Culture
The Good Life était à Milan pour la présentation de la 46e édition du mythique calendrier Pirelli. L’occasion d’échanger avec ses protagonistes et le photographe Albert Watson. Nous les avons rencontrés lors d’une soirée exclusive au Pirelli Hangar Bicocca. Compte rendu.
En 1963, produit de l’imagination d’une équipe marketing de Pirelli, « The Cal » voyait le jour. Vite, ce calendrier hors du commun, de simple cadeau s’est transformé en véritable objet culte offert aux célébrités et aux clients prestigieux du colosse italien du commerce de pneumatiques. 46 ans après, on ne compte plus les nombre de photographes (de Annie Leibovitz à Terry Richardson, en passant par Peter Lindbergh et Mario Testino) et femmes influentes (Cindy Crawford, Milla Jovovich, Heidi Klum, Kate Moss, Brittany Murphy, ou Sienna Miller) qui ont prêté leur créativité et leur image pour ce cadeau d’entreprise iconique à tirage limité. Il y a un an, les paparazzi se pressaient à New York pour apercevoir le casting dirigé par Tim Walker (Naomi Campbell, Whoopi Goldberg et Sean Diddy Combs entre autres), inspiré par le monde onirique d’Alice au pays des merveilles. Tout en restant dans l’univers des rêveries, cette année Pirelli a fait appel à Albert Watson. C’est à Milan, au siège de la marque, que le photographe écossais nous présentait son travail la semaine dernière, peu avant que la soirée de gala commence.
Albert Watson s’est amusé à décrypter le thème des rêves d’une façon différente de ses prédécesseurs. Il a imaginé une histoire à l’américaine, racontée par quatre quatre mini courts-métrages qui relient les vicissitudes d’une photographe botanique et son amie mannequin, une artiste peintre et son compagnon danseur tatoué, une femme riche et célèbre avec son ami confident et un couple de danseurs en quête de succès. Leur dévotion, leur passion et leur réflexion sont le fil conducteur de ces 40 clichés réalisés en 12 jours à peine entre Miami et New York. Un travail accueilli avec enthousiasme par Marco Tronchetti Provera, PDG du groupe Pirelli, selon qui l’artiste d’Edimbourg est « un homme positif, prêt à affronter toute challenge avec la bonne attitude ».
L’admiration était partagée aussi par les autres invités à la soirée de gala qui s’est tenue le 5 décembre au Hangar Bicocca, l’espace d’exposition d’art contemporain de Pirelli, privatisé pour l’occasion. Si la jeune actrice Julia Garner a affirmé : « Je suis une fan d’Albert depuis toujours, c’était un honneur de travailler avec lui », Laetitia Casta détaillait : « Ce projet demandait bien plus que d’être sexy et iconique, la façon intelligente dont Albert me l’a présenté était intrigante, j’ai eu envie d’accepter immédiatement. Grâce à la photographie il a su établir une véritable connexion entre mode et cinéma, tout en sachant nous diriger. Cela fait plaisir de travailler avec un photographe qui, comme un réalisateur, a une idée précise du rôle de ses personnages ».
5 questions à Albert Watson :
Le regard concentré mais serein, protégé par ses lunettes rondes, le photographe écossais à partagé avec The Good Life ses impressions sur la réalisation de « Dreaming ».
The Good Life : Comment vous avez imaginé « Dreaming », la 46é edition du calendrier Pirelli ?
Albert Watson : Avoir la liberté – et les moyens – de concevoir un projet d’une telle envergure n’arrive pas tous les jours. Je voulais inventer quelque chose de nouveau : 4 courts-métrages à partir desquels j’aurai capturé les images du calendrier. Je voulais mettre en scène des femmes qui réfléchissent à leurs relations, leurs professions, leurs ambitions de devenir photographe, artiste ou danseuse, qui rêvaient de leur propre futur. D’un point de vue de la réalisation, je trouve cela essentiel de préparer mon travail au maximum. Comme je l’ai toujours fait dans ma carrière, notamment avec Steve Jobs, l’un des mes portraits les plus célèbres. On m’a souvent demandé comment j’ai pu saisir cette expression. C’est simple, quand Steve m’a demandé ce qu’il devait faire, j’avais préparé quelque chose pour lui. Je lui a conseillé d’imaginer d’être à une table ronde, entouré par des hommes d’affaires en désaccord avec lui lorsqu’il était convaincu que ses idées étaient les meilleures. Il a souri, c’était l’histoire de sa vie.
TGL : Quelles difficultés avez-vous rencontré en travaillant sur un tel projet ?
A.W. : Dans ce cas, les portraits étaient plus importants que la mode. Nous avons crée plusieurs personnages, chacun avec ses rêves et ses ambitions. Gigi Hadid par exemple joue le rôle d’une femme riche et célèbre et nous avons travaillé très dur ensemble car je ne voulais pas qu’elle pose trop. Puis, travailler sur un format 16 : 9, c’est complexe. Aussi, il a fallu changer d’endroit plusieurs fois dans la journée et réaliser 12 images par jour n’est pas évident, surtout quand on se déplace d’un bâtiment à l’autre avec la lumière qui change aussi. Tout a été très rapide. C’était ambitieux mais, en fin des comptes, je l’ai choisi, je ne peux pas me plaindre auprès de Pirelli !
TGL : Les femmes que vous représentez sont pensives et rêvent d’un futur meilleur. Est-ce que l’image d’une femme « sérieuse » a été votre inspiration pour le calendrier?
AW : Absolument pas. Au début je me suis posé la question de photographier des femmes souriantes se promenant dans la rue. Mais cela ne correspondait pas à la réalité. Disons que nous devons passer 7 jours ensemble, vous et moi. A un moment, vous commencerez certainement à penser à votre futur. Je ne saurai pas nécessairement si vous êtes contente de partager ce temps avec moi. Il se trouve tout simplement que vous allez réfléchir à vous tâches quotidiennes, sans que vous ayez forcement envie de rire. Dans ce sens, le mot anglais « pensive » a été une vraie force tractant pour ce projet. Mes modèles doivent penser. Quand je feuillette les reportages de mode dans les magazines je passe d’une page à l’autre et – au moins qu’on tombe sur un photographe réputé par son énergie et ses images solaires – j’aperçois que la majorité des mannequins ont la même expression. Les portraits sont une grosse partie de mon travail et j’ai à cœur de transcrire l’expressivité et cette dimension émotive. Dans les années 80 j’ai décidé de changer de style photographique, les autres photographes de mode ont trouvé ce que je faisais trop fort et lourd. Alors à l’époque j’ai eu pas mal de problèmes avec les magazines, mais aujourd’hui ces images se vendent très chers dans les galeries et s’exposent dans les musées. Je crois que j’ai fait le bon choix.
TGL : Comment vous avez choisi les personnalités pour interpréter les personnages de « Dreming » ?
AW : C’était un mix entre mes choix personnels et les suggestions de Pirelli. Comme Misty Cooper., que j’avais vue à l’œuvre, je savais qu’elle était une danseuse superbe, bien qu’elle ne soit pas une top model. Ceci-dit, j’ai fini par travailler aussi avec une vraie super model aussi, Gigi Hadid ! Monica Bellucci devait participer au calendrier, jusqu’à ce qu’elle n’annule à la dernière minute le jour avant notre shooting. Aucun étonnement donc si j’étais un peu nerveux quand Gigi Hadid est arrivée sur le set. Elle travaille en tant que mannequin et je ne voulais pas shooter des images de mode. Mais à la fin elle était superbe dans son rôle de jeune fille riche et célèbre à la « Paris Hilton » ou « Kim Kardashan », c’est ma femme qui a eu l’idée de l’accompagner d’un confident, le créateur Alexander Wang. Quant à Giulia Garner, elle est une jeune actrice extraordinaire, beaucoup plus célèbre aux Etats-Unis qu’en Europe, c’était mon idée de la photographier.
TGL : A partir du moment où vos images pour Pirelli ont été dévoilées, elles se sont presque immédiatement propagées en ligne. Quel est votre regard sur réseaux sociaux, Instagram en premier ?
AW : On shoote nos photos avec une camera à 100 mega pixel, parfois on arrive jusqu’à 280 mega pixel par image, une de ces impressions pourrait couvrir un mur entier, c’est un filet géant ! Quant on les rétrécit à la taille d’un écran de smartphone, c’est choquant. Avant de rendre les images d’un shooting de mode, mes équipes et moi passons des heures pour retoucher un cil, puis le rédacteur en chef reçoit nos fichiers sur son téléphone et valide notre travail en voiture depuis son tout petit écran… Mais les iPhones restent un miracle ! Puis, aujourd’hui, j’ai l’habitude… après tout, une bonne image, est censée être belle en toutes ses dimensions.
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