The Good Business
Ils sont les acteurs essentiels du monde du whisky. Ils ont le nez fin et des idées originales qui font bouger les lignes du marché. Première partie.
David Frost, Président de la Scotch Whisky Association
A la tête de la puissante Scotch Whisky Association (SWA) depuis le 1er janvier 2014, David Frost représente toutes les distilleries d’Ecosse et s’assure de la promotion de leurs produits dans le monde. Un véritable travail de diplomate, son ancienne profession d’ailleurs. Multilingue, il a ainsi occupé plusieurs postes prestigieux à Londres, à New York ou encore à Paris, avant de prendre la tête de la SWA. « L’avantage d’avoir un passé diplomatique, c’est que j’ai un réseau de contacts important. Il y a toujours un moyen de contacter des membres d’autres gouvernements pour obtenir des résultats. Et de savoir jusqu’où aller. »
Il faut dire que l’enjeu est de taille pour l’industrie du whisky écossais, qui exporte 90 % de sa production dans le monde et sur laquelle a pesé l’incertitude du référendum sur l’indépendance de la nation. La SWA va d’ailleurs ouvrir un bureau à Londres afin de redynamiser les ventes qui ont connu une sévère baisse depuis 2013 (– 5 %, soit près de 4,2 millions de bouteilles). L’annonce d’une baisse de 2 % des taxes au Royaume-Uni devrait faciliter son travail.
Jimmy Russell, Master distiller de légende
Master distiller de Wild Turkey depuis plus de cinquante ans, Jimmy Russell est l’héritier du savoir-faire de son père et de son grand-père, qui occupaient, avant lui, la même fonction dans la même distillerie. Une vie passée à faire évoluer ce whisky et à lui donner ses lettres de noblesse. Avec Jimmy Russell, la production de Wild Turkey est passée de 80 barriques par jour à 550, et la gamme s’est développée avec de nouveaux produits. Une vie consacrée au bourbon et à la marque, rachetée par Campari en 2009, qui a investi plus de 100 M $ ces dernières années pour moderniser et agrandir la distillerie.
Jimmy Russell, comme son fils Eddie qui lui a succédé, continue d’entretenir un lien particulier avec « le » spiritueux américain : « Nous expérimentons toujours, car nous ne savons jamais ce que les consommateurs aimeront. Mais il est essentiel de préserver l’esprit du bourbon, sans le dénaturer avec un vieillissement trop long qui lui ferait perdre ses notes de caramel et de vanille, ainsi que sa douceur. » De quoi relancer l’engouement de la France pour le bourbon, qui, depuis 2007, a vu sa consommation augmenter de manière significative.
Bill Lumsden, le nez du whisky
Bill Lumsden est un précurseur. Master distiller et « nez » de Glenmorangie, il a fait entrer les single malts dans une ère nouvelle. Depuis vingt ans, il travaille sur une étape essentielle dans la production du whisky : la maturation, cette période pendant laquelle le distillat s’imprègne des arômes du bois. Reconnu pour avoir élargi l’utilisation de différents fûts de vins dans cette élaboration, Bill Lumsden est aujourd’hui imité dans le monde entier.
« Il y a beaucoup d’autres types de fûts que je souhaiterais essayer, mais je suis limité jusqu’à un certain point par les lois très strictes qui régissent la production de whiskys écossais. Officiellement, nous ne sommes autorisés qu’à utiliser des éléments traditionnellement employés dans l’industrie. » Et quand on lui parle de « triple maturation » (en fûts de bourbon pour une partie, de xérès pour une autre, par exemple, puis un assemblage dans un troisième type), il se rebiffe contre ce qu’il considère être du marketing pur. « Cela revient à donner une autre sorte de vie, qui n’a pas lieu d’être, à un whisky. »
Ian Chang, master blender du meilleur whisky du monde
En 2015, c’est un whisky taïwanais qui a été élu meilleur single malt du monde ! Une belle réussite pour la jeune distillerie Kavalan, et pour Ian Chang, récompensé du titre de « meilleur master blender ». En moins de dix ans – le tout premier whisky de la maison a été commercialisé en 2008 –, il a su faire de Kavalan une marque réputée. Ce diplômé en sciences de l’alimentation de l’université de Reading, près de Londres, a bien compris le nouveau paradigme des consommateurs avertis : de la qualité, plutôt que des whiskys âgés.
D’ailleurs, grâce aux températures subtropicales de l’île qui accélèrent le processus, il faut cinq fois moins de temps à un whisky taïwanais pour arriver à maturation qu’à un whisky écossais. « L’âge n’a pas de réelle importance. Nous voulons juste offrir le meilleur du whisky et nous espérons que la bouteille carrée sera notre signature visuelle. » Car à l’instar des marques japonaises, Kavalan met l’accent sur le design de ses packagings. « Cette signature exprime l’âme de la distillerie : 70 % de technologie et 30 % de savoir-faire. »