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A la suite de la crise économique et financière de 2008, le gouvernement portugais s’est lancé dans une vaste campagne de séduction à destination des investisseurs étrangers. De quoi éveiller l’appétit de la Chine, qui a largement su tirer parti des opportunités offertes en misant sur des marchés stratégiques, comme l’énergie, les services publics ou les banques. Elle s’est ainsi imposée comme l’acteur économique incontournable du pays.
L’Europe, privilégiée par les investisseurs
En parallèle, l’importance croissante des investissements provenant d’entreprises privées – également promus par les autorités chinoises – permet de rassurer les esprits quant à une éventuelle trop grande influence de l’Etat chinois dans les pays d’accueil. « On peut observer trois différents facteurs qui motivent ces investissements, commente Miguel Santos Neves. La recherche de profits, la volonté de devenir un acteur mondial et, enfin, l’évolution vers des activités à plus forte valeur ajoutée. » Le cas du Portugal est symptomatique d’une stratégie d’expansion chinoise internationale. En une vingtaine d’années seulement, ses IDE ont été multipliés par 40 pour atteindre la somme mirobolante de 180 milliards d’euros en 2016. Longtemps, l’Amérique a eu les faveurs de ses investissements mais, la crise aidant, l’Europe est devenue l’une de ses cibles privilégiées avec 35 milliards d’euros investis en 2016. Une appétence chinoise qui peut s’expliquer, d’une part, par les perspectives juteuses offertes par des économies européennes dévastées et, d’autre part, par la volonté des autorités chinoises de s’intégrer dans une économie mondiale de manière pérenne. Le trio de tête reste composé par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Viennent ensuite les pays du Sud et, dans une moindre mesure, ceux de l’est de l’Europe, particulièrement mis à mal par la crise économique et, de fait, synonymes d’investissements intéressants – le rachat de Pirelli par ChemChina en 2015, le port du Pirée cédé à Cosco en 2016. « Ces investissements chinois à grande échelle, axés sur des secteurs de haute technologie et à haute intensité de savoir sont à l’opposé du schéma de la petite entreprise familiale chinoise classique, centrée sur des secteurs low tech et à faible intensité de savoir, comme la restauration, la vente au détail ou le commerce de gros, explique Miguel Santos Neves. Cela se traduit par une structure duale des entreprises chinoises au Portugal et par la présence d’une communauté extrêmement hétérogène. »
Une classe moyenne chinoise riche
Une disparité qui découle de la longue histoire des relations économiques et commerciales qu’entretiennent la Chine et le Portugal. Celles-ci remontent en effet au XVIe siècle lorsque, en 1513, le navigateur Jorge Alvares atteint le delta de la Rivière des perles, dans le sud de la Chine. En 1554, les autorités portugaises et cantonaises signent le premier accord luso-chinois autorisant les Portugais à établir un comptoir commercial à Macao à partir de 1557. En 1887, le traité sino-portugais de Pékin reconnaît officiellement la souveraineté et l’exploitation de Macao par les Portugais. Le territoire est rétrocédé à la république populaire de Chine, en 1999. Dès les années 90, la présence chinoise au Portugal connaît une croissance forte et constante. « On peut observer trois phases d’immigration chinoise au Portugal, explique Miguel Santos Neves. Il y a eu une première vague dès le milieu des années 70. Il s’agissait de Chinois venant du Mozambique qui étaient déjà bien intégrés à la culture et possédaient pour la plupart la nationalité portugaise. Ils immigraient après la décolonisation pour des raisons de sécurité. Ensuite, dans les années 90, il s’agissait de Chinois venant de Macao, avant que le territoire ne soit rendu à la république populaire de Chine. Ils cherchaient une alternative pour sécuriser leurs affaires et leurs commerces. Enfin, une troisième vague a eu lieu à la fin des années 90 et concernait des Chinois venant du continent, principalement motivés par les perspectives économiques du marché unique européen, à une époque où le gouvernement chinois visait une intégration croissante dans l’économie mondiale. » Ainsi le Portugal a-t-il toujours été considéré comme une terre d’opportunités par la population chinoise. Si les avantages économiques sont mis en avant, les raisons historiques et culturelles ne sont pas négligeables pour autant.
Dernièrement, c’est une classe moyenne chinoise riche en pleine émergence qui investit à l’étranger pour sécuriser ses actifs afin de pallier les éventuels risques politiques et le faible système légal en Chine, loin de garantir droits et protections sur sa fortune récemment acquise. Ainsi, lorsque le gouvernement portugais lance les « visas dorés », un programme qui conditionne l’octroi d’un permis de séjour à un investissement spécifique, c’est la population chinoise qui en est la principale bénéficiaire. En effet, sur les 5 003 visas délivrés de 2012 à 2017, 3 376 ont été octroyés à des Chinois. L’investissement dans l’immobilier est, de loin, la mesure la plus privilégiée. « Les Chinois ont favorisé le marché de l’immobilier, où les prix étaient particulièrement intéressants, et pour lequel l’investissement était moins contraignant que la création d’emplois, par exemple, souligne Miguel Santos Neves. C’est aussi un symbole de prestige d’acquérir un bien immobilier en Europe. Mais, pour le moment, on ne peut pas parler de l’émergence d’un nouveau segment d’investissement pour la communauté d’affaires chinoise au Portugal. » Cela étant, l’engouement chinois n’est pas près de retomber.
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