Culture
The Good Life a sélectionné six artistes africains à surveiller lors de la foire Art Paris Art Fair, qui investira la nef du Grand Palais du 30 mars au 2 avril.
- Dalila Dalléas Bouzar – galerie Cécile Fakhoury, Abidjan
Née en 1974, à Oran, diplômée de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Dalila Dalléas Bouzar vit aujourd’hui à Bordeaux. C’est à la suite d’un séjour en Algérie qu’elle a produit la série Princesse : des portraits peints d’après les célèbres photographies de femmes algériennes prises par Marc Garanger pendant la guerre. En réponse à ces identités capturées sous la contrainte, voile ôté, l’artiste a produit des portraits empreints de gravité, où l’humiliation laisse place à une posture de résistance.
- Gareth Nyandoro – galerie Tiwani Contemporary, Londres
Gareth Nyandoro a représenté le Zimbabwe à la dernière Biennale de Venise, en 2015. Centrées sur l’imagerie du quotidien africain, ses œuvres, souvent de très grand format, sont le fruit d’une pratique virtuose. Il dessine des motifs en incisant des feuilles de papier qu’il imprègne d’encre, retirant ensuite la première couche pour que seule l’encre retenue dans la couche la plus profonde reste visible. Résident de SAM Art Projects en 2017, Gareth Nyandoro sera exposé à Paris, cette année, du 14 juin au 10 septembre au palais de Tokyo.
- Bitterkomix – galerie Huberty & Breyne, Bruxelles et Paris
Joe Dog (alias Anton Kannemeyer) et Conrad Botes (alias Konradski) constituent le duo le plus déjanté de la sélection. Il y a quinze ans, ils ont fondé Bitterkomix, un magazine underground ultrapolitisé qui dresse un portrait au vitriol de leur pays et qui tire sur tout ce qui bouge. Langage vulgaire, dessins mêlant les références à la BD américaine, façon Crumb, et franco-belge, façon Hergé : les planches originales sont un vrai régal… et un bon placement à l’heure où la BD réalise d’incroyables scores en salles des ventes.
- Namsa Leuba – galerie Art Twenty One, Lagos
Née de père suisse et de mère guinéenne, Namsa Leuba met à profit sa double culture et réconcilie avec humour les imaginaires africains et occidentaux. Jeune diplômée
de l’Ecole d’arts visuels de New York, elle crée un pont entre la mode et l’ethnologie, et produit des images efficaces et drôles qu’on retrouve dans les pages des magazines de mode. En 2015, ses étonnantes mises en scène d’enfants guinéens transformés en fétiches figuraient en bonne part dans la biennale Photoquai du musée du quai Branly, à Paris.
- Mohau Modisakeng – galerie Tyburn, Londres
Qu’il recoure à la vidéo, à la photographie ou à l’installation, Peter Modisakeng, alias Mohau, a fait de son corps le messager d’une œuvre empreinte d’une grande beauté plastique. Creusant les ténèbres, déployant une musculature de guerrier, cet artiste performer, né à Soweto, exprime à travers son corps toute la violence de la société sud-africaine, celle d’hier, à l’époque de l’apartheid, et celle d’aujourd’hui. Cette année, Mohau Modisakeng représente, avec Candice Breitz, l’Afrique du Sud à la Biennale de Venise.
- Soly Cissé (galerie MAM, Douala ; fondation Donwahi, Abidjan)
Né en 1969, artiste inclassable pratiquant le pochoir, les collages, le dessin, la peinture et la sculpture, Soly Cissé occupe le devant de la scène sénégalaise depuis une dizaine d’années. Dans ses œuvres les plus récentes, il prélève des images de magazines d’art occidentaux et dessine dessus, créant un univers de métissage où se coagulent êtres hybrides, esprits et signes de la mondialisation. Parallèlement à Art Paris Art Fair, Soly Cissé bénéficie d’une grande exposition parisienne, du 24 mars au 1er mai au musée Dapper.
Rencontre avec Guillaume Piens, Commissaire général d’Art Paris Art Fair
The Good Life : Quelle Afrique couvrez‑vous avec Art Paris ?
Guillaume Piens : Toutes ! Francophone, anglophone et lusophone, Maghreb compris. Nous couvrons aussi l’Afrique de la diaspora, car nombre d’artistes et de galeristes opèrent désormais en dehors du continent africain, tout en le représentant. C’est surtout vrai de ceux qui sont nés dans les années 70 et 80. Nous donnons une grande visibilité à cette génération émergente, qui est très différente de celle issue des indépendances.
TGL : Quel est le profil de cette nouvelle génération ?
G. P. : Ces jeunes artistes ont mis à profit les programmes de résidence à l’étranger. Ils ont accès à Internet et ont un langage visuel très sophistiqué, bien loin des clichés sur l’artiste africain bricoleur qui ferait des œuvres à trois sous. L’Occident n’est plus leur unique référence ou leur unique repoussoir. Ils sont, comme tous les artistes d’aujourd’hui, citoyens du monde, avec une pensée autonome.
TGL : La France a-t-elle pris du retard dans son appréhension de la richesse de la scène africaine ?
G. P. : Oui, c’est la raison pour laquelle nous proposons un programme foisonnant d’événements qui offrent des éclairages sur les horizons artistiques africains : une sélection de vidéos autour de la thématique du corps, une plate‑forme dédiée à la production éditoriale et critique du continent africain et, enfin, une journée de conférences qui réunira les acteurs ainsi que les producteurs culturels engagés sur le terrain.
Art Paris Art Fair
Du 30 mars au 2 avril.
Grand Palais
3, avenue du Général-Eisenhower (Paris 8e).
www.artparis.com