The Good Business
Ils sont français, ont des idées originales qui font bouger les lignes et des convictions qui changent souvent la donne…
A la barre d’un navire industriel à redresser
Greg Poux-Guillaume
C’est une ambitieuse mission qui lui est confiée, d’insuffler une seconde vie à Sulzer, ce grand groupe industriel suisse – 3 Mds $ de chiffre d’affaires, 15 000 salariés – fortement implanté sur les marchés du pétrole et du gaz, et dont la création remonte à… 1834. Nommé CEO de Sulzer, Greg Poux-Guillaume, 46 ans, présente un profil idéal pour barrer ce paquebot aujourd’hui en pleine restructuration, alors qu’il doit faire face aux difficultés qui plombent le secteur des hydrocarbures. Diplômé de l’École centrale et d’Harvard, il a débuté comme ingénieur d’exploration chez Total, en 1993, avant de rejoindre Alstom dix ans plus tard, après une parenthèse dans le conseil, chez McKinsey. L’ancien baroudeur sera le président d’Alstom Grid (filiale dédiée aux réseaux intelligents), un poste qu’il s’est vu proposer en 2011 alors que le fleuron industriel français venait de tomber dans l’escarcelle du géant américain General Electric. Greg Poux-Guillaume aurait pu s’installer durablement à la barre de cette branche d’Alstom redevenue rentable sous sa gouverne, mais il a préféré poursuivre son aventure industrielle sous le drapeau suisse du groupe zurichois.
L’éminence grise du recrutement numérique
Françoise Gri
Longtemps, cette ingénieur diplômée de l’Ensimag, à Grenoble, s’est abritée derrière une image lisse de femme sans états d’âme. Celle qui a grandi avec le précepte maternel « dans la vie, on se bat » et qui a triomphé de ce handicap bien français qui consiste à ne pas oser prétendre aux fonctions de haut dirigeant quand on a grandi à l’écart de l’establishment est classée par Fortune parmi les 50 femmes les plus influentes du monde. Habituée à oxygéner les anciens champions en quête de tonus – IBM, dont elle a accompli la mutation de fabricant d’ordinateurs en prestataire de services ; Manpower, à qui elle a donné une image valorisante, puis Pierre & Vacances-Center Parcs, converti au numérique –, Françoise Gri prend aujourd’hui la présidence du conseil d’administration de Viadeo, acteur du recrutement numérique qu’elle entend réarmer face à son rival LinkedIn. Et la wonder woman – elle a élevé seule ses deux filles, créé son propre cabinet de conseil et est auteur de Wonder Power. Femme et patron – de consentir à dévoiler un peu d’elle-même : son admiration pour Simone Veil et ses passions pour la musique classique et le jardinage.
Le bâtisseur mécène qui révèle les jeunes talents
Laurent Dumas
Saint Jacques n’aurait pu imaginer à quel point la longue route qui mène à l’église qui lui est dédiée pouvait se révéler capable d’influer sur les destins ! C’est au retour d’un pèlerinage, en 2003, que le président fondateur du groupe immobilier de luxe Emerige a eu ce coup de foudre pour l’art moderne, puis pour l’art contemporain, dont il est aujourd’hui un mécène engagé et influent. Fervent défenseur des artistes et architectes français, pour lesquels il officie en missionnaire éclairé au palais de Tokyo ou à la Fiac, Laurent Dumas a créé la bourse Révélations Emerige, destinée à récompenser les jeunes prodiges. « C’est un mal français que de ne pas défendre nos talents », assène ce fan de Giacometti que certains qualifient un peu vite d’« autodidacte ». Actionnaire de la maison de ventes Piasa et membre fondateur du Tokyo Art Club, ce cinquantenaire à la réussite flamboyante – en 2008, il a su faire muter sa société immobilière Transimmeubles en groupe Emerige – bluffe son entourage tant par sa puissance de travail et par sa créativité que par cette volontaire empreinte affective qu’il laisse dans ses choix professionnels et artistiques.
Le révolutionnaire des objets connectés
Ludovic Le Moan
Sa success-story aurait pu voir le jour dans un garage de la Silicon Valley, mais l’enracinement bien français de Sigfox, la PME que Ludovic Le Moan a cofondée dans la banlieue toulousaine, en 2009, qui vise aujourd’hui une pole position mondiale sur l’Internet des objets connectés, la rend plus fascinante encore. Ce titulaire d’un CAP de tourneur-fraiseur, qui trouvera le chemin des classes préparatoires et de l’Ensimag, à Grenoble, dont il est diplômé, est l’inventeur, avec son associé, Christophe Fournet, d’une nouvelle technologie de réseau Internet apte à connecter une myriade de produits et objets intelligents. « Fou furieux » de la tech, Ludovic Le Moan, qui mène une vie simple dans sa ferme des environs de Toulouse – mais qui déjeune avec Jacques Attali et Anne Lauvergeon –, prépare l’entrée de Sigfox – plus de 10 M € de chiffre d’affaires, 100 M € de fonds levés en 2015 – au Nasdaq. « J’accrocherai le S de Sigfox aux GAFA ! » lance-t-il, sûr de son destin. « GAFA », l’acronyme qui soude déjà Google, Amazon, Facebook et Apple. Rien de moins !
La financière qui décoiffe la haute finance
Virginie Morgon
Quatre enfants, mais une silhouette mince et sportive ; un éreintant job de haut vol, mais pas de rides et, dans sa vie, un beau designer sympa : la flamboyante réussite de Virginie Morgon, directrice générale d’Eurazeo, l’une des plus importantes sociétés d’investissement d’Europe – 5 Mds € d’actifs en gestion –, en agace plus d’un. D’autant que la dynamique quadra se paie le luxe d’afficher sa nature fantaisiste et de laisser flotter une longue chevelure platine d’ordinaire proscrite par la caste des dirigeantes. Hier encore coincée parmi les costumes anthracite alignés autour de la table ovale lors du conseil d’administration de la banque Lazard – où cette Science-po Paris, titulaire d’un MBA de l’université Bocconi, à Milan, a contracté ce virus guerrier de la banque d’affaires (à New York, à Londres et enfin au siège parisien de 2001 à 2007) –, Virginie Morgon voit ses désirs d’adrénaline comblés à la tête d’Eurazeo. Après des débuts « prise de tête et des nuits blanches » lors de l’épineux bouclage du dossier Accor, la financière a su flairer les bonnes affaires en faisant entrer Eurazeo au capital des doudounes Moncler, puis, en 2014, en devenant actionnaire de Desigual.
Le vorace numéro 2 de la restauration
Olivier Bertrand
Le coup de fourchette de ce président fondateur du Groupe Bertrand, numéro 2 de la restauration en France – 1,6 Md € de chiffre d’affaires en 2015 –, est tel qu’il coupe l’appétit de ses nombreux challengers : après avoir racheté la Brasserie Lipp et les salons de thé Angelina, il a récemment englouti Quick et Burger King. S’est ajoutée à son menu 2016 la brochette des 13 cafés parisiens du groupe des Frères Blanc, parmi lesquels Le Procope et L’Alsace. Le tout au prix de négociations très… ceinturées, tant cet Auvergnat déteste « surpayer » ce qu’il rachète ! Marié et père de quatre enfants, ce travailleur acharné, mais allergique à l’école, a débuté à 18 ans comme bagagiste aux États-Unis, avant d’atterrir à la banque Hervet, où il a appris « à lire les bilans des entreprises ». Puis il s’est lancé dans une serial fièvre acheteuse : un tout premier restaurant vite revendu, suivi d’une flopée de restos à thèmes dans les années 90. La chic marque de sandwichs Lina’s lui échappe en 2002, mais il s’empresse de croquer la sélecte Angelina. Depuis lors, l’appétit d’Olivier Bertrand semble inextinguible.
Le surdoué des niches industrielles
Michaël Fribourg
Il est de ces hyperdoués à qui tout réussit, la sphère publique comme le privé, les cabinets ministériels comme le business. A 33 ans, le jeune patron de Chargeurs, ce champion mondial – mais français – des niches industrielles telles que le film plastique ou la laine peignée – 500 M € de chiffre d’affaires, dont plus de 90 % réalisés à l’étranger, résultat opérationnel en hausse de 33,6 % – en est déjà à sa troisième vie professionnelle ! Ancien banquier d’affaires (banque d’investissement Arjil), ancien conseiller aux ministères des PME (celui de Renaud Dutreil), puis de l’Industrie (Eric Besson), père de deux enfants, ce normalien, énarque, inspecteur des finances, fait aujourd’hui parler sa fibre de businessman aux commandes de ce groupe dont il prétend encore améliorer les résultats déjà excellents. Depuis 2013, Michaël Fribourg a fait preuve d’un sens du terrain pas forcément décelable sous ses allures de sage écolier en cravate, prenant l’initiative, dès son arrivée, d’un tour du monde des filiales de Chargeurs, présent dans 32 pays. Pas de quoi priver le CEO de ses hobbies – tennis, expos d’art contemporain – ni de ses engagements associatifs, toujours bien en vue sur son timing très… élastique.