The Good Business
Lorsque de jeunes créateurs pleins de ressources nous font un appel du pied… on a du mal à résister.
Fréquemment taxé de conservatisme, le secteur du soulier masculin se réveille stylé et bien épicé. De jeunes créateurs parviennent à émerger en partant bien souvent de zéro. Un dynamisme porté, il est vrai, par une économie de la chaussure en bonne santé, même si, en France, le secteur est fortement concentré : aux côtés de grands groupes industriels comme Eram, Méphisto (qui exporte plus de 80 % de sa production), ou JB Martin, ont émergé des pure players à la croissance exponentielle, tels que Zalando ou Sarenza. Dès lors, comment expliquer l’engouement que suscitent ces nouvelles venues ? Parce qu’elles visent des niches originales : les monomaniaques de la bottine, les amoureux de la patine, le luxe très confidentiel, le sur-mesure par scanner.
Grâce à ce dynamisme, le marché de la chaussure retrouve une seconde jeunesse, ce qui n’est pas pour déplaire au consommateur, ravi de goûter aux concepts contemporains. Certes, ces jeunes optimistes doivent se battre pour conquérir leur clientèle et se faire remarquer sur le web avant d’espérer – un jour – trôner dans les plus beaux concept stores de Paris, de New York ou de Shanghai. Cette reconnaissance a aussi un prix, évidemment. Leur production étant souvent limitée, les griffes émergentes se battent pour trouver des financements ou pour convaincre des ateliers, en France, en Italie ou au Portugal, de produire en petites quantités… voire au compte-gouttes.
Ainsi, leurs fondateurs, néophytes en (presque) tout, cherchent conseil auprès des ateliers ; lesquels fournissent un service de modélisation, car leurs clients ne sont pas tous capables de dessiner un modèle, et encore moins d’en fabriquer le prototype. A ce propos, citons l’initiative d’Au-delà du cuir (ADC) qui en aide certains à passer ces obstacles en souplesse. Fondée en 2012, cette filière professionnelle issue de la Fédération française de la chaussure (FFC) bénéficie d’un fonds d’amorçage de 700 000 euros qui lui permet d’accompagner de jeunes créateurs d’entreprise dans leurs projets. Parmi les aides proposées, ADC garantit 50 % de leurs crédits bancaires et rembourse leurs dépenses à hauteur de 9 000 euros. Durant trois ans, ils seront suivis de près, coachés par des experts dans tous les domaines – parmi les 150 candidatures qu’ADC reçoit tous les ans, seuls 7 dossiers sont retenus !
Des créateurs dont les exportations augmentent
En outre, la conjoncture est encourageante. Car les cartes sont en train d’être rebattues. La part de la Chine, qui fabriquait hier encore 66 % des chaussures de notre planète, tombe à 60 %. L’une des principales causes de ce ralentissement provient du désengagement de l’Etat chinois, qui ne pratique plus le dumping dans ces industries, jugées non stratégiques, ainsi que de la hausse du coût de la main-d’œuvre (pas du salaire de l’ouvrier, comme on pourrait le croire, mais de celui de l’ingénieur, dont la rémunération tend à s’aligner sur les standards occidentaux).
Certes, la consommation de notre marché intérieur se tasse (chiffre d’affaires de 9 milliards d’euros, dont 38 % issu des souliers pour homme). A l’étranger, toutefois, la French touch et le label « Fabriqué en France » font toujours rêver. La preuve ? En cinq ans, les exportations ont progressé de 72 % et continuent sur leur lancée en 2017 (+ 7 %).
L’industrie de la chaussure en chiffres
• 25 Mds de paires de chaussures produites dans le monde chaque année.
• La Chine assure environ 60 % de la production mondiale de chaussures.
• En cinq ans, les exportations françaises ont progressé de 72 %.
• En 2017, les exportations françaises ont augmenté de 7 %, à 3 Mds €. Hormis la Chine, tombée du 5e au 7e rang (110 M € de CA), les autres marchés clients pour les marques françaises sont en hausse sur les 9 premiers mois de 2017 : l’Allemagne (+ 4 %), le Royaume-Uni (+ 16 %), l’Italie (+ 13 %) et les Etats-Unis (+ 14 %).
• 150 fabricants de chaussures environ subsistent en France.
• CA de la chaussure en France : 9 Mds € en 2017. 85 % des achats s’effectuent en magasin et 15 % en ligne.
En revanche, les échanges vers la Chine enregistrent une baisse, compensée par une pénétration accrue en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, ainsi qu’aux Etats- Unis. Tous les acteurs de la filière interrogés soulignent la stabilité du secteur, même si les prévisions de croissance à cinq ans sont difficiles à estimer. En effet, l’évolution est rapide, dynamique, mais fluctuante, liée à des incertitudes politiques, comme celle des relations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. Malgré tout, les bonnes dispositions du marché permettent de rester confiant en 2018.