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Depuis son rachat, il y a trois ans, par le groupe LVMH et l’arrivée d’Alexandre Arnault à sa tête, Rimowa s’offre un généreux lifting et de belles ambitions. Visite de l’usine de Cologne d’où sortent les précieuses valises tout en aluminium, recette du succès mondial de la griffe.
Beaucoup se trompent encore sur ses origines. Rimowa, marque de valise plus que centenaire, est allemande. Elle est née à Cologne en 1880, lorsque la Kofferfabrik de Paul Morszeck lance ses premières séries de bagages. L’incendie de 1937, qui ravage l’usine et ses stocks, épargne les armatures en aluminium utilisées pour les renforts de valise. Un sauvetage qui donne une idée de génie au fils du fondateur, Richard Morszeck : il met au point la première coque tout aluminium. Suivront d’autres innovations.
Lancée en 1950, la Tropicana, valise conçue pour le transport de matériel photographique et 100 % étanche devient une référence dans le milieu de la photo et du cinéma. Cinquante ans plus tard, le premier modèle réalisé en polycarbonate souple fait exploser les ventes. Un succès mondial qui vaudra à la marque l’attention du groupe LVMH, qui rachète Rimowa fin 2016 – valorisant l’entreprise à 800 millions d’euros – et place Alexandre Arnault – troisième enfant de Bernard Arnault – à sa coprésidence. Parlant allemand couramment, formé à Télécom Paris et sorti de Polytechnique, il décide de relooker la marque, d’épurer le logo et d’investir à Cologne quelques dizaines de millions d’euros.
Une ambiance à la RoboCop
A une quinzaine de minutes de la cathédrale gothique de Cologne, chef-d’œuvre architectural du XIIIe siècle irradiant toute la ville, l’usine – qui abrite aussi le siège de la marque – occupe 40 000 m2 d’ateliers, tous logés sous une charpente ondulée et métallique rappelant la silhouette du bagage iconique. Chaussures de sécurité aux pieds, la visite sous escorte fait franchir plusieurs barrages avant l’arrivée dans une première zone consacrée aux phases de « préparation et préproduction ». Une ambiance à la RoboCop, où les machines semblent avoir pris le pas sur l’homme. Des bijoux de technologie classés secret défense impossibles à photographier pour éviter tout risque de copie.
Dates clés
1898 : naissance de la marque Rimowa en Allemagne. 1937 : invention de la première valise en aluminium. 1950 : apparition des rainures sur les coques en aluminium.
1976 : lancement de la première valise pour appareil photo, la Tropicana. 2000 : lancement d’Essential, la première valise en polycarbonate au monde. 2003 : ouverture du premier magasin Rimowa dans le monde, à Hong Kong.
2016 : rachat de la marque par LVMH ; Alexandre Arnault est nommé à sa tête.
2018 : sortie de la valise transparente Rimowa x Off‑White.
Version bleue et version rouge
Depuis quelques jours, Rimowa a lancé la production de sa nouvelle collection couleur. Deux versions en bleu Marine et rouge Scarlet viennent s’ajouter à la nouvelle charte visuelle Rimowa souhaitée par Alexandre Arnault. Mais dans l’atelier, la grande vedette du jour reste l’emblématique Classic Aluminium. Plissées à la perfection, embossées par de gigantesques presses, perforées, les plaques qui formeront la coque rainurée passent d’un robot à l’autre. Un ballet mécanique parfaitement rodé. Au recours à la technologie de pointe suit un pendant plus artisanal. Sur deux lignes de production identiques, tous les composants de la valise sont assemblés à la main.
Un travail minutieux passant de la pose des rivets aviation gravés à celle de la plaque estampillée du nouveau logo de la maison. A chaque nouvelle action, de nouveaux gestes pour mettre en place les renforts, les mécanismes de fermeture, la poignée télescopique, les roues, l’habillage intérieur… Au total, une vingtaine d’opérateurs pour réaliser un modèle et une quinzaine de postes de travail. Dans cet atelier à la propreté quasi clinique, rien ne dépasse. Le contrôle est permanent, et les risques de feux sont surveillés par un agent prêt à dégainer son mégaphone à la première étincelle. Dans chacune des valises, l’étiquette de voyage en cuir se glisse discrètement, un numéro d’identification unique est attribué pour chaque modèle avant l’étape d’emballage et l’envoi sur la plate-forme de stockage.
Données clés
• Chiffre d’affaires : Rimowa garde jalousement le secret et ne communique pas son chiffre d’affaires. Paris et ses 4 points de vente (rue du Faubourg‑Saint‑Honoré, Galeries Lafayette, le Printemps, Le Bon Marché) figure en tête des villes les plus performantes.
• Magasins : la marque Rimowa est aujourd’hui présente dans 38 pays (retail et wholesale confondus) et compte 130 magasins en propre.
• Nombre d’employés : 2 000 collaborateurs dans le monde, dont 500 travaillant sur le site historique de Cologne.
• Produits : 6 catégories de valises au total, 8 formats et 13 couleurs.
Des trésors dans la salle des archives
A l’écart de la zone de production, l’atelier de réparation Rimowa concentre quelques gros bras – tatoués généralement –, prêts à en découdre avec les valises endommagées envoyées de toute l’Europe, « la plupart maltraitées dans les tunnels des aéroports, explique l’un d’entre eux, et auxquelles nous donnons une seconde vie ». Un espace qui mène à la salle des archives, promise à alimenter un futur musée. Fermé à triple tour, l’entrepôt en sous-sol rassemble des milliers de modèles sortis des usines de Rimowa. Quelques-uns datés de 1937 rappellent les origines de la marque, d’autres en cuir remontent aux années 60 et 70.
Des déclinaisons par dizaines du modèle en aluminium frappé ou gaufré, dont un exemplaire de minibar portatif, ont trouvé leur place ; un exemplaire semble avoir été créé pour accueillir un violon, un autre combine valise et radio… On trouve aussi quelques collectors issus de films, Mission : Impossible en tête, et dans les allées, les derniers succès de la maison issus des collaborations avec Fendi, le modèle de valise transparente signé Virgil Abloh (le directeur artistique de Louis Vuitton), celui arc-en-ciel « très Los Angeles » imaginé par l’artiste Alex Israel, les exclusives Multiwheel Topas Supreme…
Internationalisation en plein essor
Associant ses désirs de modernité aux valeurs de l’artisanat, Rimowa semble avoir trouvé son point d’équilibre. Transformée avec l’arrivée d’Alexandre Arnault en 2016, mieux ajustée à l’économie du luxe et de la mondialisation, la marque séduit l’Asie, l’Europe, les Etats-Unis et désormais le Moyen-Orient. Elle est aujourd’hui présente dans 38 pays et compte plus de 130 magasins en propre. Avant le printemps, Sydney, Séoul, Pékin, Shanghai et Dubaï s’ajouteront à la liste des pays accueillant les magasins de l’enseigne. Rimowa est bien entrée dans une nouvelle dimension.
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