Culture
Une fois n’est pas coutume, The Good Life a choisi de n’écouter que de jeunes talents français. Pas de cocorico intempestif, mais un émerveillement sincère devant autant de grâces…
• Oh ! mon miroir ! On en viendrait presque à se demander pourquoi personne n’y avait pensé avant ! Elsa Dreisig présente dans cet album des airs inspirés par les mêmes thèmes, mais appréhendés par des compositeurs aux styles très distincts, voire opposés. Ainsi, à la Manon Lescaut de Puccini, elle confronte celle de Massenet, à la Juliette du Roméo et Juliette de Charles Gounod, celle du méconnu Daniel Steibelt, compositeur d’origine germanique né en 1765, ayant vécu à Paris une dizaine d’années. On passe également de la Rosine du Barbier de Séville de Rossini à la Comtesse des Noces de Figaro de Mozart, pour finir en apothéose avec la Salomé de l’Hérodiade de Massenet et celle du Salomé de Richard Strauss. La soprano illustre chacun de ces rôles si différents les uns des autres avec un art et une justesse interprétatifs qui laissent pantois.
• Arche de Noé. Un merveilleux récital qui rappelle à quel point le règne animal, du Chant des oiseaux de Clément Janequin au Catalogue d’oiseaux de Messiaen, en passant par Le Carnaval des animaux de Saint‑Saens, Le Duo des chats de Rossini, La Poule de Rameau et bien d’autres, a inspiré les musiciens. On entendra ici une lumineuse Sophie Karthaüser et un parfait Eugène Asti. Un très bel itinéraire musical qui nous entraîne de Lalo à Poulenc, en passant par Chabrier, Ibert, Offenbach ou encore Bizet, et de La Fontaine à Jules Renard.
• Mille et une pages. Le ténor Julien Behr, accompagné ici avec beaucoup de délicatesse, nous fait découvrir quelques‑unes des plus belles pièces du répertoire romantique français du XIXe siècle. Si la plupart des compositeurs sont célèbres, leurs œuvres le sont beaucoup moins. Ainsi, de Gounod, on n’entendra pas un extrait de Faust, mais un prélude et cavatine extrait du rare Cinq‑Mars. Et de Bizet, ce ne sera pas Carmen, mais La Jolie Fille de Perth. Un vrai régal.
Raquel Camarinha et Yoan Héreau
Pour leur premier disque commun, la soprano Raquel Camarinha et le pianiste Yoan Héreau ont choisi des mélodies françaises. Un disque magnifique, à la sensualité frémissante, d’une poésie et d’une émotion constantes, où l’amour du texte rejoint la passion pour la musique.
The Good Life : Comment avez‑vous conçu le programme de ce disque ?
Raquel Camarinha : Le nom de Debussy s’est d’emblée imposé. Puis celui de Francis Poulenc, que nous avons beaucoup interprété, notamment sa Voix humaine, sur le texte de Jean Cocteau. Nous voulions aussi défendre le Shéhérazade de Ravel, dans sa version pour voix et piano, bien moins souvent interprétée que celle pour voix et orchestre. Quant aux mélodies de Maurice Delage, ce sont des perles qui ne sont pas souvent données. Nous voulions les faire découvrir…
Yoan Héreau : Nous voulions enregistrer ce que nous aimons par‑dessus tout. Quand l’amour des œuvres est le vecteur principal de l’élaboration du programme, les choses deviennent faciles.
TGL : Parlez‑nous de la version pour voix et piano de ce chef‑d’oeuvre absolu qu’est le Shéhérazade de Ravel ?
R. C. : Quand je chante cette oeuvre avec orchestre, je suis plus dans « l’efficacité ». L’orchestre est bien sûr plus dense que le piano, et je dois penser à bien projeter ma voix. Mais je peux moins soigner les petits détails du texte, les affects. Quand je chante aux côtés du piano, je peux aller plus loin dans l’intimité.
Y. H. : L’écriture pianistique de cette oeuvre est différente de l’écriture des œuvres de Ravel pour piano seul, même si on y trouve des traits communs. C’est une oeuvre à part.
TGL : Les cycles de mélodies de Debussy mettent en musique des poèmes de Verlaine. Les compositeurs ne sont‑ils pas confrontés à la difficulté d’ajouter de la musique à des textes qui ont déjà une très grande force ?
R. C. : Oui, parfois. Je pense notamment aux mélodies de Debussy sur des poèmes de Baudelaire. La poésie de Baudelaire nous transporte tellement loin que la musique de Debussy en est métamorphosée. Je pense que certains textes contraignent le compositeur à changer son esthétique.
Y. H. : Il est vrai également qu’il y a des auteurs qui sont plus difficilement mis en musique. Pour en revenir à Baudelaire, il l’a finalement été très peu, par rapport à Verlaine ou à Victor Hugo. Chez Baudelaire, il y a déjà un très grand lyrisme poétique, un imaginaire très dense, des vers très chargés. Il est dès lors difficile pour les compositeurs de trouver ce qu’ils vont pouvoir y ajouter. Verlaine laisse plus de place pour un sous‑texte, pour que la musique puisse apporter quelque chose.
Rencontre. Debussy, Delage, Poulenc, Ravel, Raquel Camarinha et Yoan Héreau, Naïve.
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