The Good Guide
Non, le perfectionnisme n'est pas un vilain défaut. La preuve chez Maxime Bouttier qui démontre avec Géosmine qu'on peut être "chef" de bien des manières. A table !
Géosmine (n.f.) : composé chimique, sécrété principalement par bactéries telluriques lorsqu’elles produisent des spores, donnant son odeur à la terre fraîchement labourée ou mouillée après une période sèche.
Maxime Bouttier est un chef jusqu’au-boutiste. Ce n’est pas pour parader qu’il définit son restaurant à travers une citation du Larousse. Demandez-lui comment ou pourquoi il a choisi tel objet déco ou tel procédé de cuisson et sa réponse prendra la forme d’une démonstration. Chez Géosmine, rien n’a été laissé au hasard.
Le CV de Maxime Bouttier
Originaire de la Sarthe, ce chef discret a commencé tôt en cuisine. Il découvre à 8 ans l’univers agricole et se passionne au point de passer ses vacances d’été chez son oncle boucher-charcutier-traiteur et même des nuits à Rungis. À 14 ans, il se forme avec un BEP cuisine, mais aussi en pâtisserie et au service pour offrir au client une expérience la plus complète possible. Puis, il pousse la porte de restaurants étoilés pour parfaire son expérience en cuisine et en pâtisserie : Le Beaulieu* au Mans, La Maison d’à côté** chez Christophe Hay, le Taillevent à Londres, Le Pressoir d’Argent** restaurant gastronomique du Grand Hôtel de Bordeaux, L’Atelier de Jean Luc Rabanel** à Arles et enfin à Paris, chez Mensae en tant que chef de cuisine.
Maxime Bouttier, chef sur tous les fronts
L’aventure commence il y a… longtemps. « J’ai failli tout abandonner », soupire le chef, avant de nous expliquer avoir repris lui-même le chantier après une succession de déboires de prestataires. Une pause salvatrice lui aura redonné l’énergie nécessaire à l’aboutissement de son projet.
Alors, de la marque de ses couverts (Charles Canon, en résidus de coquilles Saint-Jacques) aux luminaires de l’entrée (DCW, « nos voisins, un travail d’orfèvre »), Maxime Bouttier est incollable. Il a tout choisi, au fil de ses rencontres. La réalisation architecturale de Géosmine lui a pris une année complète, épaulé de Parallel architecture sur certains éléments et, en fin de course, par une amie architecte, Bérengère Tabutin, du cabinet BBONUS.
Pendant qu’il se battait avec des problèmes d’acoustique ou d’étanchéité, le chef n’en a pas oublié ses premières amours. Pas besoin de rationaliser son approche en cuisine, Géosmine lui vient des tripes. « Je passe mon temps à chercher, à tester, répond Maxime Bouttier quand on lui demande comment il réfléchit ses compositions, quand je me trompe, je recommence. »
Géosmine : cuisine d’auteur
Cette cuisine d’instinct est une symphonie à laquelle seule les oreilles absolues pourront trouver quelque chose à redire. Officiellement inauguré depuis à peine deux semaines lors de notre passage, le menu fait un sans faute — seul le chef lui-même trouvera de quoi se flageller lors de notre debrief.
Il se dégage de Géosmine une énergie étonnante, rafraichissante. Le service est souriant, la cuisine ouverte et les saveurs inédites. A première vue « simple », presque organique, la cuisine de Maxime Bouttier est pourtant une partition de notes sorties tout droit de l’esprit du chef qui fait lui même sécher sa sauge au dessus de son four et ou réinvente la pomme dauphine à l’envi — « le truc que je préfère au monde. »
Si les menus du soirs se composent de 8 ou 11 temps — en réalité plus que ça, puisque le chef adore ajouter des surprises —, le spectacle n’a pas besoin d’entracte. Forcément axé sur les fruits et légumes de saison, toujours sourcés en circuits courts, le ballet évolue en toute légèreté, un plat en chassant un autre.
On s’extasie devant les premières asperges de la saison, snackées et servies avec un condiment crémeux à l’ail des ours, saupoudré de pistache et de mourons des oiseaux, qui chassent le tarama aux agrumes qui nous a ouvert l’appétit. Suivra un tableau de maquereaux, travaillés en charcuterie et agrémentés de pommes de terre et d’une mousse de vin jaune (aussi beau que délectable), puis une portion morilles farcies au veau planquées sous un délicieux jardin de petits pois charnus.
Laissons le reste au hasard du service, le menu de Géosmine évoluant chaque jour au gré des arrivages de ses partenaires. La mamelle, quant à elle, sera immuable tant qu’on fournira des tétines de vache au chef : ce plat, déjà signature, est une revisite contemporaine d’un abat oublié particulièrement chéri dans la Sarthe, d’où il est originaire.
De l’importance de la cave
Que serait un bon repas sans ses vins ? Si l’affirmation peut désormais être largement débattue grâce à des chefs capés qui innovent sans alcool, Maxime Bouttier, lui, a construit une cave à vin conséquente qu’il est fier d’exposer. Au rez-de-chaussée, en effet, un mur est entièrement constitué des bouteilles prêtes à être débouchées alors que le sol fait une percée sur la cave planquée au niveau inférieur.
C’est accompagné par son sommelier Vincent Glaymann que le chef a structuré une carte des vins qui voyage entre la Grèce, l’Espagne, l’Autriche, l’Allemagne ou encore l’Italie, une liste de bouteilles rares, issues de petites exploitations ou des cuvées confidentielles, directement auprès des vignerons ou de leurs représentants.
À 90% composée de vins naturels, biologiques ou biodynamiques, elle laisse aussi une place de choix aux plus traditionnels des jus, du Domaine de Pierre Damoy à Gevrey Chambertin (Bourgogne) à celui de Georges Vernay à Condrieu (Rhône).
Disposé sur deux étages qui donnent à l’adresse l’allure d’une maison de ville, Géosmine est un refuge où l’on appréciera autant avaler une assiette en moins d’une heure au déjeuner que passer plusieurs heures à la tombée de la nuit attablé avec une bande de copains. Car le nouveau et premier restaurant de Maxime Bouttier est avant-tout une expérience humaine où le chef est omniprésent, toujours là pour guider ses équipes ou répondre aux attentes des clients — n’oubliez pas de préciser vos intolérances à la réservation pour une prise en charge optimale.
F.L.G.
Géosmine
71 Rue de la Folie Mericourt, 75011 Paris
Réservations