Culture
Venise. Jusqu’au 25 novembre, parallèlement à la Biennale d'architecture, la Fondation Prada questionne sur l’isolement et l’exil comme moteurs d’une réflexion philosophique avec l’exposition « Machines à penser ».
L’idée de l’exposition « Machines à Penser », jusqu’au 25 novembre à la Fondation Prada de Venise, est venue à Dieter Roelstraete, son curateur, lorsqu’il a constaté un fait surprenant. Martin Heidegger (Allemagne, 1889-1976), Ludwig Wittgenstein (Autriche 1889-1951) et Theodor W. Adorno (Allemagne, 1903-1969), trois des philosophes germanophones les plus importants du XXe siècle, ont tous vécu l’exil.
Un exil volontaire pour les deux premiers qui appréciaient de se retirer, Wittgenstein en Norvège et Heidegger en Forêt Noire, durant de longues périodes pour méditer et approfondir leurs réflexions. Ils ont ainsi écrit dans ces lieux reculés certains de leurs ouvrages les plus influents, Être et Temps en 1927 pour l’Allemand et Tractatus Logico-Philosophicus en 1921 pour l’Autrichien. Concernant Adorno, il a dû, quand les Nazis ont pris le pouvoir, quitter son pays pour les Etats-Unis, dans la campagne californienne près de Los Angeles.
Ce point commun, la Fondation Prada en a fait une exposition. Une visite sur deux étages qui questionne le visiteur sur l’influence de l’isolement et de l’exil sur le travail des philosophes, certes, mais aussi sur le cerveau humain, ses nouveaux réflexes et l’ouverture d’esprit.
Le rez-de-chaussée est consacré à Adorno. On y trouve l’Adorno’s Hut, œuvre sortie de l’imagination du poète et artiste-paysager écossais Ian Hamilton Finlay, grand admirateur de ce maître-penseur. C’est une version abstraite en métal et bois de la villa californienne du philosophe. La Fondation Prada a également recueilli plusieurs photographies, des reproductions plus réalistes de la demeure, des films et des œuvres contemporaines.
A l’étage, les maisons de Wittgenstein et Heidegger ont été reconstituées presque grandeur nature. Elles abritent elles aussi des photos d’époque, maquettes et sculptures. Dans celle du philosophe autrichien on aperçoit une pièce rare, le buste Mädchenkopf (Tête de jeune fille), seule œuvre d’art connue créée par Wittgenstein lui-même. Dans la maison de Heidegger, une sculpture de l’Italien Giulio Paolini influencée par les réflexions de l’Allemand autour de la construction et de l’architecture.
Pour l’occasion, l’artiste polonnaise Goshka Macuga a réalisé des vases à l’effigie des trois philosophes dont la symbolique du lien entre nature et réflexion est évidente.
Enfin, une salle regroupe des éléments historiques qui appuient tout l’argumentaire de l’exposition, notamment des représentations de Saint Jérôme, un ermite qui s’est retiré dans le désert syrien pour y traduire la Bible en Latin.
Une exposition à la scénographie spectaculaire, au thème étonnant, qui mérite que les visiteurs de la Biennale fassent un détour vers Ca’ Corner…
« Machines à Penser »
Jusqu’au 25 novembre à la Fondation Prada de Venise.
Calle Corner, 2215.
www.fondazioneprada.org
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