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Depuis 70 ans, Pataugas explore les sentiers de forêt autant que le bitume, prônant l'ouverture sur le monde et l’extérieur. Aujourd’hui en pleine renaissance, avec à sa tête depuis trois ans Thomas Camille, la marque de René Elissabide ravive les souvenirs de toute une génération et s'apprête à en écrire de nombreux autres. Rencontre.
Salué par le Général De Gaulle, porté par François Mitterrand puis réinterprété par Jean-Paul Gaultier et Agnès B., on connait surtout de Pataugas son modèle Authentique. Première chaussure imaginée par René Elissabide au Pays Basque, en 1950, elle est l’un des plus beaux succès de l’industrie française. Quelques décennies plus tard, après s’être perdue en chemin, Pataugas et sa nouvelle équipe dirigeante menée par Thomas Camille ouvrent un nouveau chapitre.
« Je n’évite pas les flaques. Je les cherche ! » scande une campagne publicitaire d’époque. Chaussé de Pataugas, chacun peut sauter dans l’eau à pieds joints. La marque est synonyme d’infinie liberté, de joie de vivre et d’aventure. Dans les années 50, quelque 4 000 paires sortent chaque jour des ateliers avant d’être expédiées depuis la petite gare de Mauléon-Soule, située au pied des Pyrénées. « Votre marque Pataugas est connue partout » interpellera même le Général de Gaulle lors d’une foire.
Semelle repensée, logo repositionné, poids allégé, silhouette affinée, Pataugas renaît dans une version toujours intemporelle et authentique en 2021. C’est le fruit du travail de son nouveau CEO, Thomas Camille, charger de faire entrer la marque dans son époque.
5 questions à Thomas Camille, CEO de Pataugas
The Good Life : Pourquoi Pataugas est-elle venu vous chercher ? Comment avez-vous engagé la transition ?
Thomas Camille : Voilà trois ans que j’ai intégré ma nouvelle maison. Je suis arrivé pour moderniser la marque, sans faire de jeunisme. Pour ce faire, mon équipe et moi nous sommes plongés dans l’histoire de Pataugas. J’ai tout de suite senti un profond besoin de retour aux sources car la marque ne racontait plus sa belle histoire. Il n’y avait peu ou pas de concept boutique, l‘Authentique existait mais n’était plus fabriquée dans les règles de l’art, ou du moins comme avant… Nous avons également travaillé sur une nouvelle charte graphique, notamment un nouveau logo, résolument plus moderne, qui reprend le P de Pataugas, devenu notre isotype.
TGL : Vous avez tablé sur l’Authentique pour séduire…
T.C. : En effet, nous avons choisi de nous appuyer sur cet héritage riche laissé par René Elissabide pour moderniser la marque sans trahir son âme. Vous savez, en 1950, la chaussure était incroyablement avant-gardiste, créée avec astuce pour partir à l’assaut des Pyrénées en tout confort, de sa semelle crantée à son devant recouvert d’un chasse-pierre en caoutchouc pour protéger les orteils. Nous avons ainsi d’abord replacé sa fabrication en Espagne et en France et remis au goût du jour son procédé originel de fabrication : la vulcanisation. C’est ainsi que René Elissabide avait conçu sa première paire. Techniquement, il s’agit d’une patte chauffée au gaz, soit des billes de caoutchouc fondues dans un moule, à laquelle on vient appliquer la tige de la chaussure, faite de coton bio ou recyclé. Une fusion se produit entre les deux matières et rend le fini très léger et presque indestructible, notamment entre la semelle et le corps de la chaussure. Elle n’est pas collée.
Nous avons par la suite eu envie de décliner ce modèle originel en couleurs, haute et basse… De jouer avec les matières, aussi : nous avons relancé la production en toile, oubliée mais bien présente depuis 1950. Et puis nous avons étendu ce savoir-faire autour de la vulcanisation à de nouveaux modèles, notamment à la basket. Pour autant, tous nos nouveaux produits sortis depuis trois ans reprennent tous les codes laissés par l’Authentique : une couture en forme de P sur le côté, le chasse-pierre…
TGL : Comment vos boutiques reflètent-elle ce virage ?
T.C. : Nous nous sommes reposés sur l’expertise de Hugo Haas Studio pour créer, autour des codes de la marque, une première concept-boutique à Paris, rue du Four dans le VIème arrondissement, qui sera dupliqué en région. Ainsi, on retrouve un certain côté outdoor, presque glamping : la toile sur les assises, des blocs cosy minimalistes, du liège 100 % éco-responsable comme présentoir central pour les modèles. On a également travaillé des étagères en bois brut, suspendue par une structure filaire qui reprend elle aussi quelque peu la ligne du P de Pautagas, comme une liane dans un arbre. Enfin, dans une logique less is more, nous avons choisi de dépouiller les murs pour les laisser bruts.
TGL : Depuis 2021, vous avez révélé de nombreuses collaborations. Qu’est-ce qui s’annonce pour 2022 ?
T.C. : Les collaborations sont un moyen idéal pour nous de pousser un peu plus loin le curseur de l’artisanat et de la création. Cela fait partie de l’ADN de Pataugas que de s’appuyer sur les savoir-faire des autres, en toute humilité. Ainsi, l’année passée à vu naître une collaboration avec Le Mont Saint Michel, une chaussure 100 % faite en France à partir d’un tissu qui a été repris par la marque pour en faire une veste. Une autre avec Atelier Paulin, autour de charms, des bijoux à attacher aux lacets, à associer avec notre brodequin haut.
Deux collaborations qui arrivent en ce début d’année… La première avec l’OPEJ, une maison d’enfants pour laquelle sera reversée l’intégralité des fonds récoltés par les ventes. Nous allons commercialiser trois modèles réalisés par trois enfants issus de ces maisons. Et une seconde avec Atelier Bingo, un duo d’illustrateurs nantais très suivi sur Instagram. En plus d’avoir dessiné pour nous des motifs exclusifs pour nos modèles Authentique et Etxche, ils ont aussi pensé une vitrine exclusive.
TGL : Qui porte Pataugas aujourd’hui ?
T.C. : Nous avons deux grandes typologies de clients. D’abord, les nostalgiques de la marque, ceux pour qui l’Authentique rappelle des souvenirs d’enfance ou d’adolescence. Mais aussi un segment âgé de moins de 35 ans attiré par cette tendance de produits au look outdoor. Notre marché est principalement français mais nous nous rouvrons progressivement à la Belgique et, de façon plus surprenante, au Japon, un pays qui adore la marque.
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