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Le coup d’envoi des Rencontres 2025 a été lancé, et cette année est placée sous le signe de l’engagement. Engagement politique, écologique, social, mais aussi affectif. Une édition où le regard se fait militant, où l’image devient un terrain de lutte, de mémoire ou de réparation.
Dans l’effervescence de la première semaine, entre deux iced latte chez Fringe – où les photos de Guillaume Blot sur les restos routiers nous font saliver d’un sandwich jambon-beurre – ou une focaccia avalée sur le pouce Chez la Belge, on se laisse porter d’un cloître à une chapelle reconvertie, pour capter l’âme vibrante des Rencontres de la Photographie d’Arles 2025. Voici une sélection d’expositions à ne pas manquer.
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Les expos à ne surtout pas rater aux Rencontres de la Photo d’Arles 2025
Chapelle du Méjan – “Letizia Battaglia – J’ai toujours cherché la vie”
Impossible de ne pas évoquer l’immense travail de Letizia Battaglia. La photographe sicilienne documente de Milan à Palerme la mafia des années 1970 et 1980, la misère, les morts, la violence frontale. Mais aussi la tendresse, le travail des femmes, les rires d’enfants, les plages de Palerme. Un œil sans détour, profondément politique. Livres, couvertures de magazine, ce sont plus d’une centaine de photographies qui retracent son parcours majeur. Ici, les images frappent fort : une femme à l’enterrement de son fils, des processions religieuses, des assassinats sanglants. On ne peut détourner le regard. Puis quelques fois, des moments de tendresse : une brodeuse, des frères et sœurs qui s’enlacent, des mariages et de la joie.
Espace Monoprix – “Diana Markosian – Father”
Avec « Father », Diana Markosian poursuit son récit autobiographique. Après avoir documenté le départ de sa mère, son frère et elle-même de la Russie vers les États-Unis dans Santa Barbara, elle tente ici de renouer avec son père resté, malgré lui, derrière. Pendant près de quinze ans, abandonné par sa femme, il a tenté en vain de les trouver tous les trois. Lettres, objets, vêtements. Tout est là, mis en scène dans une reconstitution émouvante de leur passé commun, rêvé ou réel. Une quête de mémoire, d’apprivoisement, d’affection et d’amour père-fille.

Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fondation Manuel Rivera Ortiz – “Sortilèges”
Pour ses dix ans, la fondation s’offre une plongée dans les mondes occultes. Une exposition présentant des spiritualités oubliées, des sorciers et sorcières contemporains, des mythologies alternatives. On navigue entre rites et croyances, entre sorcellerie comme outil d’émancipation ou forme de connaissance. Les récits s’enchevêtrent, des figures nomades hantent les murs. C’est intriguant, dérangeant, parfois tendre, et toujours puissamment universel.

Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Cloître Saint-Trophime – “Éloge de la photographie anonyme”
Une autre forme de magie opère ici : celle de l’archive. Plus de 1 000 images vernaculaires d’anonymes, de photographes amateurs. Quelques noms apparaissent, une Lucette éternellement en vadrouille, un certain Monsieur Roussel obsédé par sa femme, des soldats et des intérieurs, des fêtes et des solitudes. Un Zorro qui pose fièrement en noir et blanc. Chaque fragment contient un récit : chaque cliché anodin devient précieux et forme un ensemble indissociable. L’exposition questionne notre place de regardeur·euse : que voyons-nous ? Et que disent ces images de nous-mêmes ? Plus qu’un inventaire, c’est une traversée de l’histoire de la photographie par ses marges.

Avec l’aimable autorisation de l’ancienne Collection Marion et Philippe Jacquier / Don de la Fondation Antoine de Galbert au musée de Grenoble.
Mécanique Générale – “Yves Saint Laurent et la photographie”
C’est une rencontre entre deux univers intimement liés : la mode et la photographie. Simon Baker (directeur de la MEP) et Elsa Janssen (directrice du Musée Yves Saint Laurent) orchestrent une exposition foisonnante autour de la figure d’Yves Saint Laurent, couturier visionnaire et amateur éclairé d’images. Des clichés iconiques de Richard Avedon à Helmut Newton, en passant par Bettina Rheims ou Sabine Weiss, des planches-contact, coupures de presse, publicités : l’ensemble raconte l’évolution d’un regard, d’un style et d’une époque.

Avec l’aimable autorisation d’Yves Saint Laurent / Jeanne Lanvin-Castillo / Peter Knapp.
Mécanique Générale – “Construction Déconstruction Reconstruction”
Dans le cadre de la saison France-Brésil, cette exposition met à l’honneur le Foto Cine Clube Bandeirante (FCCB) de São Paulo à travers trente-trois photographes. Ce groupe d’artistes modernistes brésilien·nes des années 1940-1960 a expérimenté à tout-va : photomontages, solarisations, jeux d’ombres. On aperçoit des villes en mutation, leurs tensions sociales comme leur rapport au territoire. On traverse les rues géométriques de São Paulo, les plages vibrantes de Rio. Le poids du béton contraste avec la légèreté d’un ballon de volley. Une esthétique rigoureuse et libre, méconnue de la scène internationale mais absolument fascinante.
LUMA – “David Armstrong”
Quinze ans après une rétrospective majeure à Arles, l’œuvre de David Armstrong revient autour de ses portraits doux-amers. Un retour bienvenu. Des jeunes gens photographiés dans la lumière naturelle. Tout y est discret et tendre, rien n’est surfait. Le photographe laisse les personnes se dévoiler, on y devine des histoires, on imagine des amitiés naissantes, des amours d’un soir. En creux, un drame affleure : celui de l’épidémie du sida. En noir et blanc ou en couleur, l’œuvre de David Armstrong est un chant d’amour discret, une archive de ce qui a été.

Avec l’aimable autorisation d’Estate of David Armstrong.
La Croisière – “Retratistas do Morro” et “Chambre 207”
Lieu emblématique des nuits arlésiennes, La Croisière devient aussi un espace d’intimité. Avec « Retratistas do Morro », on plonge dans le quotidien de Serra à Belo Horizonte, la plus grande favela brésilienne, entre 1970 et 1990 : vinyles, velours, photos de famille. Loin des clichés, on ressent la chaleur des intérieurs, l’histoire d’une communauté. Juste à côté, dans « Chambre 207 », un drame personnel prend forme : celui d’un assassinat reconstitué, d’un héritage photographique hanté.

Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
ENSP – “La guerre de la langouste”
À l’ENSP, c’est une drôle de guerre qui est racontée : celle de la langouste. En 1961, un conflit improbable oppose la France et le Brésil autour de zones de pêche sur la côte du Nordeste. Un désaccord diplomatique qui tourne au vaudeville géopolitique. Les étudiant·es de l’École de l’ENSP s’en emparent avec malice et tension. Coupures de journaux, collages absurdes, installations vidéographiques lancinantes, projections de diapositives et sons inquiétants : tout concourt à faire monter la pression… pour mieux la désamorcer. Une forme d’humour froid, presque documentaire, où l’absurde grince.
Bonus : où manger un bout et boire un verre
Avant le 27 juillet, on fonce chez Print, dans l’ancien Hôtel Printemps. Devanture désuète mais charme fou. Le label Cracki Records s’occupe de la programmation musicale, et le chef Alexis Bijaoui régale les papilles. Dans la piscine vide ou sous les glycines, on sirote un vin nature en découvrant les photographies de Marine Billet. Corps libres, sororité douce et regards francs.
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