×
« L’École des Aigles », de J.M. Charlier et Uderzo
La couverture du premier volume de l’intégrale des aventures de Tanguy et Laverdure, qui démarre par « L’École des Aigles », de J.M. Charlier et Uderzo.
melanie2

Horlogerie

Tanguy et Laverdure, les chevaliers du ciel

Horlogerie

Ils sont tous les deux aviateurs. L’un est le prototype du héros à belle gueule, droit dans ses bottes. L’autre est un gaffeur impénitent doublé d’un dragueur invétéré, incarnation parfaite du second rôle et faire-valoir idéal du personnage principal. Michel Tanguy et Ernest Laverdure forment – en tout bien tout honneur – l’un des couples les plus célèbres de la bande dessinée franco-belge.

Pilotes de chasse de leur état, ils voient le jour le 29 octobre 1959 dans le premier numéro de l’hebdomadaire Pilote. Leurs géniteurs s’appellent Jean-Michel Charlier et Albert Uderzo. Le premier est un scénariste à l’imagination inépuisable, sorte d’Alexandre Dumas de la BD. Un feuilletoniste hors pair à qui l’on doit de nombreuses séries classiques, de Barbe-Rouge à ­Blueberry et des Belles Histoires de l’oncle Paul à La Patrouille des Castors. Le second est passé à la postérité en tant que créateur, avec René Goscinny, d’un petit Gaulois nommé Astérix, lequel ­effectue lui aussi ses débuts dans ce même numéro de Pilote.

Michel Tanguy vs Buck Danny

Si le personnage de Laverdure présente une ressemblance physique avec son dessinateur, celui de Tanguy doit beaucoup à un certain Marc Laurent, un pilote d’essai qui n’aura vécu que le temps d’une histoire intitulée Banjo 3 ne répond plus et publiée par le duo en 1956. Passionné d’aviation et éphémère pilote de la Sabena, la compagnie aéronautique belge, Jean-Michel Charlier est aussi le scénariste de Buck Danny, dessinée par Victor Hubinon et née dans l’hebdomadaire Spirou en 1947. Mais à la différence du héros américain, Tanguy et Laverdure défendent les couleurs de l’armée française. Ils volent à bord d’appareils aux couleurs tricolores, comme le Fouga Magister et surtout le Mirage III, dont la silhouette est indissociable de la série.

Ce qui n’empêchera pas le facétieux Charlier d’organiser une rencontre entre ses deux héros dans Les Anges bleus, le trente-sixième album de Buck Danny. Uderzo n’est guère attiré par l’univers militaire, mais il éprouve cependant un réel plaisir à dessiner les histoires de Charlier. « J’adorais ces personnages. ­Michel Tanguy, bien sûr, mais aussi son faire-valoir, Ernest Laverdure, à qui il arrivait toutes sortes d’histoires, qui faisait gaffe sur gaffe. Nous nous amusions bien avec lui », raconte le dessinateur dans le dossier de présentation du troisième tome de l’édition intégrale de la saga Dargaud. Dans la toute première histoire, L’École des aigles (d’abord intitulée par son scénariste L’École des aiglons), on peut même apercevoir, dans une scène de banquet dessinée à la planche 14, les deux auteurs ainsi que leur ami René Goscinny.

Cinq planches par semaine !

Le dessinateur, qui s’appuie sur une solide documentation, nourrit aussi ses descriptions réalistes par des séjours sur plusieurs bases aériennes organisés par l’armée de l’air. Celle-ci est enchantée de la publicité que lui offre la série. Le succès de Tanguy et Laverdure – qui éclipse d’ailleurs celui ­d’Astérix dans les premières années de ­Pilote – donne naissance à une adaptation télévisée. Intitulée « Les Chevaliers du ciel », elle est diffusée à partir de 1967, avec Jacques Santi et ­Christian Marin dans les rôles principaux. Mais Uderzo est accablé de travail. Il souffre d’une douleur à la main qui ne fera que s’accentuer au fil des années. Entre ­Tanguy et Laverdure, Oumpah-Pah et Astérix, il produit cinq planches par semaine. Debout à cinq heures, il est rivé à sa table à dessin jusqu’à minuit. Après s’être fait assister par son frère, Marcel, il se résout, au grand dam de son scénariste, à confier les personnages à Joseph Gillain, alias Jijé.

Figure historique de la bande dessinée belge, celui-ci était notamment, avant Franquin, le dessinateur de Spirou et Fantasio. Tanguy et son copain Laverdure poursuivront leurs exploits dans les pages de Pilote jusqu’au début des années 70, avant de migrer vers l’hebdomadaire Tintin et d’être repris par de nouveaux dessinateurs. Ils n’avaient sans doute plus leur place dans un magazine qui s’était baptisé « Le journal qui s’amuse à réfléchir », et sur lequel soufflait un vent de contestation né des événements de Mai 68…

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture