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Evan Sung

The Good Guide // Food

Le Doyenné : un restaurant locavore d’exception à une heure de Paris

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À peine une heure de Paris, Le Doyenné s’impose comme l’un des restaurants les plus singuliers de France. Niché dans une ancienne ferme rénovée, ce projet porté par deux chefs australiens conjugue haute cuisine locavore, potager en permaculture et chambres d’hôtes raffinées. Un lieu rare, où l’on savoure autant le menu que le paysage.

Depuis son ouverture en 2023, Le Doyenné n’a cessé de faire parler de lui. D’abord parce qu’il a marqué l’aboutissement d’un projet de longue haleine — presque quatre ans — mené par deux chefs australiens. Aussi parce qu’il s’est implanté dans l’Essonne, à une petite heure de Paris (sans embouteillage), plutôt que dans l’est parisien. Enfin, parce qu’il a attiré à lui comme un aimant les critiques et amateurs de bonne chair qui ont prêché la bonne parole de retour en la capitale. Le lieu a rapidement cumulé les distinctions : des toques rouges du Michelin, mais aussi l’étoile verte, celle qui récompense les engagements environnementaux.

Mais ce qui séduit avant tout, c’est cette réalisation hybride, entre table et chambres d’hôtes, qui tient du petit miracle. Bref, il faut se dire que tout Parisien — comme nous — qui n’aurait pas entendu parlé (ou visité !) Le Doyenné est passé à côté de quelque chose, Le Fooding l’ayant d’ailleurs distingué « meilleure table » dans son édition 2023. La bonne nouvelle : l’aventure de James Henry et Shaun Kelly se poursuit, et de plus belle ! Rattrapons le temps perdu.

Shaun Kelly et James Henry.
Shaun Kelly et James Henry.

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De la ferme à la table

Le Doyenné prend racine dans le domaine du château de Saint-Vrain, qui fut jadis la villégiature de la comtesse du Barry, dernière favorite de Louis XV, avant de passer entre les mains de la famille Mortemart, il y a plus de deux siècles. Dans les années 70, les anciennes écuries, aujourd’hui reconverties, abritaient les expérimentations monumentales de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. Une sacrée légende comme point de départ à l’histoire du Doyenné. Celle-ci débute alors que James et Shaun affûte leurs couteaux dans l’est de Paris (on y est !), chez Au Passage, Bones et Yard. « On cherchait lieu pour enfin traduire notre vision de la gastronomie, sans forcément s’imaginer qu’elle prendrait cette direction », explique Shaun Kelly dans son potager.

Car, en 2019, aux prémices du projet, le chef australien ne s’imaginait pas devenir fermier. Un peu par nécessité, alors que les travaux de réhabilitation de la ferme du domaine patinent, il s’attèle à faire de l’hectare qui l’entoure un potager fertile. Pari gagné. L’entreprise est une telle réussite que, quand vient le Covid, les 150 variétés de fruits et légumes plantés, à l’inverse du reste du monde, ne se mettent pas en pause. Le Clarence, Passerini ou Le Chateaubriand deviennent clients et amènent à Shaun Kelly à complètement laisser les rênes des cuisines à son comparse pour s’immerger dans la philosophie potagère.

Sur un hectare, autour de l’auberge, il cultive aujourd’hui plus de 80 % des fruits et légumes utilisés en cuisine. Dans une partie qui n’est pas accessible à la visite, des poules et des cochons prospèrent en toute quiétude sous l’œil de l’Australien.

Le potager du Doyenné se visite librement.
Le potager du Doyenné se visite librement. Fanny Liaux Gasquerel

Le Doyenné : anatomie d’un phénomène

Le grand souffle d’air arrive en 2022 : le restaurant ouvre enfin ses portes, quelques mois avant les chambres. Trois ans plus tard, tout a changé… et rien n’a changé. La cuisine de James Kelly a gagné en finesse, nourrie de la vie collective du lieu. Lors de notre visite, même sans point de comparaison, la qualité du menu s’impose avec évidence : net, précis, remarquable.

Qu’est-ce qui rend cette cuisine exceptionnelle ? Les fruits et légumes, bien sûr. Leur fraîcheur, leur qualité, leur traitement. Le menu, à 135 euros, déroule cinq séquences : une farandole d’amuse-bouches, deux entrées, un plat, un chariot de fromages et deux desserts.

Ceci n’est pas votre plat de crudité quotidien…
Ceci n’est pas votre plat de crudité quotidien… Fanny Liaux Gasquerel

L’introduction du menu marque l’esprit. C’est peut-être le moment le plus déroutant du repas. Servies sur une palette de peintre, des bouchées aux couleurs se succèdent, mêlant plantes méconnues et compositions audacieuses. Simplement (et logiquement) intitulées « crudités du jardin » sur le joli menu qui guide notre découverte, ce plat est devenu une signature du chef, présent depuis les débuts du Doyenné.

Le repas se poursuit avec une nouvelle bouchée remarquables de crevettes bouquets marinées, une variété ouverte à la pêche seulement deux semaines par an, un ajo blanco (gaspacho blanc) léger, un tataki de thon relevé avec ses légumes aigres-doux, une canette parfaitement rosée, cuite au barbecue sur la terrasse du restaurant, un sorbet à la fraise et sa glace à la racine de fenouil (étonnante !) pour finir sur une gaufrette aux allures de cannolo à la crème de menthe, d’une légèreté absolue — une fin idéale.

Le thon rouge de ligne et ses légumes d’été et marjolaine.
Le thon rouge de ligne et ses légumes d’été et marjolaine. Fanny Liaux Gasquerel

Si le dîner est le point d’orgue de toute venue au Doyenné, l’expérience mérite d’être prolongée. Poser ses valises dans l’une 11 chambres qui donnent à l’auberge son A majuscule est une jolie façon de dormir sur son repas… pour mieux recommencer le lendemain, alors que le petit-déjeuner est servi dans un réfectoire charmant. Buffet de pain aux céréales, beurre local, marmelade d’abricots inoubliable. Et puis, on vient vous proposer un plat. Zut ! On était à deux doigts de se resservir une cuillère yaourt local. À la place, le choix est donné : une belle tartine à la ricotta et aux fruits rouges du jardin, ou mieux encore : un rösti coiffé d’une sardine et de son aïoli. Il en faut, le matin, pour affronter la mer, mais quel choix délicieux…

À 11 heures, il faut déjà quitter ce petit paradis. Pas sans lui promettre qu’on reviendra. Car ici, chaque saison raconte une nouvelle histoire.

Les chambres sont décorées avec goût et offre tout le confort pour digérer… l’expérience du Doyenné.
Les chambres sont décorées avec goût et offre tout le confort pour digérer… l’expérience du Doyenné. Evan Sung

Restaurant Le Doyenné. 5, rue St Antoine 91770 Saint-Vrain. Réservations.


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