The Good Business
Rosapark est une agence de pub presque artisanale, aux inspirations urbaines qui a complètement changé l'image de Monoprix, en lui offrant un packaging pop art et minimaliste. The Good Life a rencontré Jean-François Sacco et Jean-Patrick Chiquiar, deux des trois fondateurs.
Rosapark (@ROSAPARK_agency) est née en 2012 de l’association entre Gilles Fichteberg, Jean-Patrick Chiquiar et Jean-François Sacco.
Des boites de conserves habillées de jeux de mots pour Monoprix, un preneur de son qui se balade dans les villes d’Europe desservies par le Thalys pour illustrer le voyage autrement que par des images, un manège avec de vraies Mercedes en plein Londres pour Europcar… Cette agence hors-sérail aime les défis et surprendre ses clients – souvent des marques déjà bien installées – autant que les consommateurs.
Elle cultive sa différence en externe comme en interne, à la recherche de l’équilibre idéal entre business et créativité, longévité et innovation, vie de quartier et ouverture sur le monde. The Good Life a rencontré deux des trois larrons dans leurs locaux du village Paul Bert, au cœur du 11e arrondissement de Paris. Un quartier qui est presque un collaborateur à part entière : Rosapark est allée jusqu’à co-signer un livre qui lui est consacré.
The Good Life : En quittant les grandes agences dans lesquelles vous étiez installés (Saatchi&Saatchi, Young & Rubicam, Publicis) pour créer Rosapark, quelle était votre ambition ?
Jean-François Sacco : Nous rêvions d’une agence idéale, l’équilibre parfait entre une vraie ambition de faire du business et une haute valeur ajoutée dans la créativité. En combinant les forces nous voulions intégrer toutes les techniques de la création, de la TV, du print, du cinéma, les réseaux sociaux… La manière de déployer une idée est aussi importante que l’idée elle-même.
Jean-Patrick Chiquiar : Nous voulions aussi une plus grande liberté, pouvoir prendre nos clients à rebours, si nécessaire. Prenons Tribord par exemple : ils nous ont demandé de préparer une annonce presse pour leur veste de flottaison. Nous leur avons proposé de créer une nouvelle boisson : des canettes d’eau de mer, pour souligner l’importance d’une telle veste. Quand on imagine une campagne, on se met à la place du client, on pense comme si c’était notre marque, notre argent. C’est aussi cette liberté qui fait qu’aujourd’hui certaines marques viennent chez nous pour bousculer leur image. C’est une équation qui marche aussi bien avec nos clients qu’en interne : nos collaborateurs sont encouragés à proposer leurs idées en permanence.
TGL : Ce sont donc les marques qui vous approchent… Comment faites-vous le tri entre vos potentiels clients ?
J-P. C. : On ne peut malheureusement pas répondre positivement à tout le monde, faute de temps. Donc on élimine d’office toutes les marques qui nous approchent pour faire du one shot, créer l’événement une fois et faire un coup. On les comprend, mais on a l’intime conviction que les grandes marques se construisent sur la durée. On voit nos relations avec les clients de la même manière, il faut qu’il y ait une logique d’accompagnement. Le budget des campagnes et la taille des entreprises ne font pas partie de nos critères.
La campagne pour Europcar, avec un carrousel de vraies Mercedes (2016)
The Good Life : Parmi les clients les plus importants, il y a Monoprix avec qui vous travaillez depuis la création de l’agence et dont vous avez totalement bouleversé l’identité visuelle… Comment on s’y prend ?
J-P. C. : D’abord, on prend son courage à deux mains, du côté du client et du côté de l’agence ! (rires) Ensuite, nous sommes partis du principe qu’être une entreprise du quotidien, c’est une chance, qu’il fallait mettre en valeur. Nous avons voulu rendre glamour le produit le moins sexy dans le monde de la distribution : la marque propre. En la rendant Warholienne, toutes proportions gardées, on la sublime et on prend tout le monde à contre-pied. Chez Monoprix, ils ont eu les tripes de changer 2 000 packagings, et de notre côté c’était autant de briefs pour les créatifs : un sacré défi des deux côtés… Payant !
J-F. S. : Pour changer l’identité d’une marque, c’est intéressant aussi de partir sur des chemins différents. Pour Thalys par exemple, nous avons envoyé un preneur de son dans les villes desservies, puis nous avons créé une carte avec plusieurs prises jack pour écouter le son qui correspondait à tel ou tel point sur la carte. C’est le social qui ramène à la pub, pas l’inverse.
TGL : A propos de l’image, on observe un retour à l’essentiel généralisé, que ce soit dans la typographie, les couleurs, l’histoire racontée… Comment l’expliquez-vous ?
J-P. C. : Less is more. Le marketing avait tendance à en rajouter encore et toujours, alors que le consommateur connaissait toutes les ficelles… Aujourd’hui, le but c’est simplement d’attirer son attention, alors on enlève le gras : les voix off inutiles, les messages secondaires, voire tertiaires… S’il est pertinent, le minimalisme touche sa cible plus facilement aussi dans le design, la décoration, même la cuisine.
La campagne Thalys (2015), qui devrait connaître une suite dès le mois de mai prochain...
TGL : La cuisine justement, c’est le cœur du livre dont l’agence est co-auteur, Village Paul Bert. Quel a été votre rôle dans la conception de l’ouvrage, et surtout, en quoi ce quartier est-il si important pour Rosapark ?
J-P. C. : Le livre est une histoire de voisins. François Simon (critique culinaire, ndlr.) et Bertrand Auboyneau (restaurateur, ndlr.) sont du quartier et à force de se croiser, on a décidé de faire quelque chose pour leur rendre hommage. Nous avons utilisé notre savoir-faire dans le storytelling pour la direction artistique et co-signé cette publication. Ce quartier est un nid de bistronomes, des cuisiniers qui ont fait leurs gammes chez les plus grands pour prendre leur envol et revenir ensuite aux classiques en utilisant les techniques les plus pointues. Un peu comme nous, lorsque nous avons fondé Rosapark…
J-F. S. : C’est un quartier d’artisans, comme nous ! On façonne, on pense, on dessine… On se considère comme les héritiers des menuisiers ou des encadreurs qui ont fait ce petit bout du 11e arrondissement de Paris. Puis il est ouvert sur le monde, pas figé comme peut l’être Montmartre. Le livre, quant à lui, est aussi une réponse après les attentats qui ont touché cette partie de la ville, le village respire, fait la fête, mange en terrasse, et il le fera toujours.
Rosapark, en chiffres
- Siège : 7, impasse Charles Petit, Paris (11e)
- Nombre de salariés : 80 (un quart recruté sur les 12 derniers mois)
- Chiffre d’affaires 2016 : 17 millions €
- Nombre de clients 2016 : 20
- Nombre de campagnes 2016 : 100
Le livre, Village Paul Bert, disponible ici.