image académique qu’une large partie de sa musique vient démentir… Luchino Visconti ne s’y trompa d’ailleurs pas lorsqu’il choisit le Prélude choral et fugue – ici enregistré de façon magistrale par Nikolaï Luganski – comme écrin musical pour son film Sandra. Le reste du disque est à l’avenant, proposant des trois principaux chefs-d’œuvre pour piano de César Franck une interprétation noble et émouvante. Musique pour piano de César Franck, Nicolaï Lugansky (Harmonia Mundi).
Hommage. Eugène Ysaÿe fut l’une des plus grandes figures du violon durant la seconde moitié du XIXe siècle. On le connaît pour être le dédicataire de maintes œuvres majeures, tels la Sonate pour violon et piano de César Franck, le Concert et le Poème d’Ernest Chausson, la Sonate pour violon et piano de Guillaume Lekeu ou encore le Quatuor de Claude Debussy. On pourra non seulement écouter ici ces œuvres interprétées par de grands solistes, mais également découvrir des compositions d’Eugène Ysaÿe absolument époustouflantes, comme son poème élégiaque pour violon et orchestre. Un coffret essentiel. A Tribute to Isaÿe (Fuga Libera).
Philippe Herreweghe
Les concerts prévus pour célébrer les 50 ans du Collegium Vocale Gent, créé par le chef d’orchestre Philippe Herreweghe, ont été annulés, en raison de l’épidémie de Covid-19. Mais quelques disques nous consolent un peu, notamment une poignante interprétation de la Passion selon saint Jean, de Bach.
The Good Life : Vous souvenez-vous de ce qui vous a conduit à créer, en 1970, un tel ensemble ?
Philippe Herreweghe : Durant toute ma jeunesse, j’ai chanté dans un chœur, dans l’école où j’étudiais, chez les jésuites. Nous chantions du Schütz, du Palestrina… Arrivé à l’université [Philippe Herreweghe a suivi des études de médecine, en psychiatrie, NDLR], j’ai voulu diriger cette musique. C’est pour cette raison que j’ai décidé de former un chœur d’amateurs. Au départ, nous étions 80. Mais, très vite, j’ai réduit le chœur à 10 personnes, pour chanter, en particulier, la musique de Bach.
TGL : Durant votre jeunesse, avant la création du chœur, quelles interprétations de Bach écoutiez-vous ?
P. H. : J’avais les disques Deutsche Grammophon enregistrés par Karl Richter. Je pouvais aussi écouter la Messe en si par Karajan, mais j’arrêtais le disque au bout de cinq minutes. Je trouvais cela vulgaire, à l’époque. Outre les disques, il y avait, en ce temps-là, des chorales d’amateurs à Gand qui interprétaient du Bach. Mais déjà, à 20 ans, je devinais qu’il devait exister une autre manière d’interpréter cette musique, plus en accord avec ce que faisaient alors Gustav Leonhardt ou les frères Kuijken.
TGL : Quel est le fil qui guide le choix des œuvres que vous interprétez ?
P. H. : C’est un fil intuitif, mais cohérent. Par exemple, je ne dirige pas de Vivaldi. Pour moi, la différence entre Bach et Vivaldi est beaucoup plus grande qu’entre Bach et Brahms. Ces deux compositeurs appartiennent à la même famille. Le monde de Vivaldi est tout autre. Je ne joue pas non plus la musique de Haendel. Quand je dirige Bruckner, qui est une autre de mes passions, je me sens également dans mon élément, car, selon moi, il s’agit toujours de musique religieuse, y compris ses symphonies.
TGL : Il vous arrive parfois d’évoquer des œuvres dont vous considérez avoir fait le tour. De quoi s’agit-il exactement ?
P. H. : On peut, par exemple, interpréter la Missa solemnis de Beethoven 17 fois de suite, ce qui m’est déjà arrivé, et découvrir, chaque fois, comme dans une sculpture géniale, toutes sortes d’aspects, de richesses. Cette œuvre est inépuisable, on n’a pas assez de toute une vie pour comprendre ce que Beethoven avait en tête lorsqu’il l’a composée. Il en est de même pour ses quatuors. Prenez la Symphonie en ré mineur de César Franck, même s’il s’agit d’une belle œuvre, il faut beaucoup de méthode pour ne pas considérer en avoir fait le tour…
Passion selon saint Jean, J. S. Bach, Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (PHI).
La playlist classique de l’hiver par The Good Life :
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