Art
The Good Culture
L’année 2024 marque les 10 ans de la fondation au Muy, dans le Var, mais aussi la multiplication de projets phares – à Arles, Bodrum, Paris, Venise, Pékin… – et l’expérimentation de nouveaux champs créatifs en lien avec l’intelligence artificielle pour le plasticien français de renommée internationale. Sa fondation est un écrin unique. Visite guidée.
Difficile de ne pas être impressionné. Ici, tout est monumental et, pourtant, très intime. En marge de la petite ville du Muy se cache l’une des collections les plus insoupçonnées d’art contemporain et moderne. Arman, Larry Bell, Anthony Caro, Tony Cragg, Richard Deacon, Anish Kapoor, Phillip King, Sol LeWitt, Robert Morris, … Ils sont tous là ! Il y a aussi de nombreuses sculptures de Bernar Venet, évidemment, le maître des lieux, au Domaine du Muy.
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Musée à ciel ouvert
Connu pour ses immenses arcs en acier Corten et ses œuvres conceptuelles, self-mademan ayant vécu près de quarante ans aux États-Unis, où son travail est unanimement célébré, Bernar Venet, 83 ans, est un artiste contemporain comme on n’en fait plus. Grand, truculent, dévorant la vie à pleines dents, il n’a jamais cessé de créer ni de se réinventer.
Cette année, il a notamment inauguré une sculpture monumentale composée de 13 arcs en acier Corten, d’une longueur totale de 27 mètres, pour un poids de plus de 40 tonnes. Baptisée 83.5° Arc x 13 et commandée par le mécène Théodore Schneider, fils du fondateur de Breitling, cette œuvre a été mise à la disposition de la ville d’Arles, qui l’a installée sur le rond-point de la place Lamartine.
Il a aussi posé deux arcs d’acier gigantesques dans une baie de Bodrum, en Turquie, pour l’inauguration du Maxx Royal Bodrum Resort, et mis sa patte sur le site des jeux Olympiques de Paris 2024 avec une œuvre pérenne, intitulée Convergence : 54.5° Arc x 14 (18 m de hauteur), également réalisée en acier Corten et inspirée par son utilisation du dédoublement lors de son exposition au château de Versailles, en 2011.
Homme du Sud, né dans les Alpes-de-Haute-Provence, il vit entre Paris et Le Muy, où se dresse sa fondation, assemblage de plusieurs parcelles à la topologie singulière et d’une rare richesse artistique.
Tout commence à la fin des années 80, quand Bernar Venet cherche un espace pour entreposer et stocker ses immenses sculptures. Après plusieurs mois de recherche, il opte, en1989, pour un domaine organisé autour d’un barrage avec un moulin construit en 1737 : la propriété des Serres, havre de paix dans l’arrière-pays varois, la région d’origine de l’artiste.
Rapidement, ce lieu unique se place au cœur de sa pratique artistique délimitant, selon l’intéressé, « de nouveaux rapports entre création et espace de présentation ». Traduction : il s’agirait, toujours selon l’artiste, d’un atelier d’un nouveau genre, dans lequel rien ne serait produit, afin de créer un espace mental où s’échangent idées, théories, désirs et connaissance.
Au fil des ans, le domaine du Muy s’agrandit, accueille de plus en plus d’œuvres (principalement des échanges entre Bernar Venet et d’autres artistes), évolue et devient, en 2014, une fondation de droit américain, dont l’objectif est de préserver la propriété du Muy, de conserver la collection et d’assurer la pérennité de l’œuvre de Bernar Venet.
« Cette fondation est l’aboutissement de plus de soixante années de création artistique et de rencontres entre Bernar Venet et des artistes majeurs, français et étrangers, devenus ses amis ; elle est aussi le fruit de plus de trente années de transformation de la propriété du Muy en une œuvre d’art totale », explique le cartel d’introduction. Détail amusant, la richesse muséale de la fondation est principalement issue du troc.
« Dès 1963, j’ai rapidement bénéficié du soutien et de l’amitié d’artistes tels qu’Arman, César, Villeglé, qui se sont montrés très généreux avec moi, confirme Bernar Venet. J’étais totalement inconnu, et avoir le privilège de faire des échanges avec des artistes qui étaient en train de changer en Europe le cours de l’histoire me gratifiait et me rassurait. Nos œuvres n’avaient pas de valeur commerciale. Nous produisions plus que nous ne vendions, et troquer une œuvre pour une autre nous procurait un plaisir complice et rassurant. »
Il poursuit : « Certaines pièces ne sont pas très importantes par leurs dimensions, mais précieuses par leur originalité. Ainsi, au cours d’une soirée très tardive passée au bar Rosebud, à Montparnasse, Raymond Hains, Villeglé et Rotella m’ont signé l’étiquette, artistiquement déchirée, d’une boîte d’allumettes de la Seita. Les trois signatures sur ce que l’on pourrait qualifier de miniature datée de 1964 restent pour moi quelque chose de précieux. » Depuis, Bernar Venet n’a jamais cessé d’échanger ses œuvres…
Entre nature et sculptures
Projet de vie de l’artiste, ce lieu de sept hectares mêle, dans une nature omniprésente, architectures ancienne, industrielle et contemporaine : un parc de sculptures (Arman, Larry Bell, Anthony Caro, Tony Cragg, Richard Deacon, Anish Kapoor, Phillip King, Sol LeWitt, Robert Morris), des œuvres historiques et plus récentes de l’artiste (dont la célèbre sculpture exposée devant le château de Versailles en 2011), ainsi qu’une collection emblématique d’art conceptuel et minimal (Sol LeWitt, Frank Stella, Donald Judd).
« Il est rare qu’un artiste français présente d’autres artistes de son vivant, souligne Jérôme Sans, ami de l’artiste et commissaire indépendant ayant notamment mené la dernière exposition de la Venet Foundation, consacrée à Stefan Brüggemann. Bernar Venet a compris que la vie, et donc l’art, ce n’était pas simplement faire et prendre, mais que c’était aussi donner et savoir, un jour, revenir à ses origines. » La fondation se visite sur rendez-vous (groupe de 25personnes au maximum) pendant la période estivale, et jusqu’au 28 septembre cette année.
Domaine du Muy
83 Chem. des Leonards, 83490 Le Muy
Site internet
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