The Good Business
Depuis près de 15 ans, les fondateurs de Schoolab militent pour le décloisonnement des disciplines au sein des entreprises françaises. Portrait.
Quand les espaces de coworking, les cabinets de conseil aux méthodes made in USA et les accélérateurs de startups se multiplient à Paris, un acteur à part, qui mêle ces trois activités et plus encore, fait son bonhomme de chemin hors de sentiers battus depuis près de 15 ans.
En 2004, Olivier Cotinat, Jean-Claude Charlet et Julien Fayet importent, alors que chacun travaille de son côté comme entrepreneur dans la tech, l’art et la publicité, un cours de Stanford consacré au « design thinking ». Ils le vendent alors à l’ESSEC, CentraleSupélec et l’école de design Strate. L’objectif ? Mêler plusieurs disciplines pour décloisonner l’entreprise, encore trop « silotée » en France.
Pendant près de 10 ans, ils continuent à apprendre à ces entrepreneurs du futur la synergie entre toutes les branches d’une firme avant que ce concept qui a fait le succès de nombreux groupes américains ne devienne une tendance forte dans l’hexagone. En 2013, ils mettent 4 000 euros chacun dans une enveloppe et fondent Schoolab. Le concept ? Mettre en relation des étudiants, de jeunes startups et des grands groupes avec le même objectif à chaque fois : la réalisation d’un produit.
Schoolab croît de 100 % tous les ans
Le succès est tel que les trois fondateurs sont obligés de se « poser » et ouvrent leur premier lieu en septembre 2015, rue de Cléry, dans le quartier du Sentier. Ils installent ensuite une cinquantaine de postes à la Station F avant de réaliser leur première levée de fonds en novembre dernier. Dix millions d’euros récoltés en seulement 6 semaines, et uniquement avec des personnes physiques. Une prouesse !
Depuis deux mois, ils ont installé leur troisième bureau parisien près de Saint-Lazare… Qui est déjà complet. C’est ici que The Good Life a rencontré Olivier Cotinat, l’un des trois fondateurs de cet OVNI du paysage entrepreneurial français et européen.
6 questions à Olivier Cotinat, co-fondateur de Schoolab :
The Good Life : Quelles sont les principales activités de Schoolab ?
Olivier Cotinat : La moitié de notre activité est consacrée à l’accélération de projets. On le fait dans 22 villes en France pour des entreprises, jusque des grands groupes du CAC 40. On répond à leur demande avec un produit plutôt qu’avec des recommandations stratégiques. Ensuite, 20 % sont consacrés à la formation. Nous opérons des cours pour les l’ESSEC, CentraleSupélec, Strate mais aussi Berkeley et l’Ecole polytechnique notamment. Les étudiants sont accueillis dans nos espaces et participent à des cours pratiques. Nous aidons également des cadres en reconversion qui veulent monter leur boîtes, des startups à se développer via plusieurs programmes sur cinq mois et des grands groupes qui veulent créer une branche « innovation ». C’est le cas de La Poste, BNP ou Enedis par exemple. Cela représente 15 % de notre activité. Enfin, les 15 % restants sont le fruit de l’exploitation de nos bureaux.
The Good Life : Vous êtes rentables sur toutes les branches de votre activité… Comment vous rémunérez-vous ?
Olivier Cotinat : Dans tous les cas, nous sommes payés par les clients pour le service rendu en fonction du nombre de salariés et de leurs activités, même les startups. Nous ne voulons pas prendre une part de capital, comme c’est souvent le cas pour les accélérateurs. Cela nous permet de nous concentrer sur le concret, les résultats immédiats, la qualité du service. Le plus gros de notre chiffre d’affaires vient de nos activités avec les grandes entreprises.
TGL : Quels sont les avantages, pour les étudiants, les jeunes entrepreneurs et les grands groupes à travailler avec Schoolab ?
O.C. : Nous mettons à leur disposition un pool d’experts, des gens qualifiés dans de nombreuses disciplines différentes et aux parcours universitaires variés. Puis c’est un cercle vertueux. On forme les étudiants qui rejoindront peut-être une startup ou une grande entreprise, on permet aux startups de faire du business avec les grandes entreprises et de piocher des talents parmi les étudiants et on offre aux grandes entreprises des contacts avec des talents et des startups qui viennent dynamiser et moderniser leur vision de l’entrepreneuriat. Notre mission principale est d’aider les gens et les organisations à grandir ensemble.
TGL : Quelle est l’itinéraire d’une startup qui rejoint Schoolab ?
O.C. : D’abord, il faut passer l’étape de sélection. Nous recevons entre 150 et 180 candidatures à chaque session. Nous avons fait le pari d’accueillir un par un et physiquement chaque candidat, partant du principe qu’un dossier ne vaut pas grand-chose. Cela vaut surtout pour certains entrepreneurs des « quartiers » qui n’ont pas forcément les codes mais sont des talents formidables. Pour s’en rendre compte, il faut les rencontrer. En fonction de ce que l’on peut leur apporter et de leur impact sur la société, nous décidons, ou non, des les intégrer. Ensuite, pendant 5 mois, ils sont accompagnés sur tous les sujets ! Le recrutement, le prototypage, les tests produits, la confrontation à la réalité avec des retours clients. On les présente également à des corporate, des banques, des avocats, des clients potentiels… Ils sont entourés par deux mentors, un entrepreneur expérimenté et un ancien « élève » de Schoolab et conseillés en permanence par nos experts. On en compte une centaine en CDI, plus de 200 en freelance et on y ajoute notre réseau de 5000 alumni à qui on peut faire appel ponctuellement en fonction de la demande des startups. Certaines peuvent générer, dès la première année, plusieurs centaines de milliers d’euros… sans lever de fonds !
TGL : Justement, vous avez levé 10 millions d’euros il y a quelques mois, alors que vous fonctionnez sur vos propres fonds depuis le départ…
O.C. : Nous aurions pu continuer à nous développer sans cette levée de fonds, mais elle va principalement servir à accélérer notre déploiement et l’ouverture de bureaux. Elle sert de garantie pour convaincre les bailleurs. Ainsi, nous avons pu ouvrir à Saint-Lazare notre troisième espace. Nous allons bientôt ouvrir un immeuble à San Francisco et d’autres en province fin 2020, puis à l’étranger. Berlin et Londres, entre autres, nous font des appels du pied mais nous ne voulons pas précipiter les choses. Conserver notre rentabilité et notre stabilité est important. Nous développer, oui, mais à notre rythme.
TGL : Outre l’ouverture de ces nouveaux bureaux, quels sont les projets de Schoolab à moyen-terme ?
O.C. : L’important est d’accompagner notre croissance. C’est une problématique de riche mais une problématique quand même ! (rires) Il faut se structurer, embaucher, se réinventer… Et continuer à anticiper les nouveaux sujets qui préoccupent les entrepreneurs. Dans 10 ans, on espère avoir participé à un reboot global du monde de l’entreprise en France, des PME aux hôteliers en passant par les grands groupes. Puis on souhaite également avoir un impact sur la société, en travaillant contre le gaspillage par exemple. Ou encore en ouvrant des portes aux jeunes des banlieues, notamment avec La Scène qui met en relation des acteurs avec des entrepreneurs peu habitués à pitcher leurs produits. Nous avons également lancé Compass. C’est un programme qui permet à des jeunes de 14 à 18 ans qui se posent des questions sur leur orientation professionnelle de rencontrer des entrepreneurs. Ils les aident à comprendre comment ils pourraient réussir tout en ayant un impact positif sur le monde.
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