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Série n°1, 25. 06. 1979
veronica

Culture

Photo : Gloria Friedmann, l’élan du corps sans voiles

Culture

La série d’autoportraits "En chair et en os", réalisée à la fin des années 70, marque le point de départ de la trajectoire de Gloria Friedmann, artiste autodidacte aux œuvres protéiformes. Alors fraîchement débarquée à Paris, elle prend ces clichés dans l’urgence, à l’intérieur d’immeubles vides ou abandonnés, avant de les recouvrir de couleurs vives. Une urgence qui fait naître des photos intenses.

D’origine allemande, Gloria Friedmann arrive à Paris en 1977, à 27 ans. « J’hésitais entre Londres, New York, Rome et Paris, nous raconte-t-elle. Et en fait, j’avais suffisamment d’argent pour rouler jusqu’à Paris. Quand je suis arrivée, je ne parlais presque pas français, je disais oui à tout. Les gens devaient me prendre pour une folle ou pour une grande naïve, mais quand vous dites non, il faut s’expliquer, alors que oui, c’est oui !» Très vite, on lui propose du travail en tant que mannequin. Un ami lui offre un appareil photo et elle profite de quelques jours de liberté pour commencer à s’exercer.

Série n°1, 2. 08. 1979
Série n°1, 2. 08. 1979 Gloria Friedmann / Courtesy of Galerie Mitterand Paris

D’abord, des clichés pris au cimetière du Père-Lachaise, parce que « ni les morts, ni les statues ne parlent ou vous importunent », puis elle se lance dans sa première série d’autoportraits. Elle pénètre dans des immeubles vides ou abandonnés, grimpe au dernier étage, installe son appareil photo, place des objets qu’elle a apportés : morceaux de tissus, coussins, magazines, œufs, se déshabille à toute vitesse et prend place juste à temps pour laisser le retardateur se déclencher. « Tout était dans la vitesse. Il fallait que ce soit immédiat. C’était une sorte d’aventure. C’est devenu comme un jeu obsessionnel et je faisais une photo par jour. »

Série n°1, 30. 07. 1979
Série n°1, 30. 07. 1979 Gloria Friedmann / Courtesy of Galerie Mitterand Paris

Un jaillissement créatif et immédiat qu’elle entretient et qu’elle canalise dans ces expéditions impétueuses. La démarche artistique se réalise dans un sentiment d’urgence et une nécessité d’action. Elle se formalise au fur et à mesure que Gloria Friedmann invente son propre terrain de jeu et d’exploration. « Quand je regarde ce travail aujourd’hui, je me rends compte que c’était le début de quelque chose. Il y avait déjà le goût des installations mais, à l’époque, je ne connaissais rien à l’art. Je ne réfléchissais pas vraiment à ce que je faisais. Je ressentais juste un trop-plein, une urgence de faire des choses. »

Série n°1, 25. 10. 1979
Série n°1, 25. 10. 1979 Gloria Friedmann / Courtesy of Galerie Mitterand Paris

Les tirages qu’elle réalise elle-même dans sa salle de bains sont très mauvais. Trop gris. C’est parfait, en somme : cela lui offre l’opportunité d’aller plus loin dans son exploration plastique. Elle achète de la peinture à l’huile et, le hasard faisant bien les choses, la matière adhère au papier. « C’était une manière de donner une grande intensité à ces photos qui n’en avaient pas et que les photos en couleur n’avaient pas non plus. » Des aplats de couleurs très franches qui remplissent ces espaces au vide temporaire et accentuent la mise en scène globale.

Série n°1, 28. 08. 1979
Série n°1, 28. 08. 1979 Gloria Friedmann / Courtesy of Galerie Mitterand Paris

« Je voulais montrer un corps. C’était un moyen d’expression, comme une sorte de sculpture vivante qui pouvait se placer dans une installation. Mon visage est toujours caché. Le fait que je sois nue, c’est assez mystérieux. Je crois que c’est parce qu’étant mannequin j’étais toujours habillée pour les photos et là, je voulais faire autre chose. La nudité me donnait l’impression d’avancer dans une direction que j’ai complètement abandonnée par la suite. J’ai travaillé avec moi-même, parce que je m’avais sous la main et que c’était pratique.» La série est bouclée en six mois.

Gloria Friedmann, Série n°1, 2. 10. 1979
Gloria Friedmann, Série n°1, 2. 10. 1979 Gloria Friedmann / Courtesy of Galerie Mitterand Paris

Delphine Seyrig, qui l’héberge à ce moment-là, lui conseille d’aller la montrer à une institution qui vient d’ouvrir et que ce genre de travail expérimental pourrait intéresser : le Centre Pompidou.« Je suis arrivée là-bas avec mes tirages sous le bras. J’ai parcouru tous les étages. On m’envoyait de département en département et j’ai fini par montrer mon travail. Le lendemain, Alain Sayag (qui a créé le département de photographie) m’a appelée pour me dire qu’il voulait bien faire une exposition. C’était un peu miraculeux. C’était le début des années 80. A l’époque, on pouvait encore faire ce genre de chose. » Très vite, on lui propose de participer à la Biennale de Paris, pour laquelle Gloria Friedmann livre « son premier travail conceptualisé ». Le monde de l’art s’ouvre à elle. Les possibilités sont vertigineuses. Elle s’y immerge avec délice. « J’ai décidé que j’aimais ça et que ce serait ma vie. »

Une sélection de photos de Gloria Friedmann sera présentée à la Galerie Mitterand lors de Paris Photo (du 9 au 12 novembre).

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