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Talentueux représentants de la nouvelle scène scandinave, Tham & Videgard font partie des architectes les plus enthousiasmants de leur génération. Une architecture expressive et efficace à découvrir en Suède, leur pays natal.
Bolle Tham (1970) et Martin Videgard (1968), le tandem de Tham & Videgard, sont nés à Stockholm. Ils ont grandi et fait leurs études dans la capitale suédoise, où ils vivent et travaillent aujourd’hui. Tous deux diplômés en 1997 de l’école d’architecture de l’Institut royal de technologie, ils créent leur agence deux ans plus tard, après quelques incursions à l’étranger : Paris et Saint-Marin pour Bolle ; Porto pour Martin. Ils démarrent leur activité alors que la récession des années 90 en Suède bat son plein. A deux, ils rénovent la cuisine d’un ami, réalisent le bar d’un copain, mais aussi quelques habitations privées. Le premier tournant de leur carrière arrive en 2004, lorsqu’ils remportent leur premier concours : le musée d’Art de Kalmar, en 2004. Achevé en 2008, le bâtiment porte en lui toutes les préoccupations architecturales qui ne cesseront d’animer Bolle Tham et Martin Videgard : une matérialité unique, une forme forte, une expression claire, une image spécifique.
Des panneaux en bois XXL, noir ébène, habillent cette plate-forme muséale ouverte sur quatre niveaux. Un outil au service de l’art mais aussi de la ville. Puis, en 2010, leur nom fait une entrée fracassante sur la scène internationale, avec quelques mètres carrés d’une photogénie imparable. Dans le nord de la Suède, non loin du cercle polaire, le Treehotel est un hôtel d’un nouveau genre : sept chambres, et autant de cabanes perchées au milieu des arbres en pleine forêt, à Harads, et confiées à différents architectes. Le Mirrorcube, conçu par le tandem suédois, a su rallier tous les suffrages. En lévitation, un cube habillé de miroirs sans tain permet aux occupants d’admirer le paysage sans être vus, tandis qu’à l’extérieur les façades reflètent les arbres, rendant la construction totalement immatérielle. Doté d’un fort pouvoir médiatique, le projet leur a valu de nombreuses publications et des prix en tout genre.
Un ADN suédois
Depuis, la crise est passée et les commandes se sont enchaînées. L’architecture explicite, matérielle et tactile de Tham & Videgard a trouvé un écho auprès de musées et d’équipements publics. On leur doit également des résidences particulières remarquables qui entretiennent un rapport franc et direct avec leur environnement, comme la maison de vacances de Lagnö, construite en béton. Entre la forêt et la mer, elle offre une variété d’espaces en termes de surface et de hauteur sous plafond, renouvelant la conception traditionnelle de l’architecture domestique. Au pays d’Ikea, le mode de vie réputé pour être qualitatif influe aussi sur la façon de travailler de Tham & Videgard. Quand ils démarrent à la in des années 90, ils sont chacun en train de fonder leur propre famille. L’architecture envisagée comme sacrifice ? Très peu pour eux. Chez Tham & Videgard, on travaille huit heures par jour, cinq jours par semaine et on prend le temps de s’accorder de longues vacances, été comme hiver. Et si nos deux hommes y ont laissé leurs cheveux, c’est à Dame Nature qu’il faut s’en remettre.
De nature, il est d’ailleurs question dans la plupart de leurs réalisations. Comprendre l’architecture de Tham & Videgard nécessite de prendre en compte le territoire qui les a façonnés : cette Suède où la moitié du territoire est occupée de forêts, où les lacs sont nombreux, où les côtes découpées laissent place à des centaines d’îles. Un pays où la densité humaine est l’une des plus faibles du monde (une vingtaine d’habitants au kilomètre carré). Naître et grandir en Suède n’est pas sans influencer directement la façon dont on appréhende le monde. Omniprésente, vierge, la nature, version majestueuse et intacte, est accessible très facilement. Cette relation privilégiée à la nature se traduit dans leurs bâtiments – tous construits en Suède –, auxquels une attention toute particulière au contexte a été systématiquement portée, dénotant une déférence envers ce qui est déjà là. Aujourd’hui, ils regrettent que le débat architectural soit éclipsé par ce qu’ils appellent les « super concepts », qui prennent souvent le dessus sur l’art de construire. Bolle Tham et Martin Videgard font partie de ces architectes qui considèrent que la théorie ne suffit pas et qu’il est important que les idées conceptuelles soient confrontées avec la réalité.
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