Culture
Intermédiaire entre artistes, producteurs, labels et les plateformes, IDOL est un agrégateur pionnier de la distribution numérique. Son fondateur Pascal Bittard nous éclaircit par rapport à son succès à l'international et imagine pour TGL une playlist avec quelques-unes des dernières pépites de l’industrie du disque indépendante.
IDOL accompagne des artistes et labels indépendants dans le but d’optimiser leur visibilité et leurs revenus sur les différentes plateformes de musique en ligne (Spotify, Apple, YouTube, Deezer, Amazon..). Satisfait d’avoir développé sa société sans jamais renoncer à sa sélectivité, en gardant un état d’esprit clairvoyant et ses valeurs fortes, son fondateur Pascal Bittard a contribué à faire grandir certains labels comme InFiné, No Format, Microqlima et à l’émergence d’artistes tels La Femme ou L’Impératrice. Rencontre.
6 questions à Pascal Bittard, fondateur d’IDOL :
The Good Life : Quel est votre parcours ?
Pascal Bittard : Après des études de commerce et une expérience en Espagne, j’ai travaillé pendant 7 ans pour Sony Music. Dans cette major, très vite je me suis occupé de la distribution des indépendants. J’ai été directeur marketing de la filiale France du label V2 Music (monté par Richard Branson). Poussé par une envie très forte de créer ma propre entreprise, en 2006 j’ai lancé IDOL. A l’époque c’était le tout début du numérique et moi j’avais mis un pied dedans : chez V2 j’avais suivi la signature du premier contrat iTunes et des premiers sites de téléchargement. J’avais une certaine appétence pour ce nouveau canal de distribution, un peu incertain, qui commençait à évoluer, alors j’ai monté from scratch mon petit agrégateur. Après, le reste s’est fait assez naturellement : gérer une boite, résoudre les problèmes, signer chez les labels, chez les plateformes… Aujourd’hui IDOL compte 50 employés en France et une dizaine dans des bureaux à l’étranger.
Votre métier en quelques mots ? IDOL commercialise les catalogues et les albums nouveaux et anciens des labels indépendants sur les plateformes. Nous sommes intermédiaires entre artistes, producteurs ou labels indépendants et les plateformes qui permettent de monétiser la musique, qui sont aujourd’hui majoritairement des sites de streaming et quelques sites de vidéo (Youtube, Tik Tok, Facebook, etc.).
Comment a-t-il évolué au fil des années ? D’abord il y a un marché qui s’est créé. Quand IDOL s’est monté le marché était balbutiant, il s’est développé au début avec le téléchargement. ITunes est le leader qui l’a porté en imposant un standard, qui a même dicté un prix de téléchargement et qui a lancé le numérique d’une manière incontestable, côtoyé dans chaque pays d’acteurs locaux mineurs. Cette première phase était à la fois une petite révolution – avec le piratage qui en parallèle faisait assez mal à l’industrie du disque. Avec du recul, on se rend compte que le téléchargement était assez proche à la vente de CDs. Le rapport qu’un distributeur avait avec un magasin de disques, par exemple la Fnac, n’était pas si loin de celui qu’IDOL pouvait avoir avec les sites de téléchargements. L’arrivé du streaming, a marqué un véritable tournant : à partir de 2007-2008 il est monté en puissance jusqu’à s’imposer comme modèle dominant. C’est à ce moment-là que notre méthode de travail a changé : les algorithmes se sont fait une place importante, tout comme les titres en dépit des albums. C’est une nouvelle manière de consommer de la musique, qui comporte beaucoup d’avantages : avec 10 euros par mois on a accès à une variété de musique incroyable, et en même temps on est un peu perdus par cette offre. Pour cela les playlists et les algorithmes aident le consommateur final.
En quoi IDOL se différencie par rapport aux autres agrégateurs sur le marché ? Au moment du lancement d’IDOL nous nous sommes inspirés de modèles étrangers, type The Orchard ou Ioda. Ensuite nous avons suivi notre chemin, car on est un agrégateur assez atypique porté par une grande volonté d’indépendance. 95 % de nos confrères ont levé des fonds et se sont déjà revendus à des grosses boites. Malgré les opportunités qui se sont présentées, j’ai toujours préféré grossir moins vite au profit de cette indépendance. Tous les collaborateurs qui nous ont rejoint étaient en accord avec cette philosophie. Nous avons aussi toujours été très sélectifs dans le choix des labels et des artistes qu’on signe ; ce qui nous rend l’un des seuls au monde à avoir une véritable ligne éditoriale, une couleur, plus marquée que la plupart de nos concurrents. Bien que l’on se batte tous les jours avec des acteurs plus gros que nous, il y a une certaine cohérence entre notre rythme de croissance, fort mais pas démesuré, la sélection des artistes qu’on opère et les valeurs que l’entreprise porte, cette idée de que ce que l’ont fait a du sens.
Le mode de répartition de rémunération du streaming semble être l’un de vos chevaux de bataille… C’est un débat plus fort en France qu’ailleurs, grâce à Deezer qui a voulu le mettre sur la table. Aujourd’hui l’argent qui est gagné tous les mois par les plateformes à travers les abonnements est partagé au prorata des streaming enregistrés le même mois dans un pays sur une plateforme, cela est tout à fait juste mais on se rend compte que l’argent d’un abonné ne va pas à l’artiste qu’il écoute, ce qui crée un certain déséquilibre. Chez IDOL, avec d’autres acteurs, nous pensons que ce serait une bonne chose de passer d’un mode de calcul de la rémunération market centric à un autre plus user centric pour répartir l’argent d’un abonné auprès des artistes qu’il a écoutés. Même s’il est compliqué à mettre en place, ce système favoriserait la diversité. C’est aussi une question de principe et de justice pour les consommateurs et les artistes.
Votre définition de musique indépendante en 2022 ? A mon avis la musique indépendante n’existe pas. Ce qui existe ce sont des entreprises indépendantes, des labels, des distributeurs, des entrepreneurs qui se lancent à leur compte. Environ 80 % des artistes qui émergent sont indépendants même si les énormes succès chez les majors créent la plupart du chiffre d’affaires mondial (entre 70 % et 80 %). Bien que l’on puisse y trouver de la bonne et de la mauvaise musique, c’est au niveau des indépendants que tout se passe, c’est un milieu passionnant où on est amenés à tout régler nous-mêmes.
La playlist d’IDOL pour TGL :
• Cola Boyy – Don’t Forget your Neighborhood (ft The Avalanches)
C’est un artiste américain ultra talentueux et respecté par deux grands artistes américains (voir ses collaborations avec MGMT ou The Avalanches) signé sur un des labels indépendants français les plus prestigieux, Record Makers.
• Jazzy Bazz – Element 115 (ft Nekfeu)
Un rappeur français qu’IDOL accompagne depuis quelques années, notre travail avec lui est assez représentatif de l’activité d’Artists Services. Son nouvel album Memoria s’est classé N°1 du top album en 1ère semaine…
• Rone – Waves of Devotion (feat Georgia)
L’artiste phare d’un des labels historiques et emblématiques chez IDOL : InFiné. L’année dernière il a remporté le César de la meilleure musique et il est nommé cette pour la bande originale du dernier Audiard.
• Ray Charles – Hit the Road, Jack
C’est une de nos grandes fiertés : la Fondation Ray Charles a confié à IDOL la distribution d’un coffret de 90 titres originaux de la star sur le monde entier…
• L’Impératrice – Peur des filles
Un groupe phare d’un autre label emblématique chez IDOL : microqlima. Cette année, L’Impératrice a été nommé aux Victoires de La Musique et programmé au festival Coachella.
• La Femme – Nouvelle Orléans
Au-delà de leur talent, c’est un groupe très original, très indépendant, avec une carrière internationale remarquable. Un bel exemple de l’activité d’Artists Services.
• Serge Ibaka – Champion (feat Ninho)
Quand une star de la NBA, originaire du Congo, de nationalité espagnole, passionné de musique, produit un projet autour d’artistes africains ou afro descendants (Ninho, Tayc, Fally Ipupa, Mohombi, …) et le confie à un distributeur français, le résultat c’est un single certifié platine… pour le moment !
• Jacques – Vous
Cet artiste électro déjà culte en France et à l’image bien affirmée sort son premier album, LIMPORTANCEDUVIDE, sur le nouveau label Recherche & Développement.
• Nils Frahm – Fondamental Values
L’artiste le plus emblématique de l’élégant label britannique, Erased Tapes. Passionné de piano, ce compositeur et producteur allemand est reconnu pour son alliage de musique classique et électronique.
• Vitalic – Tu Conmigo
Cette année, le producteur Pascal Arbez alias Vitalic célèbre 20 ans de carrière avec une tournée européenne et la sortie du deuxième volet de son cinquième album, Dissidaence.
• Altin Gün – Yüce Dag Basinda
Groupe du magnifique label allemand Glitterbeat, d’origine turque, Altin Gün est en train de conquérir la planète avec ses prestations scéniques exceptionnelles. Ils seront aussi présents au festival américain Coachella aux côtés de L’Impératrice.
• Portico Quartet – Impressions
Ce groupe, qui défraye la chronique en jazz et ailleurs, vient de sortir un album, Monument, chez Gondwana record, label britannique fondé par le trompettiste, compositeur et producteur Matthew Halsall.
• Lomepal – Trop beau
Lomepal n’est plus à présenter. Cet artiste est le plus gros succès d’IDOL à ce jour. Encore un bel exemple de l’activité d’Artists Services, en collaboration avec nos amis de Grand Musique Management.
• Muzi – I Know It
Cet artiste sud-africain a collaboré avec Damon Albarn (Gorillaz/Blur) sur le projet Africa Express. C’est notre bureau de Johannesburg qui l’a repéré et a signé la collaboration pour son quatrième album, Interblaktic.
• Four Tet – Two Thousand and Seventeen
Four Tet est un artiste britannique culte. Discret voire mystérieux, son succès est pourtant mondial, se hissant toujours plus haut sur les affiches des plus grands festivals de la planète.
• Thylacine – Piany Pianino
IDOL accompagne William Rezé depuis de longues années. Le producteur originaire d’Angers compose ses albums en voyage pour s’immerger dans son environnement comme il l’illustre dans Transsiberian, un album aux paysages sonores à couper le souffle réalisé dans le train le plus long du monde.
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